WADDINGTON (William), 1826-1894 : Homme politique. Né à Saint-Rémy-sur-Avre (Eure-et-Loir) le 11 décembre 1826, William Waddington est issu d’une famille d’origine anglaise et protestante. Fils de filateur écossais naturalisé tardivement, marié en secondes noces à Marie King, petite-fille de l’un des pères de l’Indépendance des Etats-Unis, Waddington se fait remarquer plus par ses origines que son originalité.
C’est un savant, helléniste, archéologue, numismate et il est, avec Philippe Lebas, auteur d'un Voyage archéologique en Grèce et en Asie Mineure (1876-1877). Il est membre de l’Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres.
Elu député de l’Aisne en février 1871, il s’intalle discètement, au centre gauche, d’autant plus facilement que ce centre tirait alors vers la droite. Il fait bien partie de la cohorte des orléanistes de tradition qui, sous la houlette de Thiers, se transforment en républicains de conservation. Le 19 mai 1873 il entre au gouvernement de Thiers comme ministre de l'Instruction publique et il occupera le même portefeuille dans le gouvernement Dufaure en mars 1876, il essaiera de faire passer les universités libres sous le contrôle de l'État mais sera repoussé. Il garde cette fonction dans le gouvernement suivant de Jules Simon en décembre 1876, passe aux Affaires étrangères en décembre 1877 dans le second gouvernement Dufaure.
C’est Waddington, qui au congrès de Berlin, obtient de l’Allemagne et de l’Angleterre les mains libres pour la France en Tunisie.
« Education anglaise, théories de libéralsime américain et religion protestante », voilà comment Albert de Broglie, décidément mal disposé, croit stigmatiser William Waddington En février 1879, il succède à Dufaure à la présidence du Conseil et forme un gouvernement composé d’hommes de centre-gauche et de la gauche républicaine. Ministère chargé de la liquidation du 16 mai, et donc de la République des ducs, préparation de la République véritablement républicaine, celle des nouvelles couches sociales : entre ces deux termes, il ets demandé à une poignée de bourgeois d’assurer la transition.
Si Jules Grévy, élu président de la République cinq jours plus tôt, appela Waddington, ce fut avant tout pour éviter Gambetta, relégué à la présidence de la Chambre. Coincé entre ces deux personnalités qui avaient de leur fonction une conception extensive et dynamique, le président du Conseil était privé d’espace et d’oxygène. En outre, avec des collègues aussi affirmés que que Say aux Finances, Freycinet aux Travaux publics et, pour la première fois, Ferry à l’Instruction publique, l’action gouvernementale allait parfois à sens contraire. Waddington, qui avait conservé les Affaires étrangères, y consacrait l’essentiel de son activité, d’autant que ses vastes relations dans le monde anglo-saxon, sa pratique des langues étrangères lui valent de réels succès.
Ces atouts lui étaient imputés à grief par la presse de droite : « M. Waddington n’aurait qu’à se déguiser en Français pour être sûr de n’être pas reconnu », lisait-on dans L’Union. Et Louis Veuillot dénonçait ce « ministère des protestants » - cinq au taotal sur dix ministres, « de libres penseurs et de francs-maçons ». La droite avait en effet de quoi être mécontente : amnistie étendue en faveur des communards, adoption de la Marseillaise comme hymne national, retour des Chambres à Paris et surtout, imposée par Jules Ferry, interdiction d’enseigner aux congégations non autorisées. S’y ajoutent la création dans chaque départementd’une école normale d’institutrices, le renforcement du plan Freycinet de développement des chemins de fer, véritable instrument de pénétration de la République dans la nation, le vote, pour la première depuis la chute de l’Empire, d’un budget en équilibre, enfin une épuration de la fonction publique en faveur de républicains avérés.
Le bilan est loin d’être insignifiant, même si la part qui en revient à William Waddington personnellement est sans doute modeste. Au moins cet homme distingué et cultivé, mais sans guère d’autorité, esprit clair mais orateur peu inspiré, a-t-il contribuer à accréditer la République dans un pays qui ne lui était encore qu’incomplètement acquis. Libéral modéré mais pas modérément libéral, il est l’homme d’une transitions. La gauche républicaine et radicale le lui fait aussitôt sentir, du dehors à la Chambre des députés et même au Sénat, du dedans au sein du gouvernement. « Très versé dans les questions extérieures, note Freycinet, il ignorait les difficultés de l’échiquier parlementaires. Il connaissait à peine la Chambre où l’avait rarement conduit ses fonctions antérieures. Il n’en avait pas manié le personnel. Il ne soupçonnait pas les intrigues et la guerre sourde par laquelle on mine un ministère vanat de le renverser. Sa voix honnête avait peu de prise sur cette Assemblée houleuse, dans laquelle il fallait s’adresser aux passions au moins autant que la raison ». Sans avoir été mis en minorité, Waddington constatant l’auto-dissolution de son ministère se retire le 28 décembre 1879 et retrouve les bancs du Sénats. Il aura été président du Conseil pendant quarante-sept semaines.
De 1883 à 1893, il devient avec succès ambassadeur à Londres, le poste qui, en réalité, lui convenait le mieux. Durant cette période, il perd le département de l’Aisne dont il était sénateur et n’est pas réélu lors des élections sénatoriales de janvier 1894. Gravement affecté par cet échec, il meurt six jours plus tard à Paris le 13 janvier 1894. PERROT (G.) : Notice sur la vie et le stravaux de William Waddington… lue dans la séance publique annulelle du 26 novembre 1909 de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, Paris, Firmin-Didot, 1909.
WALDECK-ROUSSEAU (René), 1846-1904 : Homme politique. Né à Nantes le 2 décembre 1846 dans une famille bourgeoise, Waldeck-Rousseau a été toujours au plus profond de lui-même le républicain passionné qui s’est défini dans la fameuse phrase : « Modéré, libéral, oui, je l’ai été, et je le suis toujours, mais non pas modérement républicain. » Fils d’un représentant du peuple de 1848, proscrit par le coup d’Etat du 2 décembre, il se situe d’emblée dans la mouvance gambettiste, démocrate et libérale, forgée dans la haine du Second Empire et la défiance envers le socialisme, accusé d’avoir provoqué la chute de la IIème République en ressuscitant le spectre de la terreur. Waldeck-Rousseau s’inscrit au barreau de Nantes, où il devient un très grand avocat d’affaires qui accède à la haute bourgeoisie avant de se lancer en politique. Il est élu député de la 1ère circonscription de Rennes en 1879 comme républicain modéré et conserve ce mandat pendant dix ans. Membre du groupe de L’Union républicaine, il s’mpose alors à la Chambre comme le spécialiste des questions juridiques notamment sur des projets de réforme de la magistrature.
Sa carrière politique prend de l’ampleur lorqu’il est nommé ministre de l’Intérieur dans le cabinet Gambetta (novembre 1881-janvier 1882) et dans le second cabinet Ferry (février 1883-mars 1885). Ce libéral politique se distingue par sa passion pour la question sociale qui le place à gauche de l’opportunisme. Il travaille longuement sur l’idée de participation des ouvriers aux bénéfices de l’entreprise et, surtout, il fait voter la loi de mars 1884 qui accorde la liberté aux syndicats professionnels et il fait adopter le scrutin de liste. A la chute de Ferry, il est réélu député en 1885 mais ne se représentera pas aux élections de 1889, entraînant sa mise à l’écart de la vie publique. Reprenant sa carrière d’avocat, il s’impose comme un des grands maîtres du barreau de Paris. Expert en droit civil, il plaide notamment dans la plupart des grands procès financiers comme l’affaire Lebaudy ou le scandale de Panama dans lequel il défend Gustave Eiffel.
Il semble alors retiré de la vie politique mais va finalement céder aux sollicitations de ses amis républicains et se présenter avec succès aux élections sénatoriales partielles d’octobre 1894 dans le département de la Loire. Il est élu au premier tour du scrutin. En janvier 1895, après la démission de Casimir-Périer, il se porte même candidat à la présidence de la République mais c’est Félix Faure qui l’emporte.
Au Sénat, il intervient peu, l’essentiel de son programme politique se définit hors de l’hémicycle, notamment dans le « grand cercle républicain » qu’il a créé. En 1899, le président Loubet lui donne l’occasion de mettre en application ce programme, en l’appelant à former un gouvernement de « défense républicaine ». L’homme semble alors le seul à pouvoir réunir les différentes familles républicaines autour de sa personne. Il le doit à son passé, à son expérience, à son mépris affiché du pouvoir et des appareils partisans, à son engagement social qui lui assure de puissantes sympathies à gauche. L’homme du rassemblement est aussi le seul à incarner l’indispensable renouvellement du personnel politique, rendu impératif par la multiplication des affaires depuis Panama. S’il n’a jamais encore gouverné, il a eu tout le loisir de réfléchir aux déficiances du parlementarisme partisan, déficiences que la crise, en favorisant la concentration du pouvoir, va lui permettre de conjurer en offrant un contre-exemple de stabilité et de fermeté qui fera beaucoup pour la postérité du régime.
Il innove dès la formation de son gouvernement. Au lieu de négocier avec les différents groupes, il conduit directement d’homme à homme, les négociations avec les pressentis, exigeant des réponses immédiates, refusant tout compromis et dosage afin de s’imposer comme le chef d’une majorité, non comme exécutant précaire de la volonté des partis. En pleine affaire Dreyfus, alors que l’opposition nationaliste se déchaîne, Waldeck-Rousseau parvient à former, le 22 juin 1899, l’un des ministères les plus stables et les plus longs de la IIIe République. Il forme un cabinet de coalition républicaine, se réservant le ministère de l’Intérieur et des Cultes. Il compte onze ministres et un seul secrétaire d’Etat. La limitation numérique s’y conjugue avec une volonté d’ouverture inédite. Débordant à droite comme à gauche l’axe sempiternel apportunisme-radicalisme en place depuis 1879. Deux nominations soulèvent des tempêtes dans des secteurs opposés de l’opinion, celle au ministère de la Guerre du général Galliffet, « le fusilleur de la Commune », et celle du socialiste Millerand au Commerce et à l’Industrie. C’est en effet la première fois qu’un ministre socialiste fait partie d’un gouvernement et l’évènement va provoquer une scission chez les socialistes entre participationnistes et opposants à la participation. Waldeck-Rousseau confie les Finances à un jeune radical de trente-huit ans nommé Joseph Caillaux, s’assure du soutien d’une grande partie de la presse en le nommant le très influent directeur du Petit Parisien, Jean Dupuy, à l’Agriculture. Seuls Delcassé aux Affaires étrangères et Leygues à l’Instruction publique sont reconduits. Son cabinet est aussi ouvert que son ministère, puisqu’i regroupe en son sein plusieurs étoiles en devenir comme Paul-Boncour et André Tardieu. Enfin, avant-même son entrée en fonctions, il place à la tête de la préfecture de police l’expérimenté et efficace Lépine avec pour tâche de contrôler les mouvements nationalistes et de conserver la paix civile. Au total, Waldeck-Rousseau forme une équipre brillante, nouvelle, complémentaire, soudée par la volonté de sauver la République et de solder l’affaire Dreyfus. Le ministère de « défense républicaine » est constitué. Waldeck-Rousseau le dirige avec fermeté, comme l’explique Paul-Boncour : « Il exerçait sur ses ministres, avec son autorité courtoise, mais très ferme, une action incessante, dont j’ai été le témoin pendant les trois années que dura le ministère ; il était le « Premier » dans toute la force du terme ».
Retse à trouver une majorité parlementaire, sachant que les socialistes accueillent Galliffet avec des cris haineux et que l’entrée de Millerand fait office de repoussoir auprès des droites et de nombreux modérés. La séance inaugurale semble compromise quand, selon le témoignage de Joseph Reinach dans son Histoire de l’affaire Dreyfus, Brisson « éleva les bras dans un appel où les initiés reconnurent le signe maçonnique de détresse » et entraîna ainsi le gros des radicaux. Le ministère obtient une courte majorité dont l’axe passe sensiblement plus à gauche que ses devanciers puisqu’il s’appuie sur les radicaux. Le temps du gouvernement des centres, celui des Casimir-Perier, est révolu.
Il commence par apaiser l’opinion et par dénouer les crises. La tâche la plus urgente du nouveau gouvernement consiste à mettre fin à l’affaire Dreyfus. Il met à profit les quatre mois de vacances parlementaires, qui suivent son investitue, pour faire procéder à une ferme reprise en main de l’armée par Galliffet. La tension atteint son apogée avec le procès en révision qui s etient en août devant le Conseil de guerre à rennes. Au désespoir des dreyfusards, ce dernier confirme la culpabilité du capitaine tout en accordant des circonstances atténuantes, ce qui permet d réduire sa peine à dix ans de détention. Waldeck-Rousseau en profite pour faire gracier Ddreyfus par le président de la République Emile Loubet. Pour sanctionner les adversaires de la République, Waldeck-Rousseau montre la détermination du gouvernement en faisant traduire Jules Guérin, le retranché de Fort-Chabrol et Déroulède en Haute Cour et plusieurs ligues nationalistes pour atteinte à la sûreté de l’Etat. En mars 1900, il fait voter une loi d’amnistie censée tourner la page. Ayant accompli sa tâche, Gallifett démission en mai suivant, laissant sa place au général André.
Comme souvant dans l’histoire du régime, l’accalmie politique est compromise par une agitation sociale. Il lui faut trouver une solution pour mettre fin à la vague de grèves ouvrières importantes qui paralysent une partie de l’industrie française et qui se succèdent de l’été 1899 à l’été 1901. En conflit prolongé avec la direction de Schneider, les ouvriers grévistes du Creusot sollicitent l’arbitrage du chef du gouvernement. En acceptant, Waldeck-Rousseau accentue le rôle économique de l’Etat, initiant un interventionnisme qui provoque l’ire du patronat, d’autant plus ulcéré que le président du Conseil prend parti pour les grévistes et impose sa médiation. S’il renonce à légiférer et à rendre cette médiation systématique, le disciple de Gambetta n’en appuie pas moins avec chaleur l’œuvre de Millerand qui s’avère considérable. A compter de mars 1900, le temps de travail quotidien est limité à onze heures pour les hommes, dix pour les femmes et les enfants. Le repos hebdomadaire, une des plus fortes revendications syndicales, est institué tout comme un Conseil supérieur du travail rassemblant représentants du patronat et salariés. Pour la première fois, des inspecteurs du travail sont recrutés au sein du monde ouvrier. L’Office du travail est remplacé par une direction de plein exercice. Le ministre élabore et dépose des projets de loi sur la personnalité civile des syndicats, les retraites ouvrières ou la réforme du droit de grève.
En politique extérieure, Waldeck-Rousseau laisse les mains libres à Delcassé qui parfait son œuvre d’affaiblissement diplomatique de l’Allemagne. Après l’alliance franco-russe, l’heure est à la préparation de l’Entente cordiale avec l’Angleterre qui aboutit finalement à la Triple Entente.
Préoccupé de renforcer l’autorité de l’Etat face à l’Eglise, il souhaite le maintien du Concordat qui lui permettrait de surveiller le clergé séculier, mais il ne peut exercer de contrôle sur le clergé régulier dont l’influence est grande sur le monde catholique et il s’attaque aussi, de façon mesurée et sans anticléricalisme militant, à la querelle religieuse qui divise les Français, autour de l’ingérence des congrégations dans les affaires de l’Etat comme cela a été le cas de la congrégation des Assomptionnistes au temps de l’affaire Dreyfus. Aussi pour lutter contre les « moines d’affaires et les moines ligueurs » dépose-t-il un projet de loi sur les associations, visant à étendre le droit commun aux congrégations religieuses et contraignant les congrégations non autorisées à demander l’autorisation dans un délai de trois mois. Mais au parlement, les passions se déchaînent et le texte adopté est plus sévère envers les congrégations que ne l’avait envisagé le président du Conseil. Il proposait une application libérale de la loi, mais Emile Combe, son successeur, se gardera bien d’adopter une telle attitude, Waldeck-Rousseau déplorant alors qu’on ait transformé une « loi de contrôle en loi d’exclusion ». Le gouvernement Waldeck-Rousseau soumet également la grande réforme de l’enseignement secondaire votée à la fin de son ministère.
Les derniers mois du ministère sont marqués par les législatives. Epuisé et déjà malade, Waldeck-Rousseau ne pronoce qu’un discours parlementaire entre juin 1901 et mai 1902. Les élections sont un triomphe pour sa majorité, en particulier pour les radicaux qui deviennent la première force du pays. « Ils sont trop » constate Waldeck-Rousseau qui choisit alors de démissionner, le 3 juin, atteint d’un cancer, préférant partir en pleine gloire que de devenir l’otage d’une majorité dont il désapprouve les passions et condamnera l’intolérance. C’est la première fois sous la IIIème République qu’un gouvernement se retire de son plein gré, sans avoir été mis en minorité.
Consulté par le président loubet, Waldeck-Rousseau préconise son remplacement par Emile Combes, croyant l’homme modéré. Redevenu sénateur de la Loire, il va en fait, proche de sa fin, s’opposer à la politique de séparation de l'Eglise et de l’Etat prônée par le « petit père Combes » qu’il juge dangereuse, avant de décéder d’un cancer du pancréas dans sa propriété de Casteljoli à Corbeil (Seine-et-Oise), le 10 aout 1904.
Par la personnalité de son chef, son exceptionnelle longévité et l’importance de son action, le ministère Waldeck-Rousseau est l’un des plus importants du régime. Il peut se targuer d’avoir sauvé la République non seulement ne réglant l’affaire Dreyfus, mais aussi en initiant l’intervention de l’Etat dans la question sociale et en identifiant un des plus solides pilliers avec la loi des associations. Pourtant, le personnage, sans doute en raison de sa sécheresse apparente et d’une mort précoce qui lui a interdit d’écrire ses mémoires. Homme de transition entre la République opportuniste et la république radicale, Waldeck-Rousseau laisse une image ambiguë, presque mystérieuse. Autoritaire, parfois cassant, il répugnait à toute forme de démagogie, affectant par exemple de mettre ses mains dans ses poches à l’issue de ses discours afin d’éviter tout contact physique avec ses admirateurs. Cette froideur, parfois hautaine, en troubla plus d’un et lui attira de solides inimitiés. Elle peut être aussi interprétée comme un e volonté de se placer à une certaine distance, indispensable à l’exercice du pouvoir. Poincaré qui l’a souvent affronté à la barre rappelait volontiers : « La première fois que j’ai plaidé contre lui, je me faisais l’effet d’un caniche aboyant après une statue. » Caillaux, qui l’a toujours considéré comme son maître, vante dans ses Mémoires sa « magnificence intellectuelle et les capacités d’anticipation et de conducteur d’hommes. » REYNAUD (P.) : Waldeck-Rousseau, Paris, Grasset, 1913.
SORLIN (P.) : Waldeck-Rousseau, Paris, Armand Colin, 1966.
WALLON (Henri), 1812-1904 : Historien et homme politique. Né le 23 décembre 1812 à Valenciennes, Henri Wallon appartient à une famille de la petite bourgeoisie. Il fait ses études au collège de Valenciennes, puis au lycée de Douai. Il est reçu à l’Ecole normale supérieure en 1831. Il est ensuite agrégé d’histoire, licencié en droit et, en 1837, obtient deux thèses de doctorat, l’une sur le droit d’asile, l’autre sur l’immortalité de l’âme.
Professeur d’histoire à l’Ecole normale et à la Faculté des lettres de Paris, il rédige en 1847 une Histoire de l’esclavage dans l’Antiquité. Cet ouvrage est remarqué par Victor Schoelcher, président de la commission pour l’abolition de l’esclavage, commission dont Henri Wallon devient secrétaire. Il débute alors une carrière politique en se faisant élire aux élections de mai 1849 dans le Nord. Il démissionne néanmoins rapidement pour protester contre la loi du 31 mai 1850 qui ampute le suffrage universel. Wallon retrouve son enseignement à la Sorbonne où il est titulaire de la chaire d’Histoire moderne. Il publie une œuvre variée : des ouvrages d’Histoire sainte, dont Saint Louis en son temps et une Vie de Jeanne d’Arc qui connaît quinze éditions, et de nombreux travaux sur la Terreur révolutionnaire. La qualité de son œuvre lui vaut d’être élu membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres dès 1850.
En 1871, Wallon revient à la vie politique en se faisant élire dans le département du Nord sur une liste de Centre droit. Le 30 janvier 1875, il entre dans l’Histoire en faisant adopter à une voix de majorité le célèbre amendement qui établit un septennat impersonnel et fonde la République. Les jours suivants, il prend une part active à la rédaction finale des lois constitutionnelles, notamment de la loi sur le Sénat. En mars 1875, il devient ministre de l’Instruction publique du Cabinet Buffet. Cette carrière ministérielle s’achève un an plus tard à l’avènement du ministère Dufaure. Entre-temps, le 18 décembre 1875, Wallon est élu, in extremis, au neuvième tour de scrutin, 69ème sénateur inamovible, victime à la fois des rancoeurs des monarchistes intransigeants et de celles des adversaires de la liberté de l’enseignement supérieur dont il avait obtenu le vote quelque temps auparavant. Henri Wallon décède à Paris le 13 novembre 1904.
WALLON (Amendement) : Le 30 janvier 1875, un modeste amendement introduit subrepticement le mot République dans les lois constitutionnelles de la France. Depuis la déchéance de Napoléon III, quatre ans plus tôt, c'est la première fois que les députés désignent formellement la nature du régime qu'ils mettent en place par petites touches. L'amendement Wallon fonde la République.
Les députés de l'Assemblée nationale élue le 8 février 1871 étaient en majorité monarchistes. Mais comme le comte de Chambord, héritier de la monarchie capétienne, se faisait prier pour monter sur le trône, ils avaient prorogé le mandat présidentiel du maréchal de Mac-Mahon pour sept ans en attendant que le prétendant veuille bien se décider. Profitant de ce répit, Léon Gambetta, chef fougueux de la gauche républicaine, fait alliance avec son vieil ennemi, Adolphe Thiers, le chef conservateur. Il fait adopter en juin 1874 une loi fixant à 21 ans et non plus à 25 l'âge où il devient possible de voter aux élections municipales. Voilà déjà un suffrage universel plus étendu que jamais ! Le 6 janvier 1875, au lendemain de l'inauguration du Palais-Garnier, l'Assemblée nationale aborde les lois constitutionnelles avec la volonté de sortir du provisoire.
Elle met au vote deux projets de lois «relatifs à l'organisation des pouvoirs publics» en écartant soigneusement le vocable République. Le 28 janvier, un député propose en vain un amendement où il est question du «gouvernement de la République». C'est le tollé. Mais les modérés des deux bords, républicain et monarchiste, s'activent, pressés d'en finir. Le 30 janvier, enfin, Henri-Alexandre Wallon, un député modéré du centre gauche, historien de profession, dépose un amendement au contenu anodin, ainsi conçu : «Le président de la République est élu à la majorité des suffrages par le Sénat et la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible».Le vote de l'amendement s'avère très serré du fait de quelques ralliements monarchistes de dernière minute. En fin d'après-midi, il est adopté avec 353 voix pour et 352 voix contre. Une voix d'écart ! C'est ainsi que la République, la fonction présidentielle et le septennat entrent d'un coup dans les lois constitutionnelles de la France. Par la même occasion, l'amendement Wallon consacre le retour au bicamérisme, avec deux assemblées en concurrence : le Sénat et la Chambres des députés. Les jours suivants, les députés confient au président de la République le droit de dissoudre la Chambre, mais seulement sur l'avis conforme du Sénat, ce qui aura pour effet de réduire ce droit à rien et d'abandonner la réalité du pouvoir aux combinaisons partisanes dans les couloirs du Palais-Bourbon. Pour la forme, les monarchistes obtiennent que l'Assemblée nationale garde le droit de changer la forme du gouvernement et de restaurer la monarchie. Les institutions de la IIIe République, lentement mûries par des hommes qui ont vécu sous des régimes très divers, perdureront jusqu'en 1940.
Jacques Chastenet, L'enfance de la Troisième 1870-1879 (Hachette, 1952).
WALRAS (Léon), 1834-1910 :
Economiste. Né à Evreux, son père Auguste Walras est lui aussi professeur d'économie. Léon Walras deviendra critique d'art avant de postuler sans succès à des postes d'enseignant en économie dans les universités de Paris. Il devra enseigner à Lausanne à partir de 1870. A la fin du 19ème siècle, il y a un conflit en France entre la pensée libérale (des universités), un mouvement socialiste (des écoles d'ingénieurs) et le courant solidariste. Né à Evreux (Eure), le 16 décembre 1834, d'Antoine-Auguste Walras et de Louise Aline de Sainte Beuve.
Ce fut alors que les hommes au gouvernement dans le canton de Vaud, ayant réorganisé ; par une loi de 1869 l'Académie de Lausanne, et voulant instituer une chaire d'économie politique à la Faculté de Droit, se souvinrent de l'économiste qu'ils avaient vu et entendu au congrès de l'impôt de 1860 et m'avertirent de leurs intentions en m'exprimant le désir de me voir me présenter au concours. J'y consentis. Je donnai ma démission de mes fonctions pour la fin de juillet, quittai Saint-Mandé que j'habitais et traversai Paris, sans m'y arrêter, le dimanche matin 7 août 1870, pour aller en Normandie. Les événements qui suivirent me trouvèrent là, me préparant à l'enseignement de l'économie politique qui était devenu l'ambition de ma vie, et m'y retinrent d'abord sous le coup d'un décret du Gouvernement de la Défense nationale qui mobilisait en principe les hommes mariés jusqu'à l'âge de quarante ans. Le concours était ouvert et le jury nommé : j'avais exposé mes titres et envoyé mes ouvrages. Ce jury se composait de sept membres : trois personnes notables du pays et quatre professeurs d'économie politique. Les premiers m'étaient favorables ; des quatre professeurs, trois m'étaient nettement opposés. Le quatrième, qui était le professeur Dameth, de Genève, déclara qu'il ne partageait pas plus mes idées que ses collègues, mais que, pourtant, il jugeait de l'intérêt de la science que ces idées, évidemment sincères et sérieuses, fussent professées, et que, par ce motif, il me donnait sa voix. La nomination fut faite. En même temps, le décret de mobilisation était rapporté. Accompagné de deux membres du conseil municipal de Caen, mes anciens camarades de Collège, je me présentai à la préfecture du Calvados et demandai mon passeport en m'engageant, sous la garantie de mes amis, à rentrer en France si le décret reprenait vigueur. Je partis de Caen le mercredi matin 7 décembre pour me rendre à Lausanne par Le Mans, Angers, Niort, Poitiers, Moulins et Lyon. Je montai dans ma Chaire le 16 décembre; j'étais âgé de trente-six ans.
L'idée de créer l'économique mathématique, que j'avais annoncée dans ma lettre d'offre de services au Conseil d'État de Vaud, n'avait jamais cessé de m'occuper depuis 1860. Dès que j'eus organisé provisoirement mon enseignement dans la forme ordinaire, je me mis à l'oeuvre. Une seule tentative sérieuse dans ce sens m'était connue: celle de Cournot. J'avais reconnu déjà que la courbe de demande de Cournot qui donne la quantité demandée en fonction du prix, approximative dans le cas de l'échange de plusieurs marchandises, n'était rigoureuse que dans le cas de l'échange de deux marchandises. Me restreignant donc à ce cas, je déduisis d'abord rationnellement de la courbe de demande de chaque marchandise la courbe d'offre de l'autre, les prix courants d'équilibre résultant de l'intersection des courbes d'offre et de demande. Et, ensuite, je déduisis rationnellement la courbe de demande elle-même des quantités possédées et des courbes d'utilité ou de besoin des deux marchandises, donnant l'intensité du dernier besoin satisfait, ou la rareté, en fonction de la quantité consommée, et qui se trouvaient ainsi constituer les éléments premiers du prix et fournir la pierre angulaire de toute l'économie politique mathématique. La théorie, réduite à ces limites, fut communiquée en août 1873 à l'Académie des sciences morales et politiques à Paris; et cette communication, ayant amené la connaissance de ce fait que Jevons, en Angleterre, deux ans avant moi, avait résolu le second de mes deux problèmes en posant la courbe d'utilité et en formulant la condition de satisfaction maxima par l'égalité du rapport des raretés, qu'il appelle degrés finaux d'utilité, au prix, donna tout de suite à l'étranger un vif retentissement à la découverte.
Passant de la théorie de l'échange de deux marchandises à la théorie de l'échange d'un nombre quelconque de marchandises, et de la théorie de l'échange aux théories de la production, de la capitalisation, et de la monnaie, je constituai progressivement toute la théorie de l'équilibre économique: d'abord dans quatre mémoires: - Principes d'une théorie mathématique de l'échange (1873), - Équations de l'échange (1875), - Équations de la production, - Équations de la capitalisation (1876), - bientôt traduits en italien et en allemand sous ces titres: - Teoria matematica della richezza sociale (1878), - Mathematische Theorie de Preisbestimmung der wirthschaftlicher Güter (1881) ; puis dans mon ouvrage des Eléments d'économie politique pure dont la 1ère édition parut en 1874-77 et la 2e en 1889. La Théorie mathématique de la richesse sociale (1883) est composée de sept mémoires dont les cinq premiers, savoir les quatre ci-dessus, et un cinquième sur la Théorie mathématique du bimétallisme (publié dans le Journal des Economistes en 1876-81 et 82), sont des travaux d'économie politique pure, mais dont les deux derniers, consacrés à la Théorie mathématique du billet de banque (1879) et à la Théorie du prix des terres et de leur rachat par l'État (1880), constituent déjà des emplois de la méthode mathématique en économie politique appliquée et en économie sociale.
J'appelle économie sociale, comme le fait J.S. Mill, la partie de la science de la richesse sociale qui traite de la répartition de cette richesse entre les individus et l'Etat et qui recourt au principe de la justice, et non pas, comme le font l'école de Le Play et nos Facultés de droit, l'étude des institutions patronales et philanthropiques, de la coopération et de l'assurance, tous sujets très intéressants d'économie politique appliquée dépendant du principe de la charité, de la fraternité, de l'association libre tout au plus, de l'utilité sociale, et dont la substitution aux questions de la propriété et de l'impôt dans l'économie sociale, faite à un point de vue conservateur ou radical, n'a qu'un but : rendre plus tolérable le sort des prolétaires afin de permettre aux bourgeois et paysans propriétaires de jouir tranquillement, au meilleur marché possible, de leurs revenus, traitements et rentes.
La théorie appliquée de la monnaie a été l'objet de deux mémoires : - D'une méthode de régularisation de la variation de valeur de la monnaie, - Contribution à l'étude des variations des prix depuis la suspension de la frappe des écus d'argent (1885) - et d'un ouvrage spécial, la Théorie de la monnaie, paru en 1886 et résumant divers travaux antérieurs. J'y développai mon système de "monnaie d'or avec billon d'argent complémentaire et régulateur". M'avançant jusque sur le terrain de la pratique, je proposai, en 1887, comme le premier pas à faire dans cette direction, la suspension du libre monnayage de l'argent dans l'Inde telle qu'elle a été décidée six ans plus tard, en 1893. En 1891 et 1892, j'ai donné une Théorie géométrique de la détermination des prix où j'ai réusi à résumer toute ma théorie de l'établissement des prix en libre concurrence dans la forme élémentaire de la géométrie analytique à deux dimensions, ce qui permet, à la rigueur, de faire entrer la nouvelle discipline dans l'enseignement élémentaire.Fatigué avant l'âge, plus encore par la lutte que par le travail, je pris ma retraite en 1892. J'eus, peu après, la satisfaction d'être nommé professeur honoraire de l'Université de Lausanne. Je me suis servi principalement, pour publier mes mémoires successifs, de la Société Vaudoise des Sciences naturelles qui a entendu et fait imprimer mes communications parmi celles de sa section mathématique. Les sociétés suivantes m'avaient spontanément appelé dans leur sein : l'Institut international de statistique, dont le siège est à Rome, comme membre associé en 1886 et comme membre titulaire en 1887; la Société royale des Sciences de Liège, comme membre correspondant en 1887; la American Economic Association, comme membre honoraire, en 1892. Comme on le voit, mes théories s'étaient répandues et avaient été accueillies avec faveur en Suisse, en Italie, en Belgique, en Amérique. Il n'en avait pas été de même en France. En 1879, mon ami Jules Ferry se trouvant Ministre de l'Instruction publique, je fus engagé de la part du Dr. Cazelles, préfet de l'Hérault, que j'avais connu à Paris, vingt ans auparavant, interne des Hôpitaux, d'accord avec M. Albert Dumont, recteur de l'Académie de Montpellier, à formuler une offre de mes services en vue de l'enseignement de l'économie politique dans les Facultés de Droit qui s'organisait alors, ce que je fis le 3 juillet dans une lettre au Ministre dont j'envoyai copie à MM.Cazelles et Dumont. Etant allé en France aux vacances, je ne vis pas Ferry qui était absent de Paris, mais j'eus, le 14 août, avec M. Dumont, devenu depuis peu Directeur de l'enseignement supérieur au ministère, une conversation à la suite de laquelle je lui adressai de Chartres, le 26, une Note sur l'organisation de l'enseignement de l'économie politique et sociale à l'Ecole pratique des Hautes études en vue d'y former des professeurs de Facultés. cette affaire parut d'abord vouloir aboutir; mais elle fut bientôt sacrifiée à des préoccupations d'un caractère plus pressant. Il ne faut pas attendre de la France actuelle de la politique à longue portée : elle n'en fait que de circonstance. En dehors de cette tentative, et du premier au dernier jour de mes vingt-deux années de professorat à Lausanne, je n'avais pas cessé de souhaiter que le résultat de mes efforts pût être connu et discuté dans mon pays. J'avais essayé sans succès de communiquer les trois mémoires contenant les équations de l'échange, de la production et de la capitalisation à l'Académie des sciences morales et politiques. Depuis lors, j'avais fait encore plusieurs tentatives pour faire pénétrer mes idées en France, mais pas une seule sans me heurter à l'influence exorbitante, à l'hostilité sourde mais acharnée des mandarins héréditaires préposés au soin d'empêcher la science de se faire. Les lois sont changées chez nous, mais combien peu les moeurs ! En 1884, en possession du principe de ma théorie appliquée de la monnaie, je fais inscrire cette question : - d'un système de monnaie d'or avec billon d'argent régulateur à l'ordre du jour permanent de la Société d'économie politique de Paris dont j'étais membre depuis vingt-quatre ans. A Pâques de 1885, voulant profiter des vacances pour aller soutenir la discussion de ma question, je demande sa mise à l'ordre du jour de la séance du 5 avril. Mais alors se produit cette perpétuelle intrusion de la politique dans la science qui est l'essence du régime officiel. Le président de la Société, ancien Ministre des Finances qui, en cette qualité, a fait, en 1878-79, un billon des écus d'argent en en supprimant la frappe libre, prétend "ne pas laisser discuter la valeur de l'encaisse de la Banque de France," et montre un tel mauvais vouloir que je renonce à mon projet. Je me tourne d'un autre côté et trouve quelqu'un pour présenter mon système à la Société de statistique. Malheureusement, le président de la Société d'économie politique est aussi président de la Société de statistique et la présentation tourne en éreintement. En outre, M. Léon Say, ancien président de la Caisse d'escompte, ce président universel, a la main dans toutes les revues: à son instigation le Journal des Economistes me retourne mes articles et la Revue scientifique, après avoir inséré avec empressement les deux premières parties de ma Théorie de la monnaie, me refusa la troisième contenant la conclusion des deux autres. J'avais trouvé le même homme à la Société des Actuaires français dont j'étais membre agrégé depuis 1874 et dont il m'exclut lorqu'il en devint président en 1880. Je l'ai retrouvé à la Société des Ingénieurs civils, lors de ma communication de 1890, préparée d'accord avec MM. Contamin et Caubet, qui s'annonçait si bien et ne reçut gr&aci rc;ce à lui, qu'un accueil froid et sans écho. J'en étais là à la fin de 1892, me disant que ma carrière avait été celle d'un homme qui s'est trompé de patrie et a voulu faire une oeuvre d'innovation exigeant la double culture littéraire et mathématique, philosophique et économique, dans un pays d'écoles spéciales et de science officielle; que, né dans un pays d'Universités et de science libre, j'aurais trouvé à la Faculté de philosophie toutes les disciplines dont j'avais besoin; que j'aurais été Docteur à vingt ou vingt-deux ans, Professeur entre vingt-cinq et trente; et que j'aurais fini d'exposer, à l'heure qu'il était, le système d'économie politique et sociale dont je n'avais pu même donner une esquisse. Et, pourtant, je devais encore fournir une étape et tracer cette esquisse. Au commencement de 1894, après un an de retraite et de repos, je crus pouvoir entreprendre de substituer aux Éléments d'économie sociale et d'économie politique appliquée, que j'étais hors d'état de rédiger, deux volumes d'Etudes relatives à ces deux branches et formant chacun un ensemble assez complet; et j'y arrivai de la façon suivante. Je publiai en 1896 les Etudes d'économie sociale formées de morceaux déjà publiés - parmi lesquels la Recherche de l'Idéal social (1868) - et des trois morceaux inédits suivants: - Méthode de conciliation ou de synthèse, - Théorie de la propriété; - Le problème fiscal, qui parurent en 1896 dans la Revue socialiste alors dirigée par mon collègue Georges Renard. Et je publiai en 1898 les Etudes d'économie politique appliquée formées de même de morceaux anciens - parmi lesquels la Théorie de la monnaie (1886) - et des sept morceaux inédits suivants: -Le péril bimétalliste, - L'Etat et les chemins de fer, - L'économique appliquée et la défense des salaires, -Théorie du libre échange, -Théorie du crédit, - La Caisse d'épargne postale de Vienne et le comptabilisme social, - Esquisse d'une doctrine économique et sociale, qui parurent le premier en 1895 dans la Revue socialiste, le second en 1899 dans la Revue du Droit public et de la science politique et les quatre suivants en 1897 et 1898 dans la Revue d'économie politique, fondée en 1887 pour être l'organe des professeurs d'économie politique des facultés de Droit de France, et qui m'avait inscrit, dès le début, au nombre de ses collaborateurs étrangers. J'ai vainement essayé de faire accepter l'Esquisse d'une doctrine économique et sociale à un recueil français, soit modéré, soit avancé. Mais la Gazette de Lausanne, toujours libérale à mon égard, n'a pas craint d'en publier le dernier et le plus horrifique paragraphe : - Politique française, La prière du libre penseur, dans ses numéros des 14 et 18 juillet 1898. En 1900, je donnai la 4e édition des Eléments d'économie politique pure qui contenait une théorie de la détermination du taux de l'intérêt déduite rationnellement, pour la première fois, d'équations d'échange et de satisfaction maxima et qui parut en décembre sous le titre de: Note sur l'équation du taux du revenu net, dans le Bulletin de l'Institut des Actuaires français lequel m'avait élu membre correspondant en 1893 ; et une théorie de la valeur de la monnaie déduite, elle aussi rationnellement, pour la première fois, d'équations d'échange et de satisfaction maxima et qui avait été communiquée en 1899 sous le titre d'Equations de la circulation à la Société Vaudoise des sciences naturelles laquelle m'élut, à cette occasion, membre émérite. Cette 4e édition des Éléments d'économie politique pure, avec les deux volumes des Études d'économie sociale et des Etudes d'économie politique appliquée, peut, je crois, donner une idée suffisante de ma doctrine économique et sociale. J'ai fait, en 1902, les dernières et définitives corrections à ces trois volumes pour lesquels j'ai les empreintes en vue du clichage, de façon qu'ils puissent être publiés aisément sans moi quand je n'y serai plus. Il semble tout d'abord que ces efforts dussent avoir un certain résultat. En mai 1901, au moment où je m'installais à Clarens, je reçus une lettre de M. Albert Aupetit m'envoyant son adhésion à ma théorie avec une thèse de doctorat ès sciences économiques par lui soutenue devant la Faculté de Droit de Paris et intitulée : Essai sur la théorie générale de la monnaie au Chapitre 1er de laquelle les conditions mathématiques de l'équilibre économique étaient parfaitement résumées. Je tenais enfin mon premier disciple français. En septembre suivant, comme l'expression mathématique de l'utilité qui forme la base de ma théorie avait été déclarée, l'année précédente, inacceptable à l'Institut des Actuaires français, je soumis la question à M. Henri Poincaré qui me répondit explicitement qu'une grandeur non mesurable pouvait parfaitement devenir l'objet d'une spéculation mathématique dans certaines conditions que, selon lui, j'avais observées. Enfin, la même année, parut, en partie dans la Revue d'économie politique et en totalité ensuite en volume, un essai de M. Emile Bouvier, professeur à la Faculté de droit de Lyon, intitulé: La méthode mathématique en économie politique et dont les conclusions étaient que cette méthode pouvait "faire sortir la science de l'ornière actuelle," et qu'on devait "observer avec intérêt ses efforts et même les seconder." C'était là une adhésion très suffisante parmi les économistes. Encouragé par ces approbations, je proposai formellement, en janvier 1902, à l'Institut des Actuaires: 1) d'introduire une branche spéciale d'Économique et Statistique mathématiques parmi les connaissances exigées pour l'obtention du diplôme de membre stagiaire puis agrégé, et 2) d'organiser, si cela paraissait nécessaire, un cours ou une conférence en vue de l'acquisition de ces connaissances. Et, par l'intermédiaire de M. le Président Guieysse, je fis savoir aux membres de l'Institut que mes Éléments d'économie politique pure étaient à la disposition de ceux d'entre eux qui les réclamaient à mon éditeur. Une vingtaine de ces Messieurs profitèrent de cette offre. En juillet, j'appris que M. Aupetit avait été reçu membre stagiaire de l'Institut des Actuaires. C'est dans ces conditions que, le 2 juin 1903, à 9 heures du soir, on me remit une lettre de lui m'annonçant que, à la demande de M. Gide, il venait d'accepter de faire, l'hiver suivant, un cours sur le principe et les applications de la méthode mathématique en économie politique à l'Ecole des hautes études sociales et me demandant comment, dans mes cours de Lausanne, j'avais résolu le problème de mettre, sur ce sujet, des notions précises à la portée d'un public insuffisamment préparé. Ainsi, mon premier disciple français allait faire à Paris le premier cours d'économie mathématique. Ce soir-là, devant une fenêtre ouverte sur un clair de lune illuminant le lac et les montagnes couronnées par la silhouette de la Dent du Midi, je crus voir enfin toute ma théorie lancée en France. Je répondis à M. Aupetit que j'étais arrivé au résultat désiré par lui en substituant partout les démonstrations géométriques aux démonstrations analytiques; et je lui offris, quand le moment serait venu, de lui communiquer le texte de mes leçons. M. Gide était venu me voir en Suisse pour la première fois en 1881 et souvent depuis lors. Il accueillait toutes mes communications à la Revue d'économie politique et y annonçait lui-même toutes mes publications. Désireux, à ce que je pensais, de contribuer à affranchir l'économie politique universitaire française de la tyrannie de l'école officielle sans se mettre purement et simplement à la remorque de l'historicisme allemand, il appréciait ma méthode et ma doctrine. Il avait écrit, dans un Rapport au Congrès international de l'enseignement des Sciences sociales, tenu à Paris en juillet-août 1900, cette phrase : "Une autre grande lacune, c'est l'absence de tout enseignement sur la méthode dans la science économique et plus particulièrement sur l'Economie politique mathématique. Il est vraiment honteux de penser qu'en France, dans le pays qui occupe un rang prééminent dans les sciences mathématiques et qui, avec Cournot, a inauguré l'Economie politique mathématique, on ne compte pas un seul enseignement sur cette matière, ni même probablement un seul professeur qui fût en mesure de le donner ! Et, par une singulière ironie, il se trouve que cet enseignement a été brillamment représenté à Lausanne pendant vingt ans par un Français, mais qui est connu dans le monde entier comme un Suisse! M. Walras." Enfin, M. Gide était membre du jury pour l'agrégation des sciences économiques à laquelle M. Aupetit s'était déjà présenté en 1901 et à laquelle je savais qu'il se présenterait de nouveau au prochain concours. En raison de ces circonstances, la pensée me vint de reprendre le texte de mon cours de Lausanne, établi d'après les deux premières éditions des Eléments d'économie politique pure, et de la compléter d'après les troisième et quatrième éditions, de façon à avoir un Cours élémentaire d'économie politique pure n'exigeant, en fait de connaissances mathématiques, que la géométrie, l'algèbre et les premières notions de la géométrie analytique à deux dimensions, et susceptible d'être fait non seulement dans les Facultés de Droit, mais un jour ou l'autre dans tous les établissements d'instruction secondaire : lycées, écoles professionnelles d'industrie, de commerce. En dépit d'une névrose cérébrale très accentuée et très pénible, je me mis à l'oeuvre et effectuai cette opération dans les cinq mois de juin, juillet, août, septembre et octobre 1903, en une soixantaine de séances dont presque chacune me valut une crise de nuit. Malheureusement, avant d'avoir terminé, j'avais reçu, en août, de M. Gide une lettre par laquelle il m'apprenait incidemment que le concours d'agrégation aurait lieu en 1903 et que M. Aupetit s'y présentait, en ajoutant "je le recommanderai chaleureusement aux juges, ayant décliné pour moi-même cette charge." Il était aisé, dès lors, de prévoir un insuccès. Dans ce jury d'agrégation de cinq membres, dont un représentant de l'Institut et quatre professeurs, il y avait un seul professeur d'une des douze ou quinze facultés de Droit de province et d'Algérie et trois professeurs de la seule Faculté de Paris tout acquise à l'historicisme et à l'économie politique nationale et méliniste, faisant, à eux seuls, la majorité. Le remplaçant de M. Gide uni à ses deux collègues refusa d'accorder à mon disciple, malgré de brillantes épreuves, aucune des trois places d'agrégé disponibles. M.Gide regretta beaucoup, m'écrivit-on, de n'avoir pas été du jury, et M. Aupetit ne m'a jamais réclamé mon cours. Mais laissons là définitivement ces "choses scientifiques de France," et tâchons de nous élever à une vue plus haute et plus sereine de la difficulté et de la lenteur du progrès humain. Le 23 juin 1903, après-midi, je reconduisais à la porte de mon cabinet le jeune professeur Henry L. Moore, de la Columbia University de New-York, qui, après m'avoir expliqué les obstacles qu'il rencontrait lui-même en Amérique, me disait: "Voyez-vous, mon cher M. Walras, pour une révolution scientifique comme celle que vous voulez faire en économie, il faut cinquante ans." - "C'est le compte exact, lui répondis-je."
Et, comme nous nous trouvions près de ma bibliothèque, je pris sur un rayon le Précis de l'histoire de l'astronomie, de Laplace, et, l'ouvrant à la page 130, marquée par un signet, je lui fis lire ces lignes: "Environ cinquante ans s'écoulèrent depuis la découverte de l'attraction universelle newtonienne sans que l'on y ajoutât rien de remarquable. Il fallut tout ce temps à cette grande vérité pour être généralement comprise, etc." Sur quoi, nous nous serrâmes la main en nous souhaitant bon courage. Et, en effet, comme il y a trente ans seulement que j'ai publié les quatre mémoires résumant la théorie mathématique de la richesse sociale, je puis espérer encore que, dans une vingtaine d'années, cette théorie sera "généralement comprise.À la fin de 1904, il semble qu'un léger retour favorable se dessinât pour moi en France. Je reçus une lettre de M. P. M. Olivier, fondateur de la Revue économique internationale de Bruxelles, dirigée par M. Levasseur, sollicitant ma collaboration (21 octobre) et une de M. Xavier Léon, directeur de la Revue de métaphysique et de morale, me la demandant pour son numéro consacré à Cournot qu'il préparait (31 octobre). Je dus répondre négativement à ces deux demandes en raison de mon état de santé cérébral et nerveux. M. Aupetit fit à ma place l'article sur Cournot économiste mathématicien et le fit très bien ; ce que je constatai dans un article Cournot et l'économique mathématique que j'envoyai à la Gazette de Lausanne qui le publia le 13 juillet 1905. Cependant, je regrettais que mes livres et papiers ne pussent être déposés dans un endroit où leur conservation fût assurée. Je rédigeai deux notes A et B donnant, l'une, la liste des publications, faites ou à faire, de mon père et de moi ; l'autre, l'indication des livres et papiers existant chez moi; et le Bureau de la Société académique Lausannoise, dont je suis membre, ayant exprimé en mars 1905, dans son Rapport à l'assemblée générale en 1904, le désir qu'on lui indiquât les moyens de développer son activité trop restreinte, je lui envoyai ces deux notes en lui suggérant l'idée de les mettre à profit. Le 9 juillet suivant, sans aucune réponse de la Société, je la priai de me retourner purement et simplement mes documents. Je n'attribue pas cet échec au Président de la Société, le Professeur Henri Blanc qui en 1909, comme Recteur de l'Université, fût un collaborateur actif de mon jubilé. Et j'envoyai à la Gazette mon article sur Cournot. Une idée m'était venue, celle de concourir pour le prix Nobel de la Paix. Depuis un certain temps déjà j'étais frappé du fait que la suppression de tous les impôts, directs et indirects, était la condition absolue du libre échange, et le libre échange lui-même la condition absolue de la paix. J'expliquai dans une note comment le système de rachat des terres par l'Etat permettait seul à ce dernier de subsister sans impôts, et je remis cette note à trois de mes collègues et amis de l'Université de Lausanne qui en firent une Lettre au Comité Nobel me recommandant pour le prix comme l'ayant mérité par des efforts sinon pratiques, du moins théoriques. Je dirai tout de suite que jamais depuis lors, le Comité n'a paru comprendre qu'on pût servir la cause de la paix de cette manière et autrement que par des efforts tels que démonstrations politiques, pérégrinations, congrès, etc. Aussi, dès 1906, fis-je avec ma note l'article La Paix par la justice sociale et le libre échange qui, offert en mars 1907 à M. Paul Pic pour sa revue Lyonnaise des Questions pratiques de législation ouvrière et d'Economie sociale, fut accueilli par lui avec beaucoup d'empressement et parut dans les trois numéros de juin, juillet-août, et septembre-octobre 1907 de cette revue où, m'écrivit M.Pic, il fut très remarqué ! J'ai dit (3e partie) comment des 3e et 4e éditions de mes Éléments d'économie politique pure, j'avais tiré un Abrégé, n'exigeant, pour être lu et entendu, que des connaissances tout à fait élémentaires de mathématiques, que j'avais mis inutilement en 1903 à la disposition de M. Aupetit. J'étais encore sans nouvelles de lui lorsque, le dimanche 25 août 1907, dans l'après-midi, en rentrant de promenade, je reçus sa visite. Entré à la Banque de France, à la suite de son échec à l'agrégation, il y était arrivé très rapidement au poste de Chef du service administratif et des Etudes économiques, et, appelé à Lausanne pour une affaire de contrefaçon de billets de Banque, il profitait de l'occasion pour venir me voir à Clarens. Je n'aurai pas ici la place nécessaire pour reproduire notre conversation; qu'il me suffise de constater que, quand nous nous séparâmes, il emportait sous son bras mon Abrégé des Eléments et que j'avais, de mon côté, sa promesse d'utiliser cet Abrégé pour faire 1) un cours et 2) un traité élémentaire d'économique pure. Il devait revenir et revint, en effet, à Lausanne pour son affaire et à Clarens pour me revoir. Dans l'intervalle il avait réussi à faire accepter en principe à M. d'Ocagne un volume d'Économique rationelle pour la Bibliothèque de mathématiques appliquées de l'Encyclopédie scientifique du Dr Toulouze éditée par Doin. Et, de mon côté, je lui avais envoyé une note mathématique intitulée Economique et Mécanique établissant la parfaite similitude: 1) de notre formule de satisfaction maxima avec celle de l'équilibre de la romaine; 2) de nos équations d'équilibre général avec celles de la gravitation universelle. A sa seconde visite, qui eut lieu le 21 février 1908, il m'assura qu'il comptait toujours faire le cours élémentaire, (soit à l'association philosophique, soit ailleurs) et utiliser la note mathématique (soit comme Introduction au volume d'économique rationnelle, soit autrement). Du 6 au 12 avril 1908 eut lieu à Rome le 4e Congrès international des mathématiciens. Apprenant par la Gazette de Lausanne que mon collègue le professeur de mathématiques H. Fehr, de l'Université de Genève, y avait joué un rôle important parmi les rapporteurs, sur l'organisation de l'enseignement des mathématiques et les réformes à y apporter et avait même été chargé, avec MM. Klein et Grumhill, de constituer une commission pour rapporter au 5e Congrès à Cambridge, en 1912, je lui offris, le 14 mai, de lui communiquer ma note mathématique, ce qu'il accepta en me demandant de l'autoriser à la communiquer lui-même à M. Cailler, professeur de mécanique. En conséquence de quoi, je lui expédiai, le 16 juin : 1) le manuscript de ma note Économique et Mécanique - 2) mon mémoire Principe d'une théorie mathématique de l'échange et 3) la 4e édition des Eléments d'économie politique pure. Le 10 janvier 1906 avait paru, à Paris, le premier numéro d'une Revue du Mois, publiée par de jeunes universitaires français, lequel contenait un article du professeur Vito Volterra, de Turin, intitulé: Les mathématiques dans les sciences biologiques et sociales, complétement favorable à notre méthode. J'eus, dès lors, l'idée d'entrer en relation avec le Directeur M. Emile Borel ; mais toutes réflexions faites, j'attendis, et ce fut seulement à la fin de décembre 1907, que, M. Borel ayant exprimé à mes amis M. et Mme Georges Renard le désir qu'il aurait de me voir lui offrir un article, je me décidai à lui procurer la biographie de mon père qu'il accepta avec beaucoup d'empressement et qui parut dans le numéro du 19 août 1908. Mais, à ce moment, un autre succès m'était échu. Le 21 juillet, MM. Roguin et Boninsegni, Professeurs, l'un, de droit comparé, et l'autre, d'économie politique à la Faculté de Droit de l'Université de Lausanne, qui m'avaient demandé un rendez-vous, étaient venus à Clarens m'exposer le désir qu'aurait l'Université de célébrer le cinquantenaire de ma carrière d'économiste en me consacrant une séance solennelle, où nous échangerions des Discours, et à la suite de laquelle remise serait faite à l'Etat d'un médaillon à placer dans la cour de l'ancienne Académie contenant mon profil en bronze par le sculpteur Lugeon et une inscription commémorative. Très heureusement, j'avais en portefeuille, entre autres manuscripts prêts pour l'impression, un morceau intitulé Ruchonnet et le socialisme scientifique dans lequel je m'étais efforcé de faire voir comment la tâche que j'avais tenté de remplir à Lausanne était bien celle que je m'étais engagé à y entreprendre. Je n'eus qu'à lire ce morceau à mes deux collègues, et notre accord fut conclu. J'ai pu reconnaître depuis lors que ce qui avait surtout porté l'Université à sa résolution avait été le fait que, dans diverses publications françaises, et notamment dans le volume de M. Emile Picard : La science moderne et son état actuel l'application des mathématiques à l'économie politique, telle que je la faisais dans mon cours (1870-1892) et telle que l'ont faite après moi mes deux successeurs. MM. Pareto et Boninsegni, était désignée comme doctrine de « l' École de Lausanne ». Or, justement, Ruchonnet en m'installant comme professeur ordinaire avait exprimé le désir qu'une telle école pût être fondée. Léon Walras est décédé le 5 janvier 1910.
WALTHER (Marguerite), 1882-1942 :
Née à Mulhouse le 4 décembre 1882, Marguerite Walther est issu d’un milieu bourgeois alsacien ouvert auquel elle doit sa culture. Son tempérament d’artiste restera marqué par la tension entre les fréquentations d’un milieu au rationalisme sceptique et sa soif d’idéal absolu.
En 1912, elle abandonne la musique et s’engage comme infirmière au Maroc dans l’armée de Lyautey. De 1914 à 1918, elle sert dans l’armée d’Orient où elle rencontre Cathe Descroix qui a commencé avec un groupe de trois étudiantes sillonnistes dénommé « Chez nous » une action auprès des enfants et des femmes de la rue Mouffetard dont les conditions de vie les avaient bouleversées. Dès 1919, Marguerite Walther prend contact avec ce groupe.
De 1919 à 1930, elle s’engage bénévolement dans ce travail social centré autour de la Maison pour Tous qui deviendra La Mouffe dont Marthe Levasseur est la cheville ouvrière : action éducative auprès des enfants pendant les vacances et dans le quartier. Par son acquis professionnel et sa vision réaliste, elle élargit son champ d’action à la lutte contre les taudis, les logements HBM et la mise en œuvre d’initiatives pionnières autour de quatre objectifs : refaire la santé, donner un métier par des bourses d’apprentissage, faire acquérir le sens des responsabilités et le goût de l’aventure.
Le soutien apporté par André Lefèvre des Eclaireurs de France, par Jean Beigbeder des Eclaireurs unionistes, la décision d’ouvrir une meute d Louveteaux pour les petits garçons du quartier ont, dès 1920, une influence sur ses choix ultérieurs. En vue de proposer du scoutisme aux filles de c même quartier, elle prend contact avec Georgette Siegrist qui avait lancé des Eclaireuses en milieu protestant, pour étudier les possibilités d’en fonder sana références confessionnelles.
En 1921, commence l’engagement de Marguerite Walther dans le scoutisme féminin qu’elle influencera profondément jusqu’en 1942. Elle fonde la première envolée des Petites Ailes en collaboration avec Renée Sainte-Claire-Deville et fait partie de la commission permanente qui dirige alors le mouvement. Elle participe au congrès d’Epinal d’où naîtra la Fédération française des éclaireuses (FFE), création originale dans le scoutisme qui unit, sans les fusionner, trois sections : unioniste, neutre et israélite. La vision spiritualiste de Marguerite Walther contribue jusqu’à la guerre à créer « l’esprit FFE » fait de respect et d’enrichissement mutuel et à lui apporter le soutien de riches personnalités.
Commissaire nationale de 1931 à 1942, elle a la responsabilité de rencontres internationales dans le cadre de l’association mondiale des Guides et Eclaireuses de 1934 à 1935. En 1937, elle acquiert pour l’association le domaine Les Courmettes dont elle rêve de faire un haut lieu de la FFE. Elle décède à Vichy le 29 avril 1942 du typhus contracté en Tunisie lors d’une mission.
WARREN (Comte Édouard de), 1871-1962 :
Originaire de Rouen, Édouard de Warren est d’abord officier de cavalerie, puis il dirige un domaine en Tunisie. Après la Première Guerre mondiale, il est chargé de reconstituer les associations agricoles dans les régions dévatsées Entré au Parlement comme député de Nancy (deuxième circonscription), il siége sur les bancs de l’Union républicaine démocratique. Il préside l’Union l’Union lorraine des syndicats et est le secrétaire général de la Fédération républicaine. Collaborateur du Temps et de La Revue de Paris, il est membre de l’Académie des sciences d’outre-mer et de l’Académie d’agriculture. Au cours des années 1920-1940, il est président du comité du Chemin de fer transsaharien et de la Société Nationale d’Immigration Agricole et Industrielle, de la Société Agricole des Engrais du Berry, de la Société d’Expansion Agricole et Commerciale et de la Société Auxiliaire Industrielle et Commerciale.
WASIER (Rémi, Joseph), 1892-1961 :
Né à Cagny (Seine et Oise), le 1er janvier 1892. Cheminot, il adhère à l’Action française en 1908 après avoir militié quelque temps dans le mouvement nationaliste républicain : C’est la lecture de « l’Enquête sur la Monarchie » de Mauras qui l’amène au nationalisme intégral. En 1909, il fonde la section d’Action française du XVIIIème arrondissement de Paris dont il devient secrétaire au coté de Octave de Barral. Blessé en septembre 1914, il passe de l’artillerie à l’aviation et reste quelques mois adjudant-pilote sur le front français avant d’être envoyé en Roumanie puis en Afrique du Nord. Il est un des premiers ouvriers de la Confédération de la Production française fondée par Georges valois et Georges coquelle sous l’égide de l’Action française. Il est l’animateur de la Fédérations des Transports et du syndicat français du rail qui groupe plusieurs milliers de cheminots nationalistes dans l’entre-deux-guerres. Il dirige aussi l’hebdomadaire Le Rail et est le chef de publicité du quotidien L’Action française. Il décède à Aubergenville (Seine et Oise), le 26 septembre 1961.
WEILLER (Lazare), 1858-1928 :
Homme politique, industriel et essayiste. Lazare Weiller est né le 20 juillet 1858 dans une famille juive de Sélestat (Alsace). En 1871, après la défaite de l'armée française face à l'armée prussienne, l'Alsace et la Lorraine sont intégrées dans le Reich allemand. Pour soustraire son fils à l'influence allemande, la mère de Lazare Weiller l'envoie en 1875 travailler et étudier chez des cousins d'Angoulême. Weiller se révèle un élève doué et va terminer ses études à Paris, au Lycée Saint-Louis. Empêché par une fièvre typhoïde de passer les examens d'entrée à Polytechnique, il décide d'aller étudier l'anglais au Trinity College d'Oxford, où il découvre les travaux de John Tynsdall (1820-1893), le grand physicien irlandais fondateur de la spectrométrie.
Il revient à Angoulème travailler dans l'usine de son cousin, qui produisait des tissus métalliques nécessaires à l'industrie du papier. Il s'intéresse alors aux problèmes de tréfilage des fils de cuivre, qui commençaient à prendre une importance grandissante au moment où le télégraphe, et bientôt le téléphone électriques prennent leur essor. Il adapte au tréfilage du cuivre une technique jusque-là réservée aux fils d'acier, qui consistait à laminer à chaud le fil machine. Sur cette base, il crée sa propre usine à Angoulème. Il met en suite au point un alliage qu'il nomme "bronze siliceux" ou "bronze phosphoreux" et qui allait révolutionner le transport du courant électrique. Cet alliage, alliant la conductibilité du cuivre et la ténacité permettant au fil de rester tendu entre deux poteaux distants de 50 mètres, offrait des garanties importantes aux compagnies de télécommunications. Weiller obtint plusieurs brevets, en France et à l'étranger, et assurait ainsi sa fortune. Pour commercialiser son invention, il créé en 1880, à 22 ans, les Tréfileries et Laminoirs du Havre. Il entre au Conseil d'administration de la Société des téléphones, à la fois cliente et investisseur dans le capital des Tréfileries.
La carrière d'industriel qu'il commence ainsi ne le détourne pas de la recherche, comme l'atteste sa bibliographie. Il travaille avec quelques uns des grands physiciens et électriciens de l'époque : Eleuthère Mascart (qui, en 1900, exprimera encore son scepticisme sur la capacité de l'électricité de transmettre des images), Gabriel Lippman, dont il commente en 1894 la théorie de la photographie des couleurs. Il publie deux ouvrages de référence : un Traité général des lignes et transmissions électriques (1892) et un manuel Affinage et traitement électrolytique des métaux (1894).
En 1889, il intervient dans une conférence de l'Exposition universelle de Paris. Est-ce là qu'il commence à s'intéresser à la perspective de la vision à distance, alors que circulent des rumeurs sur les téléphotes de Edison et de Courtonne ? En octobre de cette année, il publie un article majeur "Sur la vision à distance par l'électricité". En proposant d'utiliser une roue de miroirs pour analyser l'image, il fournit, cinq ans après la définition du disque de Nipkow, une méthode alternative, plus coûteuse mais plus fine, qui sera utilisée dans les développements de la télévision mécanique (1905-1932) et sera incorporée par Baird dans le système mis en oeuvre par la BBC en 1932 pour ses premiers services réguliers.
Weiller n'a pas expérimenté la solution qu'il proposait pour la vision à distance et paraît s'être désintéressé de la question. Son fils, Paul-Louis Weiller rapporte, par contre, qu'il s'intéressa aux développements de la télégraphie sans fil, se lia avec Guglielmo Marconi et collabora avec lui pour la mise en place de la première station transatlantique, établie par Telefunken à Hamburg en 1913. Il étudie également les problèmes liés à l'efficacité et à la pose des câbles sous-marins.
Inventeur et industriel, Weiller, très sensibilisé par la question de l'Alsace-Lorraine, se lance également dans la politique. Opposé au général Boulanger, il se présente, sans succès, en 1888, sur les listes républicaines dans la circonscription d'Angoulème (Charentes). Cela lui vaut d'être présenté comme le prototype de l'affairiste juif par Edouard Drumont dans son pamphlet La fin d'un monde (1889), qui lui reproche son rôle dans le krach du cuivre et lui reproche de s'adonner aux plaisirs du théâtrophone !. Il est indirectement impliqué dans l'Affaire Dreyfus et est, bien entendu, dans le camp des défenseurs du capitaine.
En 1900, il effectue une mission diplomatique aux Etats-Unis et publie à son retour un ouvrage Les grandes idées d'un grand peuple qui célèbre la civilisation américaine. Cet ouvrage connut un succès considérable et fit l'objet d'une soixantaine de rééditions.
Après les communications, Weiller s'intéresse aux transports : en 1908 il fait la connaissance des frères Wright. Par ces accords, les frères Wright s'engageaient à céder les droits de fabrication de leur biplan à deux hélices entraînées par des chaînes pour 500.000 F. Mais ils s'engageaient cependant à accomplir auparavant deux vols de 50 kilomètres avec deux personnes à bord et à instruire trois pilotes : le Capitaine Lucas-Gérardville, Paul Tissandier et le Comte de Lambert. Ainsi naquit l'école de pilotage de Pau. Le premier vol eût lieu le 3 février 1909. En 1909 également, Weiller est un des fondateurs de la Compagnie générale de navigation aérienne.
Avant la Première guerre mondiale, il invente, selon son fils le taximètre et créée la première société de fiacres automobiles. Il pourrait ainsi être le modèle probable du personnage de Joseph Quesnel dans Les Cloches de Bâle de Louis Aragon. Il est élu député de la Charente aux élections du 10 mai 1914 et siège aux côtés de la gauche républicaine. Pendant la Première Guerre mondiale il intervient en faveur de l'Alsace-Lorraine et publie un rapport sur les activités de propagande allemande en Suisse. En 1917, il plaide dans le Journal des Débats pour la reprise des relations diplomatiques avec le Saint-Siège. Le 11 novembre 1918, jour de l'Armistice, il acclame à l'Assemblée nationale Georges Clémenceau pour le remercier de la libération de l'Alsace-Lorraine.
Il perd son siège de député aux élections du 16 novembre 1919, mais est élu sénateur du Bas-Rhin le 11 janvier 1920, comme candidat de l'Union populaire républicaine. Il s'installe alors à Sélestat, sa ville natale. Il siège à la Commission des Affaires étrangères mais intervient également dans le dossier alsacien. Selon le témoignage de son fils Paul-Louis Weiller, il est un partisan convaincu de l'idée, lancée par Victor Hugo en 1849, des Etats-Unis d'Europe. Il est réélu le 9 janvier 1927 mais meurt à Valmont-sur-Territet (Canton de Vaud) le 12 août 1928.
Il a dirigé seize sociétés, dont la Société des Tréfileries et Laminoirs du Havre, la Compagnie universelle de télégraphie sans fil, la Compagnie des automobiles de place et la Société générale des compteurs de voiture.
CHARLES, A., "La télévision inventée par un Sélestadien", Alsacollections, n°9, Sélestat, 1995, pp.29-30.
MOUSSEAU, J., Le siècle de Paul-Louis Weiller 1893-1993 : as de l'aviation de la Grande guerre, pionnier de l'industrie aéronautique, précurseur d'Air France, financier international, mécène des arts, Paris, Stock, 1998.
TRIBOUT DE MOREMBERT, H., "L'ascension d'une famille juive d'Alsace. Les Weiller", Mémoires de l'Académie nationale de Metz, CLXXVIe Année - Série VII
WEISSENBURGER (Lucien), Nancy 1860 - Nancy 1929 :
Architecte. Né à Nancy en 1860, Lucien Weissenburger étudie à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris, dans les ateliers de Jules André et de Victor Laloux. Il revient à Nancy en 1888 et devient l'architecte municipal de Lunéville dont il réalise le théâtre. Il collabore dès 1900 avec Henri Sauvage à la construction de la villa de Louis Majorelle, dont il contrôle l'exécution. Son activité fait preuve d'un grand éclectisme par ses inspirations variées (Art Nouveau, régionalisme, références historiques) et dans la nature de ses commandes (usines, hôtels particuliers, grands magasins, les premiers HBM de Nancy).
Il est membre du Comité directeur de l'Ecole de Nancy dès sa création en 1901. Parmi ses plus prestigieuses réalisations, sont encore visibles à Nancy la villa de l'imprimeur Bergeret (1904) 24 rue Lionnois, son hôtel particulier, cours Léopold, l'imprimerie Royer, rue de la Salpêtrière et l'hôtel-brasserie Excelsior (1910) en collaboration avec l'architecte Alexandre Mienville. Il décède à Nancy en 1929.
CHANEL, TRONQUART, Le théâtre de lunéville. Itinéraires du Patrimoine n.1. Serpenoise.
DESCOUTURELLE, La maison Bergeret (1903-1904). Histoire et visite d'une maison exemplaire de l'Ecole de Nancy. Nancy, PUN, 1991
ROUSSEL, Nancy. Architecture 1900. Metz, Serpenoise, 1992
WELCHE (Charles), 1828-
Avocat et homme politique. Né à Nancy (Maurthe-et-Moselle), le 23 avril 1828, Charles Welche est avocat puis préfet avant de devenir le ministre de l’Intérieur du 23 novembre au 12 décembre 1877 dans le cabinet « extra-parlementaire » du général de Rochebouët. De ces quelques jours, il ne reste que la déclaration selon laquelle il espèrait par ses « modestes services » contribuer à l’apaisement après la chute du cabinet du duc de Brglie.
WENDEL (François de), 1874-1949 :
Fils de Henri de Wendel (1844-1906) et de Berthe Corbel-Corbeau de Vaulserre (famille de Savoie anoblie en 1667), François de Wendel est né le 5 mai 1874 à Paris d’une grande famille d’industriels lorrains
Au cours de sa jeunesse, entre Paris et Hayange, il baigne dans un milieu durement touché par l'annexion à l'Allemagne, et qui croit à un retour prochain de l'Alsace et de la Lorraine à la France. En 1892, François de Wendel avait choisi de se faire naturaliser français ce qui lui permet de poursuivre ses études en France, mais lui interdit le retour en zone lorraine allemande. Il fait son service militaire à Chartres en 1896, juste après sa sortie de l'Ecole des Mines de Paris en 1899 avec le diplôme d’ingénieur en main. Il devient pratiquement aussitôt le premier maître des Forges et en 1903, il est nommé gérant de la société "les Petits-Fils de François de Wendel et Cie" (la partie allemande des établissements de Wendel, autour de Hayange, société créée sous cette forme par Mme François de Wendel née de Fischer, grand-mère de Henri et Robert) et de la société "de Wendel et Cie" (partie française, autour de Joeuf). Il dirigea ces sociétés jusqu'à sa mort, poursuivant ainsi la tradition de ses ancêtres qui exploitaient les forges de Hayange depuis 1704.
Contre l'avis de la famille de Wendel, très discrète en politique, Wendel se lance très tôt en politique. Il prenait ainsi certainement un risque considérable à une époque où les biens familiaux étaient répartis entre la Lorraine française et la Lorraine allemande. Homme d'action au beau sens du mot, il ne pouvait longtemps ignorer la vie publique. A 27 ans, Dès 1900, François de Wendel est conseiller général de Briey. Il n'arrive pas à se faire élire député en 1906 face à Albert Lebrun. Le 26 avril 1914, il se présenta à Briey comme député de la seconde circonscription, et fut élu contre Grandjean par 4420 voix sur 8154 votants. Il se fait ensuite réélire sur la liste d'entente républicaine et d'action sociale, avec Albert Lebrun. Il est constamment réélu.
Dès 1908, à moins de 30 ans, il était nommé Gérant du plus important ensemble métallurgique français, lourde tâche qu'il devait assumer quarante-cinq ans durant ; la longueur exceptionnelle de sa vie de chef d'industrie lui permit d'accumuler une rare expérience qui est venue s'ajouter à ses qualités personnelles et aux solides traditions de la Maison dont il était devenu le Chef.
Désormais sa carrière se déroule sur le double plan de la politique et des affaires avec des interférences entre les deux. Sur le plan économique, il devient président du puissant Comité des Forges, noyau dur de l’Union des industries métallurgiques et minières, une des organisations les mieux structurées du patronat français, et le président jusqu’à sa dissolution par Vichy en 1941. Depuis 1913, François de Wendel est l’un des régents de la Banque de France jusqu’à la réforme de 1936 qui élimine le Conseil des Régents et, comme tel, il joue un rôle important dans la définition de la politique économique et financière de la France à la mesure de la puissance de l’institut d’émission dont il est l’un des dirigeants.
Pendant la guerre de 1914-1918, il est affecté à l'Inspection Permanente des Fabrications, intervient à la Chambre pour les approvisionnements des combustibles, l'organisation des usines de guerre, fait partie de la Commission des Dommages de Guerre, du Groupe des régions envahies, etc. Enfin, il ne peut oublier la Lorraine annexée, s'occupe des Alsaciens et Lorrains réfugiés ou prisonniers et fonde, avec le Chanoine Collin et M. l'Ambassadeur Bompard, le Groupe lorrain chargé d'étudier les questions touchant la Lorraine.
L'après-guerre devait fournir à François de Wendel plus d'une occasion de se manifester sur le plan national. La reconstruction d'une partie importante des Etablissements de Wendel, notamment à Joeuf, Messempré et Crespin-Nord, la défense des intérêts français au Parlement où l'incompétence et la démagogie mettaient en péril nos finances et aliénaient dangereusement notre politique étrangère par l'abandon progressif de nos droits sur une Allemagne vaincue, mais déjà renaissante. Enfin, il étend son réseau aux affaires de presse qu’il finance : L’Echo de Lorraine qu’il subventionne, le Journal des Débats au Conseil d’administration duquel il siège et Le Temps dont Wendel qu’il rachète.
Par rapport à cette immense puissance qui se situe plus à la périphérie du politique qu’au niveau des centres de décision, le rôle politique de Wendel paraît mince. Régulièrement réélu à Briey jusqu’en 1932, c’est le 16 octobre 1932 qu’il se fait élire au Sénat (premier tour) en remplacement d'Albert Lebrun qui était devenu président de la République. Il y fait partie des commissions des mines, des travaux publics, des armées, des finances, des affaires étrangères. Wendel appartient à la Fédération républicaine et y soutient son inamovible chef Louis Marin dont L’autorité est par ailleurs très contestée. Cette appartenance conduit Wendel à s’inscrire à la Chambre au groupe de l’Union républicaine démocratique. Mais on est ici en présence de la formation la plus à droite de l’échiquier politique républicain, composé de nationalistes, cléricaux et socialement conservateurs. Le parti est peu influent et Wendel, lié à Martin, y est attaqué par des hommes comme Henri de Kerillis et Raymond Cartier. Lorsqu'en 1934, le Conseil Général de Meurthe-et-Moselle voulut le porter à la présidence de l'Assemblée Départementale, il déclina cet honneur et demanda que la confiance de ses collègues allât à Louis Marin, alors Ministre de la Santé Publique dans le Cabinet Doumergue.
Wendel soutient certes de sa puissance financière la trésorerie de la Fédération républicaine et son journal La Nation, mais cette aide n’est pas dispensatrice d’influence et joue contre lui car les parlementaires trouvent Wendel trop voyant et trop compromettant. Dans ces conditions, son rôle politique paraît avoir été plus entravé que facilité par sa richesse et son action parlementaire est faible. Les choix de Wendel sont d’ailleurs sans surprise et marqués au coin d’un conformisme total. Partisan de l’Union sacrée et du retour de l’Alsace-Lorraine à la France, champion de la rigueur avec l’Allemagne et déçu par le traité de Versailles, applaudissant à l’occupation de la Ruhr qu’il a préconisée, son rôle ne devient véritablement important qu’à partir du printemps 1924. Mais alors, c’est la crise financière qui lui donne une influence et c’est davantage comme régent de la Banque de France que comme homme politique qu’il pèse sur les évènements, prenant une part essentielle à la chute du gouvernement Herriot, étranglé par la Banque de France en 1925, puis à l’effondrement du Cartel dans lequel l’Institut d’émission joue un rôle fondamental en juillet 1926. Mais son influence s’arrête là.
Poincaré est sans sympathie pour la droite de Marin et de Wendel, et il réalise contre leur avis une stabilisation du franc qui heurte leur souhait d’une profonde revalorisation. Désormais, il ne pèse sur les évènements que quand les difficultés financières du pays et la caractère précaire des majorités donnent à la Banque de France une réelle emprise sur le pouvoir, par exemple en 1935 avec le ministère Flandin. Mais la réforme de la Banque de France en 1936 prive Wendel d’une part de son audience. Il n’est plus qu’un sénateur d’opposition dont le poids sur le monde des affaires diminue, et dont la caractère réactionnaire joue le rôle de repoussoir auprès de la droite populiste et sociale qui naît autour de La Rocque et du PSF, dont l’organe de presse, Le Journal des débats, est en plein déclin. Enfin, en 1936, on retrouve François de Wendel parmi les adversaires clairvoyants du Front Populaire. Tout comme il se dresse contre l'abandon prématuré de la Rhénanie, tout comme il a combattu la ratification des dettes interalliées sans compensation de la part de l'Allemagne vaincue, il dénonce les folies qui se préparent dans le domaine économique et financier. S’il s’oppose à l’union nationale en 1938 et approuve l’évolution du gouvernement Daladier, il reste passif à Munich. Hostile à l’armistice de 1940, il refuse de se rendre à l'Assemblée (à Vichy) le 10 juillet 1940 pour voter les pleins pouvoirs à Pétain. Dans les trois dernières années de sa vie, il est écarté de la vie politique et se consacre à la réorganisation de ses grandes affaires. Il meurt à Paris le 12 septembre 1949.
Jean-Noël JEANNENEY, François de WENDEL en République : l'Argent et le Pouvoir (1914-1940), Editeur SEUIL, 1976.
Jacques MARSEILLE, Les Wendel, 1704-2004, Perrin, 2004.
WEYGAND (Maxime, général), 1867-1965 :
Né à Bruxelles en 1867 de parents inconnus, Maxime Weygand (il ne prendra en fait le nom de son père adoptif qu’en 1888) entre à Saint-Cyr en 1885 à titre étranger, dont il sort dans la cavalerie.
A l’occasion de la Grande Guerre, Weygand entame une carrière fulgurante. En août 1914, il prend part à la bataille de Morhange comme lieutenant-colonel. Dès la fin du mois, bien que n’ayant jamais exercé le commandement d’une unité, il est désigné par Foch comme chef d’état-major de la IXème armée, et le secondera durant la majeure partie du conflit. Promu général de division en 1918, il est major général des armées alliées pendant la bataille de France.
Après la guerre, Weygand est envoyé en Pologne (juillet 1920) au titre de conseiller de Pilsudski et organise la défense de Varsovie contre l’armée rouge.
Il est nommé haut-commissaire et commandant de l’armée du Levant en 1923, avant de devenir directeur du Centre des hautes études militaires. Il occupe, en 1930, le poste de chef d’état major de l’armée puis, en 1931, celui de vice-président du Conseil supérieur de la guerre et inspecteur général de l’armée, c'est-à-dire généralissime désigné. Bien qu’il souscrive à une motorisation et à une mécanisation modérées de l’armée, il impose à l’état-major une conception de l’organisation de l’armée tirée des « enseignements » de la Grande Guerre. Weygand a de ce fait une part de responsabilité dans la mauvaise préparation militaire à la veille de la guerre de 1939-1940. En 1935, il est remplacé par Gamelin. Rappelé en activité en 1939, il est nommé commandant en chef des forces françaises du Levant. Confronté à la débâcle de l’armée française, le président du Conseil Paul Reynaud le rappelle pour le mettre à la place de Gamelin à la tête des armées françaises, dans l’espoir que « le second de Foch » pourra rétablir la situation militaire compromise par la percée allemande. Weygand reprend en fait l’idée que Gamelin voulait mettre en œuvre, consistant à tenir sur la Somme et l’Aisne et à enfermer les divisions blindées allemandes. Mais l’état des forces françaises ne lui permet pas de réagir avec la rapidité nécessaire.
Le 12 juin, Weygand se prononce pour l’armistice, refusant toute idée de capitulation de l’armée, inspiré dans cette attitude autant que par sa conception de l’honneur militaire que par son dédain pour le régime républicain.
Elu à l’Académie française au fauteuil de Joffre en 1931, Weygand a publié plusieurs ouvrages : Histoire de l’armée française (1938), Mémoire (1950-1957).
BANKWITZ (P.) : Maxime Weygand and civil military in modern France, Cambridge university press, 1967.
DESTREMAU (B.): Weygand, Paris, Perrin, 1989.
WILLIAMSON (Samuel), 1878-1918 :
Né le 21 janvier 1878 à Roughfort en Irlande du Nord, Samuel Williamson est issu d’une famille irlandaise protestante établie en France en 1879. Il fait des études courtes et n’à qu’une brève expérience professionnelle comme secrétaire comptable dans un journal. Entré en 1896 au service des Union chrétiennes de jeunes gens (UCJG, la branche française des YMCA), il y restera jusqu’à sa mort en 1918. Secrétaire adjoint et responsable de l’Union de Paris jusqu’en 1910, il devient à cette date secrétaire général des UCJG conjointement ave Charles Grauss.
Malgré sa santé fragile qui l’oblige à faire de longs séjours dans des sanatoriums a cause de la tuberculose, il a déployé une grande activité. Ayant découvert en Angleterre le scoutisme de Baden-Powell, il y voit un moyen de revitaliser les Unions cadettes (destinées aux adolescents de 12 à 16 ans) pour qu’elles répondent mieux aux aspirations des jeunes. Le but des Eclaireurs unionistes sera ç la fois de former des caractères et de former des disciples du Christ (L’Espérance, 1911). Ce souci religieux explique l’indépendance prise par les Eclaireurs unionistes face aux autres mouvements naissants en particulier la Ligue d’éducation nationale patronnée par Pierre de Coubertin. Et les Eclaireurs de France de Nicolas Benoît et du pasteur Gallienne. Malade, il ne peut assister au congrès de Nantes des UCJG en novembre 1912 où est adoptée la charte des Eclaireurs unionistes qu’il avait rédigée.
Soucieux d’action sociale, Williamson aurait souhaité que la méthode scoute soit utilisée pour la promotion de la jeunesse défavorisée et la prévention de la délinquance. Il décède à Saint-Raphaël le 15 août 1918.
WILLM (Albert), 1868- ? :
Avocat et homme politique. Fondateur dans sa ville natale du premier groupe d’études sociales et organisateur du groupe des premieres réunions de propagande socialiste, il collabora à la fin du XIXème siècle, au Petit Breton, au Petit Brestois et au Travailleur. Il s’établit à Paris vers 1896 et s’inscrit au Barreau. Militant alors au Parti ouvrier socialiste révolutionnaire et s’étant fait recevoir dans la franc-mçonnerie, il devient l’un des rédacteurs les plus mordants de la presse de gauche : Le Petit Bleu, Le Petit Sou, Le Soir, L’Action, Le Socialiste et L’Humanité publient succes-sivement et simultanémant des articles de lui. Il plaide en outre dans diverses affaires de proces et nombreux procès politiques. Élu député de la Seine en 1906, il le reste jusqu’en 1914. Ami intime d’ristide Briand alors socialiste révolutionnaire, au temps de La Lanterne, il est, après la Première Guerre mondiale, l’adversaire déclaré du « Pèlerin de Locarno », devenu plus modéré, tandis qu’il a rallié lui-même la droite réactionnaire. Le 15 décembre 1934, Le Cri du jour annonce qu’il s’était fait inscrire au Parti de l’Appel au Peuple où le prince Murat l’avait accueilli avec empressement. Il préside dans l’entre-deux-guerres l’Association générale des Nouvellistes Parisiens et est l’un des principaux membres de la Société des Orateurs et Conférenciers.
WILSON (Daniel), 1840-1919 :
Homme politique. Né à Paris le 6 mars 1840, Daniel Wilson est issu d’une famille d’origine écossaise. Député du corps législatif à vingt-huit ans, de 1869 à 1870, puis à l’Assemblée nationale de 1871 à 1875 où il soutient la politique d’Adolphe Thiers, il siège ensuite à la Chambre des députés et, à partir de 1876, comme élu du département d’Indre-et-Loire. Il fait partie des « 363 » puis est réélu en 1877, 1881 puis 1885. Nommé sous-secrétaire d’Etat aux Finances du 29 décembre 1879 au 13 novembre 1881pour seconder le ministre des Finances Pierre Magnin dans les premiers cabinets Freycinet et Ferry, c’est à ce titre qu’il défend à la Chambre la suppression de l’impôt sur le papier en juin 1881.
Il épouse en 1881 la fille unique du président de la République Jules Grévy, et profite de sa situation pour lancer diverses affaires commerciales et industrielles. Sa carrière politique subit une éclipse en 1889 : à la suite du « scandale des décorations », il réapparaît plus pendant quatre ans au Palais-Bourbon. En effet, en octobre 1887, on apprend que le général Caffarel, sous-chef dÉtat-Major général, venait d’être mis à la retraite d’office pour faute grave contre l’honneur. A court d’argent, semble-t-il, il avait trafiqué de son influence en faveur d’une officine de décorations dirigée par Madame Limousin. Au procès qui s’ouvre en novembre 1887, la principale inculpée fait des révélations qui concernent certains milieux politiques républicains touchant l’Élysée. La police, dit-elle, avait remplacé les lettres compromettantes du député Wilson par des faux dont on avait supprimé tout ce qui mettait en cause le gendre de Grévy. Et, à l’appel de ses déclarations, elle obtient le témoignage du fabriquant de papier qui est formel : les fausses lettres du dossier datées de 1884 étaient écrites sur du papier fabriqué en 1885. Lorsque le scandale éclate, la Chambre crée une commission d'enquête, puis entama une action judiciaire contre Wilson. Le président du Conseil Rouvier veut naturellement camoufler l’affaire. Mais la presse boulangiste s’en méla : elle a une revanche à prendre sur l’Élysée. Entamant une violante campagne contre le gouvernement, elle exige la démission du Président de la République Jules Grévy qui se cramponne à son fauteuil présidentiel. Malgré les interventions, plus ou moins occulte qui jouent en sa faveur, le gendre de Grévy passe en correctionnelle sous l’inculpation d’escroquerie. « La conduite de M. Wilson, dit le substitut qui soutenanit l’accusation, est une conduite abominable, et sur laquelle j’appelle toutes les sévérités de la justice ». Le député fut condamné à deux ans de prison et à payer 3.000 francs d’amende. Il fut, en outre, privé pendant cinq ans de ses droits civiques. Mais lorsque sur appel du condamné, la Cour se prononce le 26 mars 1888, elle acquitte celui-ci sous prétexte qu’il n’y avait pas eu d’escroquerie caractérisée. Ayant perdu la première manche, les amis de Wilson venaient de gagner la seconde. Ils gagnent également la troisième et dernière manche puisqu’en 1893, le gendre de Grévy est réellu député d’Indre-et-Loire, en dépit du scandale et des attendus déshonorants du jugement… Invalidé, il est réellu de nouveau en 1894. Il restE député jusqu’en 1902. Il appartenait comme son beau-père à la franc-maçonnerie. Il meurt à Loches (Indre-et-Loire) le 13 février 1919.
WITT (Cornélis de), 1824-1909 :
Homme politique. Né à Paris le 15 novembre 1824, Cornélis de Witt est le gendre de Guizot. Il siège au centre droit lorsqu’il est choisi le 21 juillet 1874 pour être l’adjoint du général Chabaud-Latour, ministre de l’Intérieur, comme sous secrétaire d’Etat à l’Intérieur dans le ministère Cissey (mai 1874-mars 1875). Il démissionne en même temps que le cabinet le 9 mars 1875. Il décède au Val-Rcher (Calvados), le 20 août 1909.
WORMSER (André), 1851-1926 :
WORMSER (Georges), 1888-
Banquier. Né à Paris le 14 janvier 1888, Georges Wormser est le fils d’un fondé de pouvoir de la banque Lazard frère et Cie. En raison de sa haute influence dans les hautes sphères politiques – il est le chef de cabinet et le conseiller de Georges Clemenceau et de Georges Mandel – il a un rôle très important dans divers moments de la Troisième République. Président de la Banque d’Escompte, vice-président du Patrimoine-Vie, il est président honoraire du consistoire israélite de Paris, vice-président délégué des Amis de Clemenceau et administrateur de la Fondation Curie.
WURTZ (Robert-Théodore), 1858-1919 :
Médecin bactériologiste. Né à Paris en 1858, Robert-Théodore Wurtz est chef de laboratoire de patholigie expérimentale en 1888, agrégé, puis médecin des hôpitaux. Il publie des mémoires originaux sur un procédé pour l’analuse bactériologique de l’air, sur la résistance des poules à la tuberculose, sur l’action du suc gastrique sur quelques microbes pathogènes, sur l’action bactériale du blan d’œuf, sur l’action pathologique du bacille lactique, etc. Il est directeur de l’Institut de vaccine, et memebre de l’Académie de médecine. Ses principaux ouvrages sont : la Technique bactériologique et Précis de bactériologie clinique (1897), Diagnostique et séméilogie des maladies tropicales (1905). Il meurt à Paris en 1905.
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