Exposition universelle de 1889 : Construction de la Tour Eiffel  

 

1870-1940

 

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   HISTOIRE DE FRANCE
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70 ans d'histoire (1870-1940)

 

TAINE (Hippolyte), 1828-1893 : Né à Vouziers en 1828, Hippolyte Taine est issu d’une famille de bourgeoisie provinciale. Il devient professeur de philosophie mais échoue à l’agrégation en raison de l’indépendance de ses convictions. Il écrit dans le Journal des Débats et la Revue des deux-mondes. En 1858, il soutient sa thèse de doctorat avec un Essai sur les fables de La Fontaine et, peu après, son essai sur Tite-Live lui vaut un prix de l’Académie. Il voyage beaucoup, entre à l’Académie française en 1878, est le créateur de la littérature comparée. Taine est avant tout un philosophe positiviste, voire matérialiste. Il vit une période dominée par le culte de la science, qui signifie organisation du savoir, emploi de procédés logiques qui nécessitent rigueur et méthodes. Mais, en psychologue, Taune cherche aussi l’interprétation philosophique qui permet de comprendre les hommes en dégageant leurs mobiles et leurs valeurs. Cet équilibre entre le scientisme et l’humanisme fait de lui le père fondateur des sciences humaines. Après l’épisode de la Commune, il écrit les Origines de la France contemporaine où il oppose les bienfaits de la tradition aux catastrophes dont sont responsables les jacobins. Il devient donc avec Renan le chef de file d’une école néo-traditionnaliste qui exalte le respect des traditions, non plus comme avant 1870 dans une perspective catholique et légitimiste, mais en raison d’une approche positiviste qui conduit à se méfier de tout ce qui est susceptible de bouleverser les cadres nationaux. Dans cette approche positiviste de l’entité nationale, il se montre d’un déterminisme rigoureux, attachant une importance fondamentale à la race, au milieu, au moment. Dans une lettre à Cornélis de Witt en 1864, il affirme avoir poursuivi en permanence une idée unique, celle selon laquelle tous les sentiments, toutes les idées, tous les états de l’âme humaine sont des produits ayant leurs causes et leurs lois, tout l’avenir de l’histoire résidant dans le démarche de ses causes et de ces lois. Admirateur de la science et de la pensée allemande, il voit en Hegel le premier epnseur du siècle. Toutefois, en ce qui concerne le domaine politique, Taine marque sa préférence pour la conception britannique d’une politique modeste et pratique. Il a horreur de la démocratie plébiscitaire et une aversion particulière pour les Jacobins auxquels il reproche d’être des théoriciens, ignorant toutes les réalités. Le gouvernement révolutionnaire lui paraît être le « triomphe de la raison pure et de la déraison pratique ». Pour lui, le bon gouvernement est celui qui repose sur les élites. Aussi préconise-t-il un système d’élections a deux degrés afin de limiter les entraînement néfastes d’un électorat non éclairé. De même prone-t-il l’association sous toutes ses formes afin de favoriser l’éducation civique et morale et de lutter contre l’emprise de l’Etat, la décentralisation lui apparaîssant à cet égard comme une nécessité. C’est la raison pour laquelle, afin de procurer au pays des cadres administratifs et des dirigeants politiques professionnellement formés pour les tâches qui seront les leurs, il participe, après la défaite de 1871, avec Emile Boutmy à la création de l’Ecole libre des Sciences politiques. Les nationalistes, en particulier ceux de l’Action française se réclement de la pensée positiviste, nationaliste et traditionnaliste de Taine.

TAITTINGER (Pierre), 1887-1967 : Né à Paris en 1887, héritier d’une dynastie d’industriels du champagne, ce qui lui permet de disposer d’une immense fortune, Pierre Taittinger s’intéresse très tôt à la politique. Encore étudiant, il adhère aux Jeunesses plébiscitaires, organisation proche de la Ligie des Patriotes, se situant ainsi d’emblée à l’extrême-droite de l’échiquier politique. Mobilisé en 1914 comme sous-officier de cavalerie, sa brillante conduite lui vaut de terminer le conflit comme capitaine, décoré de la Légion d’honneur et de la croix de guerre et titulaire de trois citations. L’expérience de la guerre ne fait que renforcer son nationalisme qui, pour lui, s’exprime désormais à travers le monde des Anciens combattants. En 1919, il se présente aux élections législatives sur une liste de Bloc national en Charente Maritime et entre ainsi au parlement. Membre du groupe de l’Entente républicaine démocratique, il adhère en même temps à la Fédération républicaine qui traduit bien ses aspirations nationales et favorables à un régime fort, de type boulangiste. Mais l’échec du Bloc national et la victoire du Cartel des gauches aux élections de 1924 le convainquent que l’idéal patriotique pour lequel ont combattu les « poilus » de 1919 est désormais en danger et que les formations parlementaires de la droite classique sont incapables de s’opposer à cette remise en question de l’héritage des tranchées. Elu député de Paris en 1924, il décide alors de doubler ces formations d’un groupe de pression qui reprendrait les idéaux de la Ligue des Patriotes de Déroulède et Barrès, désormais présidée par le général de Castelnau et, avec l’accord de celui-ci, crée la Ligue des Jeunesses patriotes, qui se présente dans un premier temps comme l’organisation de jeunesse de la vieille ligue. En fait, Taittinger s’efforce de renouveler le nationnalisme traditionnel en le greffant sur le mouvement combattant (les anciens combattants pouvant seuls siéger au comité directeur de la ligue). Financé par la fortune de Pierre Taittinger, ce mouvement est conçu dans son esprit comme l’auxiliaire des partis de droite, capable d’agir dans la rue où les notables ne s’aventurent guère. De fait, Taittinger se fait le procureur impitoyable du Cartel, condamnant les faiblesses de ses dirigeants face aux socialistes et aux communistes. Il dénoncera dans les manifestations communistes qui accoimpagnent à l’automne 1924 le transfert au Panthéon des cendres de Jaurès des « saturnales révolutionnaires ». Chef d’un groupe activiste, Taittinger attire à lui une partie de la jeunesse d’extrême-droite prête à en découdre et à renverser la République dans un coup de force, qui peuplera, par exemple, les Phalanges universitaires, organisation étudiante des Jeunesses patriotes. Mais Taittinger n’entend pas aller aussi loin dans ses perspectives, comme celles de ses lieutenants, Charles des Inards et Jean Ybarnegaray, ne dépassent pas la volonté d’une révision de la Constitution pernettant de renforcer l’exécutif et de limiter les pouvoirs du Parlement. Aussi lorsqu’en juillet 1926, la gauche perd le pouvoir et que Poincaré redevient président du Conseil, le député Pierre Taittinger se satisfait-il de cette évolution et met-il en sommeil les Jeunesses patriotes, à la grande déception des groupes les plus activistes qui brûlent d’aller plus loin. Le scénario se reproduit en 1932-1934. La victoire électorale de la gauche en 1932 incite Taittinger à ranimerses Jeunesses patriotes qui reprennent leurs manifestations contre les gouvernements radicaux. L’affaire Stavisky les pousse aux limites de la légalité, le mouvement fournissant l’essentiel des troupes qui s’agitent, pratiquent des violences des rues et affrontent la police aux cotés de l’Action française et de la Solidarité française. Le 6 février 1934, Taittinger, depuis l’Hôtel-de-Ville est le grand stratège d’une journéequi voit les Jeunesses patriotes au premier rang de l’émeute sur la place de la Concorde pendant que lui-même, entouré des élus de droite de la capitale ceints de leurs écharpes tricolores, se rend au Palais-Bourbon pour exiger le démission de Daladier. Mais celle-ci obtenue, et Doumergue hissé au pouvoir, Taittinger calme ses troupes dont les éléments les plus déterminés iront désormais chercher dans des groupes plus décidés à abattre le régime (Cagoule ou PPF) la réalisation de leurs aspirations. Au demeurant, Pierre Taittinger poursuit une carrière parlementaire de memebre de la Fédération républicaine, il se consacre aux questions de la défense nationale, dénonçant sans relache, au sein de la commission de le Défense nationale de la Chambre, dont il est membre, l’impréparation de l’armée française, préconisant l’abandon du Front populaire et un rapprochement étroit avec l’Angleterre. En mars 1940, il met en garde l’état-major contre la vulnérabilité de la frontière des Ardennes. A la défaite, il se rallie au maréchal Pétain auquel il vote les pleins pouvoirs le 10 juillet 1940. Sa carrière politique s’arrête à la Libération, son activité dans les rangs de l’extrême-droite et sa participation active au régime de Vichy le disqualifiant pour jouer un rôle dans une France qui se réclame désormais des valeurs de la Résistance.

TANGER (crise de) : La crise de Tanger est considérée comme la première des grandes crises internationales qui, au début du vingtième siècle, conduisent au déclenchement de la Première Guerre Mondiale. Elle est provoquée en 1905 par le gouvernement allemand, à propos de la question marocaine qui n’est elle-même qu’un des aspects des rivalités opposant les grandes puissances européennes. Inquiète de l’Entente Cordiale franco-anglaise de 1904, l’Allemagne se soucie moins du Maroc que de la situation diplomatique européenne. Elle ne peut admettre que la question du Maro puisse se se régler sans elle. Or, la France, avant de s’engager dans la politique marocaine, a consulté toutes les puissances sauf l’Allemagne. Son prestige lui commande donc d’intervenir, surtout pour consolider son alliance avec l’Italie encore peu sûre, mais aussi pour défendre ses propres intérêts économiques au Maroc. L’occasion lui semble d’autant leilleure que la Russie, alliée de la France, est engagée dans une guerre difficile contre le Japon qui la met hors d’état de la soutenir et qui va permettre à la Triplice (Allemagne, Autriche, Italie) d’avoir les mains libres. Le but de la crise de Tanger est avant tout de briser l’Entente cordiale franco-anglaise en se servant de la question du Maroc. En octobre 1904, la France qui a conclu des accords avec l’Angleterre et l’Espagne, envoie à Fez la mission de Saint-René Taillandier qui propose un programme de réformes au sultant Abd-el-Aziz. Celui-ci résiste. C’est alors que von Bülow, chancelier allemand, conseille à guillaume II s’appuyer moralement le sultan. L’Empereur suit les conseils de son chancelier et débarque à Tanger le 31 mars 1905. Monté sur un cheval blanc inconnu et nerveux, chevauchant difficilement au milieu d’une escorte d’indigènes avec son bras gauche infirme, c’est un homme à bout de nerfs qui va faire une déclaration menaçante pour la France, affirmant la détermination de l’Allemagne à défendre ses intérêts au Maroc comme l’indépendance du sultan. En bref, l’Allemagne exige une conférence internationale sur la question du Maroc. Le premier résultat de cette équipée est la msentente au sein du gouvernement français, le ministre des Affaires étrangères Delcassé jugeant que l’Allemagne bluffe et voulant résister, alors que le président du Conseil Rouvier est d’un avis contraire. Il estime que si une guerre éclatait la France la France ne serait pas en état de la faire. L’Allemagne remporte une première victoire avec la démission de Delcassé le 6 juin 1905. L’acceptation par Rouvier d’une conférence internationale est un second succès pour Guillaume II. En réalité, ces avantages allemands seront sans suite car la conférence internationale réunie à Algésiras près de Gibraltar le 16 janvier 1906 va confier à la France, de concert avec l’Espagne, la police de l’Empire marocain. Et surtout cette demande est appuyée par l’Angleterre, la Russie, l’Italie et approuvée par les Etats-Unis. Quand la conférence se sépare la 7 avril 1906, la France a acquis malgré l’Allemagne, une prépondérance de fait au Maroc, mais la question marocaine n’est pas réglée. L’Allemagne est déçue de n’avoir pu brouiller les fRançais avec les Russes et les Anglais comme elle l’espérait. C’est même le résultat inverse qui est atteint, car ses méthodes de force ont contribué à resserrer l’entente franco-anglaise, l’Angleterre ayant envisagé l’hypothèse d’une guerre éventuelle aux côtés de la France, ce qui constitue un pas décisif vers une alliance véritable. Par ailleurs, l’évènement poussera l’Angleterre et la Russie à liquider leur contentieux par la convention du 31 août 1907, constituant ainsi autour de la France une Triple-Entente équilibrant la Triple-Alliance formée autour de l’Allemagne. GIRAULT (R.) : Diplomatie européenne et impérialisme (1871-1914), Paris, Masson, 1979.

MILZA (Pierre) : Les relations internationale de 1871 à 1914, Paris, A. Colin, 1968. RENOUVIN (Pierre) : Histoire des relations internationales, T. 6, Paris, Hachette, 1956.

TANNERY (Jules), 1848-1910 : Jules Tannery naquit le 24 mars 1848 à Mantes-sur-Seine. Il est le cadet des trois fils de Delphin Tannery, ingénieur de la compagnie des chemins de fer de l’ouest. La famille se déplace d'abord à Redon en Ille-et-Vilaine ou son père supervise la construction d'une ligne ferroviaire puis elle s'installe à Mondeville, près de Caen. Au lycée, à Caen, Tannery est un excellent étudiant ; il gagne plusieurs prix au concours général. 1866 Tannery est admis avec un très bon rang, simultanément dans les sections scientifiques de l'Ecole Normale supérieure et de l'Ecole polytechnique. Il choisit l'école normale. 1869 Il est classé premier à l'agrégation. Il est nommé professeur de lycée à Rennes. 1871 Il est nommé à Caen, ou il rejoint son ami Emile Boutroux. Début de sa crise religieuse. 1872 Retour vers Paris avec un poste d'agrégé-préparateur de mathématiques à l'Ecole normale. Encouragé par Hermite, il commence à travailler sur une thèse inspirée par les travaux de Fuchs, Propriétés des intégrales des équations différentielles linaires à coefficients variables. 1874 Soutenance de thèse. 1876 Il devient éditeur du Bulletin des sciences mathématiques, dans lequel il collabore avec Hoüel, Darboux et Picard, jusqu'à sa mort. Tannery écrira énormément de livres, d'articles, de revues de livres (200 de 1905 à 1910). Il enseignera au Lycée Saint-Louis et se substituera au professeur de mécanique physique et expérimentale à la Sorbonne. 1881 Il est nommé maître de conférences à l'Ecole Normale supérieure, puis très peu de temps après à l'Ecole Normale pour femmes de Sèvres. 1903 Il devient professeur de calcul différentiel et intégral à la Faculté des sciences de Paris. Il formera et conduira vers des carrières scientifiques des personnalités comme Emile Borel, Paul Painlevé et Jules Drach. 11 mars 1907 Il est élu membre libre de l'Académie des sciences. 11 novembre 1910 Il décède à Paris.

TARDIEU (André), 1876-1945 : Journaliste et homme politique. Le parcours de Tardieu, est l’un des plus brillant mais aussi l’un des plus heurté de la Troisième République dans sa période d’apogée et de crise (1914-1939). Cette succession de réussites et d’échecs tient avant tout à l’incertitude du personnage, jamais fixé dans son rôle politique, ni parlementaire, ni chef de parti, ni homme de gouvernement. Cas exemplaire d’une remise en cause de la tradition républicaine venue du sein même des « modérés », sa carrière semble trahir aussi un rejet ou un doute de sa propre vocation politique. Né à Paris (VIIIème arrondissement) le 22 septembre 1876 au sein d’une famille de grands bourgeois, Tardieu est très tôt remarqué par ses qualités de diplomate, son incroayble capacité de travail, sa mémoire exceptionnelle et sa compétence, qualités variées qui vont lui permettre de mener plusieurs vie professionnelles parallèles : fonction publique, journalisme, diplomatie. De sa période de formation jusqu’au milieu des années 1920, André Tardieu apparaît déjà en rupture vis-à-vis du parcours classique de l’entrée politique. Malgré une tradition familiale qui faisait de lui un héritier et un grand bourgeois parisien, il n’est le produit ni de la République des avocats ni celle des professeurs. Reçu premier au concours de l’Ecole normale supérieur, il en démissionne presque aussitôt. Reçu premier au concours du ministère des Affaires étrangères, il ne reste diplomate (1898) que le temps de trouver un emploi (1899) au sein du ministère Waldeck-Rousseau comme secrétaire de ce dernier puis de découvrir le journalisme, véritable passion, il collabore au Figaro (1901) puis au Temps (1905) où il rédige l’éditorial d’analyse diplomatique. En fait, sa formation politique, au-delà d’un rattachement de principe au républicanisme libéral, est presque celle d’un autodidacte qui trouve ses références à l’étranger plutôt qu’en France ; en Grande Bretagne voire en Allemagne (il publie une biographie de von Bülow), mais surtout aux Etats-Unis, incarnés alors par la présidence de Théodore Roosevelt, son premier modèle. Bien sûr, il entame une carrière élective en avril 1914 en emportant un siège de député en Seine-et-Oise sous une étiquette de centre droit, mais l’entrée dans le monde parlementaire dont il se sent d’emblée éloigné est relativement tardive. Il ne s’adapte guère et n’en trouve pas le temps. Engagé volontaire en août 1914, agent de liaison de Foch puis commandant de chasseurs à pied et blessé en novembre 1915, il revient à la Chambre où il campe l’une des premières figures de député « ancien combattant », critique intransigeant des atermoiements du gouvernement – notamment celui de Briand. N’ayant eu ni le temps ni le goût d’accepter une forme d’acculturation parlementaire, il trouve dans l’expérience du pouvoir en temps de guerre son véritable creuset. Nommé par Ribot haut commissaire aux Etats-Unis en juin 1917, il cumule à ce poste de très nombreuses fonctions économiques, financières et diplomatiques dans un contexte exceptionnel – l’Etat qu’il présente a le monopole du ravitaillement et du commerce – et dans le cadre d’une fonction gouvernementale inédite qui échappe au contrôle direct du Parlement. Expérience qui se prolonge d’une certaine manière lors des négociations de paix en 1919 quand il est, avec Loucheur et Clémentel le principal conseiller de Clemenceau et prends à sa charge de très nombreux dossiers (de la question rhénane à la question du Proche-Orient) tout en étant soustrait, comme l’a voulu son nouveau « patron » au contrôle de la Chambre. Marqué dorénavant par son étiquette clemenciste, il en subit les conséquences parlementaires après l’échec de Clemenceau à la présidence de la République en janvier 1920 où il est écarté du pouvoir. Au temps du Bloc national, de 1919 à 1924, malgré quelques discours chocs contre la politique de Briand puis contre celle de Poincaré, au nom d’une défense absolue du traité de Versailles, il est politiquement marginalisé, soupçonné d’ « étatisme » (sur le plan des réformes économiques et sociales) par la droite, accusé de jusqu’au-boutisme par les radicaux en matière de politique extérieure. Il manque de nouveau son entrée dans le monde parlementaire classique. Il est battu aux élections de 1924 et annonce son retrait de la vie politique, pour reprendre la plume. Cependant, élu dans le territoire de Belfort aux législatives de février 1926, Tardieu entame la période la plus modérée et la plus linéaire de sa carrière. Ministre de Poincaré dès juillet 1926 aux Travaux publics, faisant enfin son deuil du clemencisme, replacé au coeur du vaste rassemblement poincariste, acceptant les grandes lignes de la politique extérieure briandiste, il apparaît comme le chef de file de la nouvelle génération de modérés, néo-libéraux et « modernes », reprenant une partie des réformes sociales prônées par les radicaux au moment où le contexte économique et budgétaire autorise de telles audaces bien tempérées. Après une carrière ministérielle dans la cabinet Poincaré avec le portefeuille de l’Intérieur de novembre 1928 à novembre 1929, il s’aliène ainsi les gauches qui ont beau jeu de fustiger son conservatisme et son autoritarisme. En réalité, Tardieu fait partie des inclassables. Lorsque Poincaré doit laisser sa place pour des raisons de santé, c’est à André Tardieu que le président de la Républiqe s’adresse le 3 novembre 1929. Tout d’abord, Tardieu s’impose en homme du rassemblement, persuadé que les partis peuvent s’entendre sur des sujets d’intérêt général, ce qu’il appelle le « coefficient d‘unanimité ». Le nouveau président du conseil est loin de faire l’unanimité, même au sein de son propre camp. Les radicaux refusent les ministères proposés. Pourtant, il semble confiant, et symbolise aussi l’indispensable relève pour une grande partie de sa gégération, née comme lui avec la République, marquée par la guerre et avide de changements. Tardieu se réserve le portefeuille de l’Intérieur et constitue une équipe pléthorique pour l’époque puisqu’elle comporte vingt-huit membres. Sa première présidence du Conseil est toute entière placée sous le signe de la rénovation du libéralisme républicain aux couleurs d’un réformisme qui vient concurrencer le radicalisme. En effet, pour contrer la sinistrose ambiante, résultant de la crise économique internationale , le président du Conseil entend appliquer, dès sa première déclaration, une politique « de la bonne humeur », comme il l’a lui même qualifiée. Il entend ouvrir les caisses de l’Etat afin de relancer l’activité. Il favorise par exemple les assurances agricoles, la création d’un Office du blé, multiplie les dégrèvements, institue la retraite du combattant, lance de grands travaux. Cette politique favorable aux salariés l’est moins à l’emploi, du moins dans un premier temps. Elle irrite les radicaux, spécialiste du clientélisme, qui l’accusent de faire du neuf avec du vieux. Il tente encore d’unifier la droite, le centre et une partie des radicaux au sein d’un grand parti conservateur sur le modèle anglais. Prenant le pays à témoin, il avait d’ailleurs fait afficher son programme dans les communes Mais, faute de rallier les radicaux en les coupant des socialistes, faute d’un programme original en dépit des apparences (Tardieu rejette autant Keynes qu’il rejettera le New Deal de Roosevelt), faute de pouvoir rassembler un vaste parti modéré à l’anglaise, faute de crédibilité personnelle ou de sympathie auprès des parlementaires, « l’expérience Tardieu » tourne court et ne fait pas vraiment date. Redevenu président du Conseil en février 1932, il dirige personnellement – ondes radiophoniques à l’appui – la campagne électorale des élections législatives du mois de mai 1932. L’échec relatif qu’il subit lors de ces élections met fin, dans le cours de son itinéraire, à cette période gouvernementale quasi conformiste. Tardieu n’aura jamais été un véritable parlementaire ni donc, selon les conditions de la IIIe République, un homme politique à part entière. Son itinéraire déjà heurté connaît de nouveau une échappée dès 1933. La période des six années gouvernementales, entre 1926 et 1932, fait figure de parenthèse. Au lieu de tenter de reconquérir une position dominante à la Chambre – ses anciens allés Laval, Flandin ou Reynaud le fond à sa place -, il se lance dans une campagne d’opinion en faveur des révisions des institutions. Partisan des réformes plutôt modérées du parlementarisme avec, comme clé de voûte du renforcement gouvernemental, le rétablissement de la pratique de la dissolution de la Chambre, ses arguments font écho à la campagne multiforme de la « réforme de l’Etat ». Ministre d’Etat dans le cabinet Doumergue formé à la suite du 6 février 1934, il n’en n’est pas le véritable inspirateur. Ce retour au gouvernement de « trêve » qu’il contribue d’ailleurs à affaiblir en s’attaquant à Chautemps (à propos de Stavisky) et par là aux radicaux dans leur ensemble, ne fait que précipiter une deuxième rupture qui l’éloigne cette fois-ci tout entier et non plus seulement de ses « défauts » qu’il juge déjà impossible à réformer de l’intérieur. Après l’enterrement de la « réforme de l’Etat » suite à la démission de Doumergue en novembre 1934, il ne réapparaît plus guère à la Chambre, abandonne ses mandats locaux, refuse une nouvelle forme d’engagement dans les ligues qu’il tente de discréditer (procès contre La Rocque en 1937) et ne se représente pas aux élections de 1936 malgré l’enjeu du Front populaire. Il se retire et s’abstient au moment où la participation électorale des Français n’a jamais été aussi élevée. Dans cette situation de semi-retraite qui dure jusqu’en juillet 1939, date de l’attaque cérébrale qui le privera jusqu’à sa mort de ses facultés intellectuelles. Il retrouve ses passions premières : journalisme et essais politiques. S’il est publié par l’hebdomadaire d’extrême droite Gringoire, ses éditoriaux de politique étrangère défendent à nouveau et inlassablement une Europe anti-allemande telle qu’il l’avait conçue en 1919 dans le traité de Versailles : étranger à tout pacifisme, il s’oppose sans équivoque à Munich*. Ses derniers essais regroupés dans une série intitulée La Révolution à refaire – entreprise inachevée et aux dimensions démesurées - le mènent vers une dernière forme de rupture englobant cette fois l’esprit du régime républicain, rejetant le récit classique de la Révolution française, portant ses doutes sur les fondements mêmes de la démocratie, retrouvant à la fois les critiques des libéraux conservateurs de Burke à Taine et celles des antimodernes de Maistre à Maurras. Sans verser dans les tentations de son temps – dérive fasciste, attraction du nazisme, antisémitisme -, Tardieu offre un exemple de rupture par rapport à culture politique d’origine, mais une rupture qui tient à la fois de la fuite en avant et, si l’on accepte le terme dans ce domaine, de la régression politique. André Tardieu meurt à Menton (Alpes-Maritimes), le 17 septembre 1945.

BINION (R.) : Three Defeated Leaders. The political fate of Caillaux, jouvenel and Tardieu, New York, Columbia University Press, 1960. JUNOT (M.): André Tardieu le Mirobolant, Paris, Denoël, 1996. MONNET (F.) : Refaire la République, André Tardieu, une dérive réactionnaire (1876-1945), Paris, Fayard, 1993. ROUSSELLIER (N.) : « André Tardieu où la crise du constitutionnalisme libéral », Vingtième siècle. Revue d’histoire, janvier-mars 1989.

TASSO (Henri), 1882-1955 : Homme politique. Né à Marseille le 10 octobre 1882. Fils d’un journalier, il milite très jeune dans le mouvement socialiste. Adjoint au maire de Marseille, puis maire et conseiller général, il est élu député des Bouches-du-Rhône (1924-1938), puis sénateur en 1939. Il appartient au groupe de la Libre Pensée et à la Ligue des Droits de l’Homme. Léon Blum le prit dans son gouvernement en 1936 et lui confia le sous-secrétariat d’État à la Marine marchande, poste qu’il conserve dans le gouvernement Chautemps qui suit et dans le second cabinet Blum. Le 10 juillet 1940, il vota les pleins pouvoirs constituants au maréchal Pétain et il se retire de la vie politique. Il décède à Monaco le 4 juin 1955.

TEILHARD DE CHARDIN (Pierre), 1881-1955 : Jésuite, paléontologue et philosophe. Marie-Joseph Pierre Teilhard de Chardin est né le 1er mai 1881 en Auvergne au château de Sarcenat, dans la commune d'Orcines, près de Clermont Ferrand (France). Son père, collectionneur de pierres, d'insectes et de plantes, éveille chez lui le sens de l'observation de la nature. A onze ans, il entre au collège jésuite de Mongré, à Villefranche-sur-Saône, jusqu'aux baccalauréats de philosophie et de mathématiques. En 1899 il entre au noviciat jésuite d'Aix en Provence où il commence sa formation philosophique, théologique et spirituelle qui le conduira à ses voeux religieux en 1918. Dès l'été 1901, les lois Waldeck-Rousseau sur le droit d'association forcent à l'exil les jeunes étudiants jésuites qui doivent poursuivre leurs études à Jersey. Il passe en 1902 sa licence de lettres à Caen. De 1905 à 1908, il enseigne la physique et la chimie au Caire, au collège jésuite de la Sainte Famille. En Egypte, c'est, écrit-il "l'éblouissement de l'Orient entrevu et bu avidement, ... dans ses lumières, sa végétation, sa faune et ses déserts". Teilhard fait sa théologie à Hastings, dans le Sussex (Grande Bretagne), de 1908 à 1912. Il fait la synthèse de ses connaissances scientifiques, philosophiques et théologiques à la lumière de l'évolution. La lecture de " l'Evolution créatrice "de Bergson fut, dit-il, le "catalyseur d'un feu qui dévorait déjà son coeur et son esprit". Il est ordonné prêtre le 24 aôut 1911. Il a trente ans. De 1912 à 1914, il travaille au laboratoire de paléontologie du Muséum National d'Histoire Naturelle, à Paris, sur les mammifères du Tertiaire moyen et inférieur en Europe. Le Professeur Marcellin Boule, spécialiste des néanderthaliens, le forme progressivement aux recherches de paléontologie humaine. A l'Institut de paléontologie humaine il se lie également d'amitié avec Henri Breuil et participe avec lui, en 1913, à des fouilles dans les cavernes à peinture préhistoriques du nord-ouest de l'Espagne. Mobilisé en décembre 1914, il fera la guerre comme brancardier dans le 8ème régiment de marche de tirailleurs marocains. Il obtiendra pour sa conduite plusieurs citations, la Médaille Militaire et la Légion d'Honneur. Tout au long de ces années de guerre il développe ses réflexions dans son Journal et ses lettres à sa cousine, Marguerite Teillard-Chambon, qui les réunira dans un livre : Genèse d'une pensée. Il confiera plus tard : "la guerre a été une rencontre...avec l'Absolu". En 1916, il écrit son premier essai : La vie cosmique où se dévoile sa pensée scientifique et philosophique de même que sa vie mystique. Il prononce ses voeux solennels de jésuite à Sainte Foy-les-Lyon, le 26 mai 1918, pendant une permission. En août 1919, à Jersey, il écrira la Puissance spirituelle de la Matière. L'ensemble de ses essais écrits entre 1916 et 1919 sont publiés sous les titres suivants : "Ecrits du temps de la Guerre" (TXII des Oeuvres complètes) - Editions du Seuil "Genèse d'une pensée" (lettres de 1914 à 1918) - Editions Grasset - Les Cahiers rouges. Teilhard passe à la Sorbonne ses trois certificats de licence ès sciences naturelles: géologie, botanique et zoologie. Sa thèse portera sur les Mammifères de l'Eocène inférieur français et leurs gisements. Dès 1920, il est maître de conférences en géologie à l'Institut Catholique de Paris, puis professeur adjoint après être devenu Docteur ès sciences en 1922. En 1923 il découvre la Chine avec le Père Emile Licent, responsable à Tien Tsin d'un important laboratoire collaborant avec le Muséum de Paris et le laboratoire de Marcellin Boule. Licent y effectue un travail de fond considérable en liaison avec des missionnaires qui accumulent les observations d'ordre scientifique lors de leur temps libre. Teilhard écrit plusieurs textes dont "la Messe sur le Monde", dans le désert des Ordos. Il reprend l'année suivante ses cours à l'Institut Catholique et un cycle de conférences pour les étudiants des grandes écoles. Un texte de réflexion sur le "péché originel" adressé à un théologien, à sa demande, à titre personnel, est mal compris. Son Ordre lui demande d'abandonner son enseignement à l'Institut Catholique et de poursuivre ses recherches géologiques en Chine. Teilhard repart donc en Chine en avril 1926. Il y séjournera une vingtaine d'années, entrecoupées de nombreux voyages à travers le monde, installé jusqu'en 1932 à Tientsin avec Emile Licent puis à Pékin. De 1926 à 1935, Teilhard fera cinq expéditions géologiques en Chine. Elles lui permettent d'établir une première carte géologique générale de la Chine. En 1926-1927 après une campagne manquée dans le Kansou il voyage dans la vallée du Sang-Kan-ho près de Kalgan et fait une tournée en Mongolie orientale. Il écrit Le Milieu divin. Teilhard élabore les premières pages de son oeuvre maîtresse : Le Phénomène humain. Conseiller du Service géologique national Chinois il supervise la géologie et la paléontologie des fouilles de Choukoutien (Zhoukoudian) près de Pékin. En décembre 1929, il participe à la découverte du Sinanthrope. Séjour en Mandchourie avec Emile Licent. Séjour dans le Shansi occidental et le Shensi septentrional avec le paléontologiste chinois C.C.Young. Tournée en Mandchourie dans la région du Grand Khingan avec des géologues chinois. En juin-juillet, participation à l'expédition américaine Centre-Asie dans le Gobi organisée par l'American Museum of Natural History avec Roy Chapman Andrews. Breuil et Teilhard découvrent que le Sinanthrope de Choukoutien (Zhoukoudian), appelé aussi Homme de Pékin, proche parent du Pithécanthrope de Java, est "faber" (taille des pierres et maîtrise du feu). Il écrit L'Esprit de la Terre. Il a cinquante ans. Teilhard participe comme scientifique à la fameuse "croisière jaune" Haardt-Citroën en Asie centrale. Il rejoint au nord-ouest de Pékin à Kalgan le groupe Chine qui doit retrouver l'autre partie de l'équipe, le groupe Pamir, à Aksou. Avec ses camarades il sera retenu de force plusieurs mois à Ouroumtsi, capitale du Sinkiang. L'année suivante commencera la guerre sino-japonaise. Teilhard entreprend plusieurs explorations dans le sud de la Chine. Voyages dans les vallées du Yangtsé et au Szechuan en 1934 puis, l'année suivante, dans le Kwang-Si et le Kwang-Tong. Pendant toutes ces années, infatiguable voyageur, Teilhard contribua fortement à la constitution d'un réseau international de recherches en Paléontologie humaine portant systématiquement sur toute la zone orientale et sud-orientale du continent asiatique. Il sera particulièrement soutenu dans cette tâche par deux amis Anglo-Saxons, le Canadien anglais Davidson Black et l'Ecossais George B. Barbour. En 1946, Teilhard revient en France. Reconnu par ses pairs scientifiques qui l'élisent à l'Académie des sciences en 1950, il entretient avec les autorités religieuses des relations plus conflictuelles. Sa pensée philosophique, alliant science et foi et reposant sur une conception globale de la place de l'Homme dans l'univers, dérange. D'ailleurs, aucun des livres qu'il écrira tout au long de sa vie, en dehors de ses publications purement scientifiques, ne sera publié avant sa mort. Parmi eux, on peut citer "Le phénomène humain" (achevé en 1940, paru en 1955), "Le milieu divin" (rédigé en 1927, paru en 1957) et aussi "L'Energie humaine" (1957), "La place de l'Homme dans la Nature" (1965) et "L'Avenir de l'homme" (1958). A partir de 1951, Teilhard s'installe à New York ; il se rend plusieurs fois en Afrique du Sud pour participer aux fouilles de gisements australopithèques. Constatant que l'Afrique est le seul continent à présenter une "collection" complète des différents niveaux d'industrie lithique, il émet alors l'hypothèse d'une origine africaine de l'homme avec l'Homo Sapiens. Teilhard de Chardin s'éteindra à New-York à l'âge de soixante-quatorze ans, suite à une crise cardiaque, le jour de Pâques 1955.

TÉLÉPHONE : Le Téléphone Bell fut introduit en France en août 1877 par l’ingénieur Bréguet à son retour des séances de l'Association Britannique pour l'Avancement des Sciences auxquelles il venait d'assister. Les deux téléphones qu'il rapporta, arrivés à un état parfait de simplicité, les avait reçus des mains mêmes de l'inventeur Graham Bell. Dès l'année 1879, c'est à dire trois ans après la découverte du téléphone, le Ministre des Postes et Télégraphes, Albert Cochery, décida de doter les plus grandes villes françaises du téléphone. L'Etat français ne sachant pas exactement quel pourrait être l'avenir du téléphone va préférer en confier l'exploitation à l'industrie privée. Il était difficile à cette époque d'être éclairé sur cette nouvelle application de l'électricité, de pouvoir soupçonner la place qu'elle prendrait dans les habitudes de la vie, de calculer enfin la dépense qu'entraînerait l'établissement de réseaux téléphoniques. Dès lors, l'Administration ne pouvait penser à prendre immédiatement la responsabilité et la charge de pareilles exploitations. D'un autre côté, elle ne pouvait en priver le public, lui refuser absolument ce qu'elle ne voulait pas elle-même lui donner. On pensa qu'il fallait, tout en réservant d'une façon absolue le monopole de l'Etat, laisser l'industrie privée faire preuve d'une entreprise dont il n'était pas possible de mesurer à l'avance les résultats. En fait l'Etat ne voulait pas mettre un seul franc dans cette aventure qui risquait d'être coûteuse d'autant plus que la France venait tout juste de rembourser l’énorme dette de guerre à l'Allemagne et que l'état des finances publiques devait plutôt inciter à la sagesse. Le Ministre prit donc un arrêté à la date du 26 juin 1879 afin que les réseaux téléphoniques puissent être exploités par des sociétés privées dans le cadre d'une concession particulière. La première demande de concession fût déposée le 27 juin 1879 par le sénateur Hebrard au nom de la Compagnie des Téléphones Gower. Frédéric Allen Gower était un ingénieur américain qui avait travaillé avec Bell. Gower s'était entouré d'ingénieurs très compétents : Louis Bréguet, Cornélius Roosevelt, François Rodde et Clément Ader. Son principal appui financier était le Crédit Mobilier dirigé par M. Wallut. Le siège social était au 66 rue Neuve des Petits Champs. L'appareil Gower était une sorte d'émetteur-récepteur sans piles. Une deuxième société demanda ensuite une concession. Il s'agissait de la Société Française de Correspondance Téléphonique représentée par le sénateur Foucher de Careil, exploitant les brevets Blake-Bell. Le siège social était au 7 avenue de l'opéra, dirigé par un ingénieur : M. Soulerin. Enfin, le matériel Edison fut proposé par une troisième société, la Société Française des Téléphones, le 8 septembre 1879. Elle était dirigée par un ingénieur français, Berthon. Son siège était au 45 avenue de l'opéra. Deux appareils étaient disponibles : le modèle dit "à cylindre de chaux" et un autre modèle formé d'un "pupitre auquel était accroché des écouteurs et surmonté d'un microphone à pastille en charbon". Ce dernier système avait été imaginé par l'américain Phelps. Les trois sociétés détentrices de brevets américains sollicitèrent le droit d'établir et d'exploiter pendant cinq ans des réseaux dans quatre importantes villes de France : Paris, Lyon, Marseille et Bordeaux. Les autorisations furent accordées le 23 juillet, le 8 septembre et le 23 septembre 1879. Alors qu'elles ne comptent chacune pas plus de cent souscripteurs, les deux premières sociétés fusionnent le 2 février 1880 et créent la Compagnie des Téléphones. Il ne reste alors que deux sociétés : la Compagnie des Téléphones, système Gower, et la Société Française des Téléphones, système Edison. Mis en service à la fin de 1879, le central Gower avait été installé au 66 rue Neuve des Petits Champs. Le réseau de la Compagnie des Téléphones s'étendait sur le sud et l'est Parisien. L'appel du central tenait de la haute acrobatie : "l'abonné prenait le tube acoustique de son appareil dont l'embouchure était munie d'une anche incorporée. Il soufflait dans l'embouchure, l'anche résonnait. Le courant produit par ce signal faisait tomber un voyant monté sur un verrou électrique très sensible qui montrait à l'opérateur quel abonné avait appelé". Ce système à voyants était l'oeuvre d'un ancien conducteur des Ponts et Chaussée, Clément Ader, qui s'était fait remarquer depuis quelques années par son génie inventif. L'opérateur disposait d'un tableau sur lequel aboutissait les lignes des abonnés. Il répondait en enfichant puis, par le moyen de divers renvois, pouvait établir la communication avec le demandé, toujours en soufflant dans la petite trompette. Le téléphone à piles Edison permettait l'appel du central grâce à un bouton placé sur l'appareil. En appuyant dessus, l'abonné alimentait un électro-aimant placé sur un tableau placé au central téléphonique. Cet électro-aimant décrochait alors un volet placé devant un numéro et le découvrait. L'ensemble des tableaux d'appels avait été installé 45 avenue de l'Opéra. Le réseau de la Société Française des Téléphones occupait le quartier des affaires situé autour de l'opéra et l'ouest de Paris. Du fait de l'existence de deux sociétés qui utilisaient du matériel différent, l'interconnexion entre les deux réseaux était impossible. Si vous étiez abonné au système Gower, vous ne pouviez pas avoir accès au réseau Edison et vice et versa. Cette situation n'étant pas non plus économique pour les deux sociétés, elles fusionnèrent et formèrent la Société Générale des Téléphones (SGT) le 10 décembre 1880. Le siège social s'établit au 66 rue Neuve des Petits Champs. Ses inventeurs et ingénieurs : Gower, Roosevelt, Soulerin et Ader laissèrent la place aux banquiers : Duchateau du Crédit Mobilier, May et Noetzler de la Banque Franco-Egyptienne. L'activité de la SGT était triple : L'exploitation du réseau de Paris et des plus importantes villes de province, la fabrication des câbles, la construction et vente des appareils de téléphonie. Au bureau central de l'avenue de l'Opéra rénové par les soins de trois ingénieurs : Berthon, Brown et Lartigue vinrent rapidement s'ajouter cinq centraux téléphoniques placés dans différents quartiers de Paris. Les postes des abonnés sont au début des appareils Edison, Gower, Blake ou Crossley puis des Ader de types mobiles ou muraux. Les premiers abonnés furent bien évidemment les gens aisés, les hommes d'affaires, les milieux de la Bourse, de la finance, d'où la concentration des abonnements dans le quartier de l'opéra mais aussi dans le nord de Paris et la banlieue Nord-Est où sont situés les ateliers et les usines. Parmi les premiers abonnés se trouvent aussi des commerces de luxe, des traiteurs, des loueurs de voiture et leurs clients. Le premier appareil téléphonique de la Présidence de la République fut installé en décembre 1880. Il fut relié par des fils spéciaux aux bureaux de la Présidence de la Chambre des Députés, à ceux de la Présidence du Sénat et aux différents ministères. Dès le début de 1880, une prospection commerciale fut entreprise par la SGT pour constituer des réseaux dans différentes grandes villes de province.Elle mit en service successivement les réseaux de Lyon, le 15 octobre 1880, Marseille, le 15 décembre 1880, Nantes, le 15 janvier 1881, Le Havre, le 15 avril 1881 et Bordeaux le 30 juin 1881. Les premiers postes téléphoniques installés par la Société Générale sont des Gower ou des Edison puis des Crossley et enfin des appareils Ader de types mobiles ou muraux. A Lyon, le réseau progressa rapidement et dès 1881 les abonnés pouvaient prévenir instantanément le bureau central de police en cas de sinistre grâce à la connexion des réseaux des pompiers et de la SGT. La ville compte 441 abonnés en 1881 et 753 en 1888. A Marseille le réseau se développe plus lentement : 25 abonnés en 1880, 61 en 1881 et 276 en 1882. A Nantes, le téléphone eut tout de suite du succès. Dès le mois de mai 1881, le réseau s'étendait sur 20 kilomètres et desservait plus de quarante abonnés. Un appareil fut mis à la disposition du public à l'Hôtel de la Bourse, un autre à la Préfecture. Le nombre d'abonnés croit rapidement : 158 en 1882 puis stagne à 173 en 1888. Au Havre, le réseau téléphonique atteignit rapidement cent abonnés. A Bordeaux, le réseau desservait plus de cinquante abonnés dès la fin de 1881. La Chambre de Commerce permit l'installation d'un bureau spécial à la Bourse d'où chaque personne, sur présentation d'une carte spéciale d'abonnement, pouvait être mis en communication avec les autres abonnés du réseau. En raison du développement rapide du réseau, la SGT ouvrit le service sans interruption, nuit et jour, dès le 15 novembre 1881. C'est au cours de l'année 1881 que la SGT augmenta son champ d'action en rachetant les établissements Rattier, un des plus gros fabricant de câbles et matériel électrique de France. Mais le téléphone faisait peu de progrès auprès du public qui continuait à le considérer comme un simple jouet sans utilité pratique. Il fallut attendre l'exposition universelle de Paris en 1881 pour que la France le découvre enfin. A l’exposition universelle, la plus importante exposition téléphonique fut celle de la SGT. Elle avait établi dans l'intérieur du Palais de l'Industrie un bureau central desservant une trentaine de stations repérées par des numéros et éparpillées dans toutes les parties du Palais. Pour diminuer les bruits ambiants, chaque poste téléphonique était installé dans une sorte de guérite en bois de chêne dont l'intérieur était capitonné sur toutes ses faces (en quelque sorte ce furent les premières cabines téléphoniques publiques). Cette exposition fut une extraordinaire publicité pour la SGT. Mais le succès rencontré par le téléphone dépassa bientôt toutes les espérances car la SGT n'arrivait plus à satisfaire les demandes. Au 31 décembre 1881, 911 souscripteurs attendaient leur ligne, non sans impatience. La société incriminait les lenteurs de l'Administration (qui s'était réservée la construction des lignes) et le manque de câbles que les constructeurs n'arrivent plus à fournir. Malgré tout, la SGT, dotée d'une puissance industrielle confortable, continuait à développer ses réseaux de province. En février 1882, elle mettait en service le réseau de Lille mais voyait aussi apparaître un concurrent inattendu : l'Etat Français. A partir de 1882, l'Administration décida d'établir elle-même des réseaux téléphoniques, comme cela se pratiquait déjà en Allemagne et en Suisse. En juillet 1882, le Ministre des Postes et Télégraphes obtint un crédit de 250 000 Francs destiné à expérimenter l'exploitation de réseaux téléphoniques dans certaines villes de province. La concession accordée à la SGT en 1879 arrivant à terme en 1884, cette expérience avait pour but de fournir de précieux renseignements sur l'un ou l'autre mode d'exploitation. Le régime des réseaux exploités par l'Etat fut également fixé par un arrêté en date du 1er janvier 1883. Pour diminuer la dépense à la charge de l'Etat, l'Administration admit le principe de la contribution de l'abonné en vue de l'établissement de la ligne : l'abonné avance une certaine somme et l'Etat le rembourse en ne lui faisant pas payer ses futures redevances annuelles. L'abonnement est moins élevé que celui de la SGT, il est de 200 Francs pour les réseaux de moins de 200 abonnés et 150 Francs pour les autres mais contrairement à la SGT qui fournit le poste, les abonnés doivent acheter leurs appareils. L'Etat installe le poste et fournit les piles et les accessoires moyennant une redevance supplémentaire de 75 Francs. Pour la même prestation et pour un réseau de plus de 200 abonnés, le coût à la SGT est donc de 400 Francs et 425 Francs pour un réseau d'Etat. Les premiers réseaux mis en service par l'Etat furent ceux de Reims et Roubaix Tourcoing le 1er avril 1883 puis Saint-Quentin le 31 décembre 1883. Le premier réseau Normand fut celui d'Elbeuf mis en service le 25 novembre 1884 avec 46 abonnés. De son côté la Société Générale mettait en service ses derniers réseaux : Calais le 1er juillet 1883, Rouen le 15 juillet 1883, Alger le 26 juillet 1883, et Oran le 10 août 1883. La concession accordée en 1879 à la SGT devait expirer le 8 septembre 1884. Le Ministre des Postes et Télégraphes, trouvant que les résultats de l'exploitation des réseaux gérés par l'Etat étaient trop récents pour en tirer des conclusions définitives, décida de prolonger de cinq ans la concession. Les termes de la nouvelle concession furent consignés dans le cahier des charges du 18 juillet 1884. Ils reproduisaient les principales clauses de celui de 1879. Jugeant certainement la situation précaire, la SGT diminua ses investissements. Elle céda à l'Etat le réseau de Lille et mit en service son dernier réseau à Saint-Etienne le 15 juillet 1884. Par contre les affaires de l'Etat devenaient florissantes et en 1884 furent mis en service les réseaux de Halluin, Troyes, Nancy, Dunkerque Les premières cabines firent leur apparition à Paris et dans quelques villes de province à la fin de 1884. Ces cabines furent initialement installées dans certains bureaux de poste et dans les bureaux centraux de la SGT. Le service fut ouvert le 1er janvier 1885. Peu avant la fin de la période des dix années de concession qui avait été accordée à la Société Générale des Téléphones, l'Etat comprit que l'exploitation des réseaux téléphoniques pouvait être très rentable, surtout en faisant financer les nouveaux réseaux par les futurs abonnés. La SGT était inquiète de cette concurrence. Ses réseaux pouvant être rachetés à tout moment, cela ne l'encourageait pas à investir. La SGT tente alors de régler la situation une fois pour toute. En 1886, elle passe un accord avec le Ministre des Finances. La SGT reprend tous les réseaux de téléphone des villes pour 40 ans, y compris ceux construits par l'Administration, l'Etat exploitera les lignes interurbaines comme celle bâtie en 1884 entre Paris et Marseille. Ce partage des tâches n'est pas une idée nouvelle : c'est ainsi qu'elles seront organisées en Angleterre en 1896. Mais il faut être devin pour savoir que les lignes interurbaines vont bientôt représenter l'avenir du téléphone. Pour l'instant il est assez difficile de téléphoner à Marseille à partir de Paris. L'opinion publique a le sentiment que l'accord passé avec la SGT est scandaleusement favorable à cette dernière. C'est "l'affaire de la Compagnie Fermière". Au premier changement de gouvernement, à la faveur de la nomination d'un nouveau ministre des Finances, l'accord est dénoncé. Cela va même très loin puisque les députés, dans les mois qui suivent, procèdent à la nationalisation des réseaux de la SGT. Il faut dire qu'il y a une certaine convergence d'intérêts qu'en apparence rien ne devrait rapprocher : d'abord les républicains de gauche ainsi que les municipalités des villes qui ont un réseau et ne veulent pas le voir racheté. Puis les ingénieurs de l'administration qui veulent exploiter une technique d'avenir. Enfin les abonnés d'affaires eux-mêmes qui pensent que l'administration sera plus neutre qu'une société privée et garantira une stricte égalité dans l'accès au réseau sans favoriser l'un plutôt que l'autre. Une loi fut donc votée le 16 juillet 1889, elle institua le monopole d'Etat en France pour l'exploitation des téléphones en France. L'Etat reprit donc possession des réseaux exploités par la Société Générale. C'est ainsi que naquit l'Administration française des Postes, Télégraphes et Téléphones. La Société Générale des Téléphones fut, quand à elle, obligée d'orienter l'essentiel de ses activités vers la fabrication de terminaux téléphoniques. Elle est présente à l'exposition universelle de 1889 où elle partage un pavillon avec les phonographes Edison. Au-dessus du pavillon un enchevêtrement de fils ; à l'intérieur, à la vue du public, le central téléphonique qui dessert les pavillons des exposants ; à côté, une exposition de matériel qui rappelle que même si la SGT n'exploite plus les réseaux publics, elle est fournisseur de matériel pour l'administration ; enfin une démonstration de théatrophone qui amène aux oreilles des visiteurs les musiques de l'opéra ou les paroles des pièces de théâtre. A cette époque la concurrence était déjà rude. En effet depuis 1884 les abonnés des réseaux de l'Etat devaient acheter leurs propres terminaux et la Société Générale se trouvait en concurrence avec des constructeurs électriciens qui proposaient des appareils téléphoniques tous plus beaux les uns que les autres. Dès 1879, Clément Ader dépose un certain nombre de brevets d'invention pour améliorer les téléphones. La Société Générale des Téléphones fournit l'installation complète nécessaire à l'abonné. Elle comprend le transmetteur téléphonique, mural ou mobile, la sonnerie, trois piles pour alimenter la sonnerie, trois piles pour alimenter le microphone. Les postes sont en effet alimentés par des piles directement placées chez l'abonné : "les six éléments mis à disposition de l'abonné sont contenus dans deux boîtes fermées que l'on place dans un endroit convenable du local du souscripteur. Une fois par mois, les ouvriers changent la boîte des piles qui servent à alimenter le microphone, l'autre pile ne se change que tous les trois ou quatre mois" (Ternant, 1884). Pour plus de confort, la Société Générale offre aussi l'installation d'accoudoirs : "la Société Générale des Téléphones nous apprend qu'elle fait poser chez ses abonnés, sur demande, des accoudoirs destinés à supprimer la fatigue lorsqu'on doit tenir une longue conversation" (La lumière élecctrique, 1883). Il est facile de dater une installation téléphonique reliée au réseau car les appareils sont toujours marqués, au dos pour les postes muraux ou sur le pied pour les postes mobiles ainsi que sur les écouteurs ou combinés. Les marques sont constituées par des lettres et des chiffres inscrits dans des petits cartouches ovales. Par exemple "LT", "8" et "92". "LT" veut dire "Ligne Téléphonique", 8 représente le mois de fabrication de l'année, ici le mois d'août, et "92" donne l'année de construction, ici 1892.Pour les installations domestiques c'est plus difficile car les appareils ne sont pas marqués comme les postes de réseau. La fabrication des écouteurs et combinés étant continue il est toutefois possible de les repérer en relevant les numéros des postes de réseaux et en les comparant à ceux des postes domestiques. A peine à la tête de tous les réseaux, l'administration se trouve devant un problème sérieux : comment financer les investissements sans que s'en ressentent les caisses de l'Etat ? Elle va reprendre un système déjà en usage pour financer les routes et les ponts que lui a proposé la ville de Limoges en 1888 : si une collectivité locale souhaite un réseau téléphonique, elle fait l'avance des fonds nécessaires à construire le réseau. Ces fonds seront ensuite remboursés à partir des futures recettes. Ce système prendra le nom "d'avances remboursables" Au début l'idée se révèle très bonne : il est certain que seules les villes motivées feront cet effort et que chaque investissement produira des recettes. Effectivement les villes s'équipent une à une avec l'aide de petites banques locales ; à Cholet par exemple, petite ville du Maine et Loire, c'est la Chambre de Commerce qui est moteur dans le projet. Le réseau est inauguré en 1890 avec 16 abonnés, les avances seront totalement remboursées après 3 ans seulement d'exploitation du réseau ! Seulement, ce n'est pas seulement un réseau téléphonique urbain que souhaitent les abonnés, c'est aussi un fil vers Paris ! Et comme ce fil est vite saturé (il existe souvent un seul circuit entrainant de longues minutes d'attente), les premiers abonnés n'ont aucune envie d'en voir arriver de nouveaux. D'où des blocages nombreux dans l'extension des réseaux. A Paris l'administration se lance dans un grand programme de rénovation : 7 centraux téléphoniques, organisés autour d'un central géant "Gutemberg", remplacent bientôt l'ancien central de la S.G.T. Ils desservent alors plus de 18 000 abonnés essentiellement dans les quartiers d'affaires et le Marais. Poutant une grave crise va très vite s'ouvrir. Elle prend des formes multiples : institutionnelle, technique, sociale et financière. Les problèmes touchent d'abord les hommes : l'administration manque d'ingénieurs ainsi que d'une autorité ferme et d'un projet clair. Les hommes du télégraphe ont très mal pris la fusion de 1878 qui les mettait plus ou moins sous l'autorité de la Poste. Les ingénieurs sont partis, le nombre des postes budgétaires a diminué. Dans l'organigramme du ministère, la direction générale des Télégraphes a disparu ainsi que son titulaire. Le grand ministère des Postes et Télégraphes qu'avait longtemps animé Albert Cochery a fait place à un mariage avec le ministère du Commerce et des Colonies ! Ceux-ci auront près de 15 titulaires en moins de 10 ans. Cette faiblesse institutionnelle a des conséquences tehniques directes : en 1900, lors d'un procès de la ville de Paris au sujet des redevances sur l'occupation des sols, on s'aperçoit que l'administration ne possède même pas de plan de ses cables ! En 1910, lors des inondations de Paris, un rapport de Emile Estaunié, directeur de l'Ecole Supérieure de Télégraphie, est sévère sur les capacités techniques des ingénieurs en place et les méthodes budgétaires en vigueur. En 1908, le central Gutemberg brûle, privant le centre de Paris de téléphone pendant six semaines. Cet ensemble de problèmes se double d'une crise sociale. Les syndicats ouvriers, autorisés depuis 1884, se développent. Les ouvriers du téléphone en créent, bientôt suivis par les facteurs. Millerand, ministre radical, en autorise l'existence à partir de 1889. En 1906 et 1909 deux grandes grèves secouent les P.T.T. et mobilisent l'opinion. La crise financière est évidente : le système des avances remboursables, efficace au début, a généré des effets pervers. Chaque collectivité locale veut avoir son réseau, même pour ne raccorder que trois abonnés, souvent le maire, le docteur et le chatelain. D'où la multiplicité de petits réseaux sans plan d'ensemble. Dès qu'une communication doit traverser trois réseaux, elle perd beaucoup de sa qualité et... de ses chances d'aboutir. Par ailleurs, personne n'est vraiment responsable des lignes interurbaines. Enfin une nouvelle décision financière va définitivement et pour longtemps bloquer le développement des réseaux : les recettes d'un réseau ne sont plus systématiquement affectées au remboursement ou au développement du réseau en question : elles vont remplir les caisses de l'Etat. Les hommes politiques sont conscients du problème. A partir de 1914 les rapports se multiplient : le sénateur Steeg dépose une proposition de loi sur la modernisation des P.T.T. La même année, Charles Dumont, rapporteur du budget des P.T.T demande la séparation du budget général, la tenue des comptes d'exploitation sur le modèle industriel, la préparation de plans d'équipement. Tout le monde est conscient qu'il faut à nouveau consacrer des fonds à la modernisation du téléphone mais nous sommes à la veille de la première guerre mondiale et il faudra attendre la victoire pour se remettre à l'ouvrage.

TEMPS MODERNES (Les) : Ce journal fait suite au "Révolté" et à la "Révolte". Le N°1 paraît le 4 mai 1895. Il s'arrêtera le 8 août 1914. La collection complète comprend 982 numéros dont deux doubles, un numéro spécial en décembre 1909 (l'écho de Montjuich) sur l'affaire Ferrer et un numéro sur l'affaire Rousset (février 1912). C'est un hebdo grand format (36.7x25.5) paraissant le samedi comme hebdomadaire puis comme bi-mensuel. De 1895 à 1904, il a 4 pages et 4 pages de supplément littéraire, puis 8 pages + 4. Prix 10 centimes jusqu'en 1906 puis 15 centimes et retour à 10 centimes à partir d'octobre 1907. Tirage : 18000 au début puis 7000 exemplaires, distribués à Paris et en province. 1100 abonnés et environ 4000 lecteurs par numéro Caractéristique : difficultés financières pendant vingt années, comme la plus part des journaux libertaires refusant toute publicité. Les souscriptions, les ventes de lithographies, de tableaux "donnés" par des camarades artistes anarchistes (Signac, Pissarro, Luce), les tombolas serviront à combler le déficit. On y trouve des rubriques régulières comme le musée des âneries ; la boite aux ordures ; une rubrique mouvement ouvrier animée par Paul Delesalle puis Amédée Dunois, Pierre Monate ou le Dr Pierrot. Les articles sont signés : Pierre Kropotkine, Bernard Lazare, Octave Mirbeau, Elie et Elisée Reclus, Malatesta, Jean Grave,… Les Temps Nouveaux c'est aussi 72 brochures éditées à plusieurs milliers d'exemplaires. Des cartes postales (des dessins, des portraits, des lithos issues du journal). L'administrateur et animateur est Jean Grave, puis à partir de 1897, Paul Delesalle et Amédée Dunois le secondent. Autres journaux libertaires " concurrents " : Le libertaire ; la Feuille ; la Guerre sociale ; le journal du Peuple (quotidien pendant l'affaire Dreyffus) et le Père Peinard. Les temps nouveaux et les "artistes" Tôt ou tard on trouvera donc les artistes véritables aux côtés des révoltés, unis avec eux dans une identique idée de justice ! Paul Signac.Je viens de lire le livre de Kropotkine. Il faut avouer que si c'est utopique, dans ce cas c'est un beau rêve et comme nous avons souvent l'exemple d'utopies de venues réalités, rien ne vous empêche de croire que ce sera possible un jour, à moins que l'homme ne sombre et ne retourne à la barbarie complète. A propos d'art, il y aurait bien des choses à reprendre. Ainsi Kropotkine croit qu'il faut vivre en paysan pour bien le comprendre, il semble qu'il faut être emballé par son sujet pour bien le rendre, mais est-il nécessaire d'être paysan ? Soyons d'abord artiste et nous aurons la faculté de tout sentir même un paysage sans être paysan. Camille Pissarro avril 1892Justice en sociologie, harmonie en art ; même chose,… Le peintre anarchiste n'est pas celui qui représentera des tableaux anarchistes, amis celui qui, sans souci de lucre, sans désire de récompenses, luttera de toute son individualité contre les conventions bourgeoises et officielles par un apport personnel… Le sujet n'est rien ou du moins n'est que des parties de l'œuvre d'art, pas plus important que les autres éléments, couleurs, dessin, composition… Quand l'œil sera éduqué, le peuple verra autre chose que le sujet dans les tableaux. Quand la société que nous rêvons existera, quand débarrassé des exploiteurs qui l'abrutissent, le travailleur aura le temps de penser et de s'instruire, il appréciera toutes les diverses qualités de l'œuvre d'art Paul Signac 1902 TESSIER (Gaston), 1887-1960 : Né en 1887 à Paris, Gaston Tessier est issu d’une famille d’ouvriers catholiques. Aprs des études dans une une école primaire et un collège commercial religieux, devient employé de bureau. En 1905, il adhère au Syndicat catholique des employés du commerce et de l’industrie, fondé en 1887, dont il devient en 1908 le secrétaire général adjoint, accédant au secrétariat général en 1914. Influencé par les écrits d’Albert de Mun et de La Tour du Pin et par l’exemple de Léon Harmel, il s’inscrit dans la ligne du christianisme social et des origines de la démocratie-chrétienne, sans toutefois aller jusqu’à la position de Marc Sangnier et de son Sillon, qu’il critique.Dès le Première Guerre mondiale, il se consacre à l’organisation d’un syndicalisme chrétien dont le creuset est le syndicat des employés et, lorsqu’à partir des bases qu’il a posées, la Confédération françaises des travailleurs chrétiens (CFTC) est fondée en 1919, Gaston Tessier devient son premier secrétaire général. Il va dès lors être le principal artisan de l’évolution de cette organisation, prenant des distances avec le paternalisme qui caractérisait la doctrine sociale de l’Eglise, faisant participer la CFTC à la revandication sociale et à des grèves, parfois conduites par les syndicalmistes de la CGT, et affirmant l’indépendance de la CFTC à l’égard de l’Eglise (tout en maintenant une indépendance doctrinale, la CFTC étant dotée d’un Conseil théologique). Rejettant à la fois le libéralisme économique et la lutte des classes, Gaston Tessier se réclame d’un réformisme conforme à la doctrine sociale de l’Eglise qui le conduit à se faire le propagandiste des Assurances sociales, puis, avec la crise des années 1930, des nationalisations et d’un planisme qui éviterait les misères nées de la dépression par l’organisation de l’économie. Les grèves de 1936 l’inuièteront du fait de leur caractère politique et il maintiendra la CFTC à l’écart du mouvement, ce qui lui vaudra d’être ignorée lors de la négociation des accords Matignon. La dissolution de la CFTC en 1940 et l’orientation sociale du régime de Vichy poussent Tessier dans l’opposition. Il consacre les dernières années de sa vie à la présidence de la Confédérationinternationale des Syndicats Chrétiens à laquelle il a été porté en 1948. LAUNAY (M.) : Le Syndicalisme chrétien en France, de 1885 à nos jours, Paris, Desclée, 1984.

LEFRANC (G.) : Le mouvement syndicale sous la Troisième République, Paris, Payot, 1967. LAUNAY (M.) : La CFTC, origine et développement, Paris, Publications de la Sorbonne, 1987.

THÉÂTRE : Depuis longtemps, la représentation théâtrale est une activité culturelle fondamentale, mêlant la diffusion des idées des idées, qui est le propre de la vie intellectuelle, et le spectacle, qui constitues tout à la fois un moyen de diffusion d’accès plus aisé que le livre et une distraction pour le plublic Au début de la IIIè République, avec la diffusion de l’instruction et l’élévation du niveau de vie de la polpulation, le théâtre va devenir jusqu’à l’apparition du cinéma, le spectacle culturel le plus populaire, donnant lieu à une réflexion des metteurs en scène sur sa signification et sur le nécessaire renouvellement de ses formes. La IIIe République hérite en effet d’une tradition théâtrale ancienne associant un théâtre académique et traditionnel dont la Comédie Française demeure le lieu d’élection , un théâtre littéraire dont les grands écrivains comme Victor Hugo sont les illustrations, et un théâtre populaire, celui du mélodrame représenté au « boulevard du crime » qui apparaît d’ailleurs dépassé dès les débuts de la IIIe République lorsque l’acteur Frédéric Lamaître joue de manière parodique son personnage de L’Auberge des Adrets. Si le théâtre académique poursuit sa route immuable, si le mélodrame cède le pas au théâtre de boulevard où des auteurs de qualité variable mettent au jeu de manière classique des situations humaines et des drames psychologiues, le véritable renouvellement va venir des metteurs en scène dont les ambitions s’élèvent bien au-delà de la simple conception du théâtre comme lieu de distraction ou centre de mondanités. Ce renouvellement débute en 1887 avec la création par le français André Antoine du Théâtre Libre, qu’il définit comme un laboratoire de recherches théâtrales. Dénonçant les préocuppations exclusivement commerciales des directeurs de théâtre ou les pressions exercées par le pouvoir sur les établissements subventionnés en terme de choix de répertoire et d’engagement des acteurs, il met également en cause le respect aveugle du confirme, l’accaparement des grands rôles par une poignée d’acteurs, le système du vedettariat qui conduit à négliger l’unité et l’harmonie d’une pièce pour favoriser les acteurs connus, etc. Antoine va tout d’abord s’efforcer de mettre son théâtre à l’abri des pressions qu’il dénonce en tentant de sustituer l’association coopérative de la troupe aux financements exterieurs.

THERESA (Emma Valladon, dite), 1837-1913 : Chanteuse. Née le 25 avril 1837 à La Bazoche-Gouët, Eure-et-Loir, décédée en 1913 et inhumée au cimetière du Père-Lachaise à Paris.Emma Valladon est considée comme l'artiste qui a fait naître le show business en France. Née à la campagne, fille d'un tailleur itinérant, elle s'intalle à Paris comme apprentie modiste à 12 ans. A 19 ans, elle commence à se produire dans plusieurs café-concerts parisiens. Elle se fait connaître vers 1863 lorsqu'elle prend le nom de Thérésa. Elle devient alors une égérie parisienne. Elle se produit surtout au cabaret L'Alcazar. Elle chante notamment à la cour de Napoléon III et dans les cours européennes. Elle participe également à des opérettes d'Offenbach ou se produit pour Gounod. La presse de l'époque et notamment Jules Barbey d'Aurevilly fond l'éloge de son talent. Elle est souvent comparée à Sarah Bernhardt qui se fit connaître à la même époque. Elle fut l'une des premières artistes à générer une agitation médiatique autour d'elle. En plus de ses chansons très connues, elle se produisit au théâtre. Elle fut également précurseur pour le développement de produits dérivés. C'est avec Thérésa que se developpèrent les premiers cachets mirifiques et les rivalités entre producteurs. Elle fut aussi l'objet des premiers scandales dans la presse. En raison de ses origines modestes, Emma Valladon était surnommée La muse de la voyoucratie ou bien La diva du ruisseau.Son nom est également parfois écrit Emma Valendon ou Valadon.

THIBAUDET (Albert), 1874-1936 : Né en 1874 à Tournus, petite ville à laquelle il sera fidèle toute sa vie. Le critique de la Nouvelle Revue française avait une formation variée et une vaste culture : agrégé d’histoire et de géographie, ayant le goût des idées, marqué par le bergsonisme, il consacra la plus grande part de son activité d’écrivain à la critique littéraire. Il réunit une partie de ses articles dans des ouvrages qui portent la marque de sa personnalité : Réflexions sur le roman, Réflexions sur la critique… De 1925 à sa mort, en 1936, il enseigna la littérature à l’Université de Genève. Il nous reste d cet enseignement une Histoire de la littérature française de conception et de facture originales : à partir de la notion de génération, elle s’attache à restituer la succession de ces générations définies par les expériences politiques qu’elles ont vécues. Thibaudet est en effet conscient des interactions entre création littéraire et actualité politique, entre la vie des idées et le mouvement de l’histoire : il a été l’un des premiers à s’intéresser aux rapports entre littérature et politique et à prêter une attention particulière aux écrivains engagé dans le tumulte du siècle comme à ceux qui enrichissaient la politique : Barrès*, Maurras*, auxquels il consacra des écrits perspicace et substantiels. Il a publié, en marge de son activité de critique littéraire, quelques essais sur la politique inspirés par l’actualité et qui ont fait date dans l’histoire de l’explication de notre vie politique. Ils révèlent un observateur sagace, un connaisseur aussi averti et subtil pour comprendre les comportements et déchiffrer les mécanismes politiques que pour analyser le style des écrivains. Lui-même déclare pratiquer à propos de la politique la même sorte de critique que pour la littérature : une démarche inspirée par la sympathie, qui cherche à entrer dans l’intelligence des mentalités, éclairée par un libéralisme actif ; Thibaudet parle des tempéraments politiques comme des familles d’écrivains. Même si ses inclinations personnelles le portaient sans doute, à l’instar de sa petite patrie, vers la gauche plus que vers la droite et davantage vers les opinions modérées que vers les extrêmes, il sait parler avec objectivité et une compréhension profonde du socialisme ou du doctrinaire de l’Action française. Il dialogue avec ses contemporains qui traitent aussi de politique : Alain et ses Eléments de doctrine radicale, Julien Benda de La Trahison des clercs, Augustin Cochin qu’il a tiré de l’oubli avant que François Furet* ne le découvre plus tard. Daniel Halévy, ou Le Tableau des partis d’André Siegfried. Cette conversation par écrit est un des charmes de ses essais qui se caractérisent autant pas la manière que par le contenu. Thibaudet parle de politique comme de gastronome des mets ou comme l’amateur de vins qu’il est des crus. Thibaudet goûte la politique et trouve des mots appropriés pour en évoquer les saveurs : ses descriptions parlent aux sens. Le géographe recourt à des comparaisons avec des phénomènes de sa discipline : réseaux hydrographiques et captures de rivières, progression des glaciers ou systèmes des failles. Ces rapprochements ne sont pas seulement des images destinées à illustrer sa pensée : se sont aussi des modes d’approche qui procèdent d’un raisonnement par analogie. Ses analyses restent fort actuelles par l’importance accordée à tout ce que la politique comporte de symbolique : les évènements qui se chargent dans la mémoire collective d’une signification qui leur survit, les anniversaires et les commémorations. Il fait cas aussi de certains mots, de traits, d’anecdotes devenues grâce à lui légendaires et qui font désormais partie du répertoire classique de la vie politique française. Deux essais, publiés à quelques années d’intervalle, ont fondé sa réputation de politiste et constituent l’essentiel de son rapport à l’explication de la politique française. Le premier en 1927, La République des professeurs, lui a été inspiré par la victoire en mai 1924 du Cartel des gauches. Observant que les chefs des trois formations associés, Edouard Herriot, leader du parti radical, Léon Blum, la plus prestigieuse personnalité de la SFIO, et Paul Painlevé, leader des républicains socialistes, ont en commun d’avoir été tous élèves de l’Ecole normale supérieure, Thibaudet voit dans la victoire de la gauche la revanche de la rue d’Ulm sur la rue Saint-Guillaume et introduit cette notion d’une République des professeurs promise à une fortune durable. L’évènement éveille chez lui des références historiques et Thibaudet évoque la trinité des universitaires qui gouvernèrent sous la monarchie de Juillet. Empruntant à Barrès et aux déracinés la distinction entre les héritiers et les boursiers, il l’applique au personnel politique et développe le thème de l’opposition entre ceux qui tiennent de famille une place éminente dans la société et ceux qui ne doivent qu’à leur mérite personnel d’accéder aux responsabilités. Le livre contient aussi toutes sortes d’observations pénétrantes sur les structures de la vie politique, le rôle de la presse, l’influence des sociétés de pensée, la permanence de l’anticléricalisme, la signification de la référence à la laïcité. La République des professeurs avait son point de départ dans un évènement circonstanciel. Les Idées politiques, publié en 1932, procède d’un dessein plus ambitieux : dresser un inventaire des grandes tendances qui se partagent l’adhésion des citoyens. Le livre s’ouvre sur une déclaration de principe qui sonne comme un défi et une profession de foi : la politique, ce sont des idées. Récusation délibérée de toute explication qui réduirait la politique à des intérêts ou à des rapports de forces entre groupes rivaux. Les idées ne se confrontent pas avec les formations ou les groupes parlementaires : elles sont la réalité véritable. Ces idées ont une vie propre qui les fait survivre aux circonstances : se sont autant de traditions dont les origines sont, en 1930, généralement centenaires, presque toutes datant de la monarchie de Juillet. Thibaudet en dénombre six : de droite à gauche, le traditionalisme, qui n’est autre que la descendance de la droite extrême qui avait refusé la Révolution ; le libéralisme, qui a connu son heure de gloire avec le régime de Juillet mais dont la postérité n’est pas éteinte ; l’industrialisme, apparu avec Saint-Simon et dont Thibaudet pense reconnaître les héritiers dans les milieux d’affaire du centre droit ; le christianisme social, dont l’auteur pressent l’avenir de 1932 ; le jacobinisme, qui s’identifie partiellement avec le radicalisme ; le socialisme enfin, qui se définit alors en partie par l’attachement à la paix. Il refuse au communisme un siège dans ce parlement idéologique : il est vrai qu’en 1932 le parti communiste était au plus bas de son histoire : ce n’était guère qu’une secte dévorée par l’intransigeance. Si le tableau a vieilli sur quelques points, si l’inventaire appelle des mises à jour et des compléments que Thibaudet, avec son attention aiguë à l’actualité, n’aurait pas manqué d’apporter lui-même, il garde pour l’essentiel toute sa force et la thèse demeure des plus actuelles. Elle a suscité toute une série de travaux sur les idées politiques : plus d’un historien se sait redevable de l’avoir convaincu de leur importance et de l’avoir prémuni contre les explications matérialistes de la vie politique. Il a mis en évidence la capacité de durer des pensées politiques et a, de ce fait, contribué à fonder une histoire des idées politiques. On trouve aussi dans ce court essai, riche de réflexion et d’expérience, toutes sortes d’observations sur des caractéristiques de la politique française ; ainsi la distinction, dont la suite montrera la justesse en apportant des illustrations, entre les deux faces du radicalisme, le radicalisme de comité et le radicalisme proconsulaire ; ou encore les remarques sur le sinistrisme de la vie politique, ce mouvement qui entraîne tout le système toujours plus à gauche du fait de l’émergence à l’extrême gauche de formations nouvelles qui rejettent leurs aînées plus à droite. Par ses écrits, par ses institutions et ses observations, par sa manière très personnelle, Albert Thibaudet a eu tous ceux qui se sont intéressés depuis à la vie politique française une influence décisive.

COMPAGNON (A.) : Albert Thibaudet. Réflexion sur la politique. Paris, Robert Laffont, 2007.THIBAUDET (Albert) : les Princes lorrains, Paris, Grasset, « Les Cahiers verts », 1924 THIBAUDET (Albert) : La République des professeurs, Paris, Grasset, 1927. THIBAUDET (Albert) : Les idées politiques, Paris, Stock, 1932.

THIERS (Adolphe), 1797-1877 : Premier président de la IIIe République, Adolphe Thiers est né à Marseille d’une mère grecque et d’un père docker. Après des études de droit à Aix, il devient avocat puis journaliste libéral à Paris. Il devient rapidement un des hommes en vue de l’opposition au régime monarchique et un défenseur de la théorie d’une monarchie strictement parlementaire. Elu député d’Aix en 1830, il devient sous-secrétaire d’Etat aux finances de Louis-Philippe la même année, puis Ministre de l’intérieur en 1832, Président du Conseil en 1836. Démis peu après, cet historien reprend son Histoire du Consulat et de l’Empire. Mais ce politique né, reprend du service en 1840 comme Président du Conseil et rechute peu de temps après sur la question d’Orient. Réélu député en 1848, il soutient la candidature à la présidence de Louis-Napoléon Bonaparte avant de rompre avec lui fin 1849, lançant un avertissement contre la dérive impériale du régime. Exilé en Suisse après le coup d’Etat de 1851, il est autorisé à rentrer en 1852 et se fait le défenseur des libertés. En juillet 1870, il s’oppose énergiquement au vote des crédits militaires malgré l’excitation chauvine qui gagne le pays à la veille de la guerre. Le gouvernement de la Défense nationale le charge, après le 4 septembre, d’aller plaider la cause de la France dans les grandes capitales européennes, puis d’entamer des négociations de paix, puis d’entamer les négociations de paix avec Bismarck. Désigné à l’Assemblée nationale par 26 départements, il est élu à Bordeaux le 17 février 1871 « Chef du pouvoir exécutif de la République française ». Il commet la maladresse de retirer de Paris les pièces d’artillerie installées à Belleville et à Montmartre, ce qui déclenche l’insurrection de la Commune et, en mai 1871, il dirige la répression contre les Communards qu’il écrase par les armes, apparaîssant de ce fait comme le sauveur de la bourgeoisie. Le programme de Thiers, défini par le « pacte de Bordeaux », est de s’occuper en premier lieu de la réorganisation du pays, réservant pour plus tard la question du régime et des institutions à adopter. De fait, après la Commune, Thiers s’attache à l’ouvre de reconstruction qu’il s’est angagé à accomplir. Il exerce alors un pouvoir quasi-dictatotial. Sa puissance repose sur une position équivoque, les monarchistes attendent de lui qu’il favorise la restauration alors que les républicains le ménagent en pensant qu’il maintiendra la République. Cepouvoir, Thiers l’utilise pour réaliser le redressement promis. En premier lieu, il s’attaque à la libértation du territoire et, grâce à deux emprunts, il réussit en mars 1873 à obtenir des Allemands la signature d’une convention prévoyant l’évacuation totale de la France. Thiers s’attaque aussi à la réorganisation des finances. Fondées sur un accroissement des impôts indirestc, et à celle de l’armée qui rétablit le service militaire obligatoire de cinq ans, mais avec de nombreuses exemptions. Retse la question du régime. Jusqu’en 1872, Thiers a laissé planer un doute et il s’est employé à rassurer tout le monde. Mais il penche de plus en plus vers une République et il y est poussé par un certain nombre d’évènements. Tout d’abord la volonté du comte de chambord de n’accepter aucune condition à sa restauration, mais de poser les siennes, au premier chef l’adoption du drapeau blanc, ce qui rend la restauration impossible de son vivant. Evoquant la rivalité qui oppose à Chambord le Comte de Paris et le prétendant bonapartiste, Thiers livre à ce point de vue sa pensée : « Il n’y a qu’un trône et on ne peut l’occuper à trois ». Thiers constate ensuite les progrès réalisés par les républicains lors des élections partielles et l’effritement de la majorité monarchiste à l’Assemblée nationale. Il y note que les républicains ont la sagesse d’éviter de poser les questions sociales. De sorte qu’il en finit par en conclure que « la République est le gouvernement qui nous divise le moins ». Enfin, il faut considérer que Thiers a installé au pouvoir et qu’il lui paraît plus aisé de le garder avec ce régime qu’avec un roi qui, comme jadis Louis-Philippe, risque de limiter, risque de limiter sa marge de manœuvre. Toutes ces raisons font qu’en novembre 1872, Thiers jette enfin le masque et se prononce franchement pour la République : « La²république existe, elle est le gouvernement légal du Pays… », mais il doit s’agir d’un régime accepté par la bourgeoisie, donc conservateur et nulle société ne pourrait vivre dans un gouvernement qui ne le serait point. La République sera conservatrice ou elle ne le sera point ». Les royalistes qui considèrent que Thiers a rompu le pacte de Bordeaux sont décidés à se débarrasser de lui. Le 24 mai 1873, la majorité de l’Assemblée vote un ordre du jour de défiance contre le gouvernement et Thiers démissionne. Il devient alors chef du parti républicain qu’il conduit à la lutte contre le régime de l’Ordre moral, particulièrement après le 16 mai 1877. Il meurt le 3 septembre 1877, un mois avant les élections qui marquent la consolidation du régime républicain qu’il avait contribué à fonder. Celui qui, comme député, avait été salué par Gambetta du titre de libérateur du territoire » et dont l’Assemblée a déclarié le 17 mars 1873 qu’il avait « bien mérité de la Patrie », reçoit à ses funérailles l’hommage d’une foule considérable.

GIRARD (L.) : Thiers, Paris, Fayard, 1986.

THISSE (Paul), 1896-1991 : Né à Metz le 21 juillet 1896, Paul Thisse fait ses études primaires dans une école de filles catholiques, puis secondaires au Gymnasium (lycée) dont il sort en 1915, à 19 ans, âge obligatoire pour obtenir la bachot dans le système allemand. Pendant cette dermière année de lycée, son professeur d’histoire, proche des idées de Romain Rolland, fait l’éloge funèbre de Péguy qui deviendra un maître pour Paul Thisse tout au long de sa vie. En 1915-1916, il fait des études de mathématiques à Francfort. A la fin de la guerre, il contracte la grippe espagnole et doit se rendre à Vence dans une maison de santé où un couple de jeunes russes l’introduisent dans la « division socialiste ». De retour à Strasbourg, il poursuit ses études et adhère à la SFIO. A partir de 1922, période d’angoisse, il sent que, pour lui, le politique n’est pas suffisant, il est à la recherche d’autre chose. Il découvre le théâtre de Copeau, entreprend la lecture de deuc auteurs qui ne le quitteront plus : Nietzsche et Péguy. Copeau dira « personne ne lit mieux Péguy que moi, mais personne n’en parle aussi bien que lui ». En 1925, il fait u premier séjour chez les dominicains, entre dans la mouvance des étudiants catholiques, envisage le sacerdoce, mais finalement prépare l’agrégation de mathématiques qu’il obtient en 1926. Il est nommé professeur au lycée Berthollet à Annecy où se déroulera toute sa carrière. A cette époque, il rencontre Simone Thesmar qui fait des études de philosophie. D’origine protestante, elle s’est convertie au catholicisme et envisage également d’être religieuse. Ils se marient à Strasbourg le 30 avril 1928. C’est aussi le temps du début de son amitié avec Copeau dont le retour vers la religion est parallèle au sien. Il le fait venir régulièrement à Annecy pour des lectures. Les années 1930 sont marquées par son engagement dans le syndicalisme chrétien et dans le scoutisme (il est le chef de secteur d’Annecy). A côté du scoutisme, il organise chez lui des réunions entre chrétiens pour entretenir « une vie intérieure ». Pendant les vingt dernières années de sa vie, Paul Thiss est devenu le « Vieux Thisse » et continue à être la « conscience historique » de l’équipe d’Annecy. Il décèdé à Annecy le 28 mars 1991.

COMTE (B.) : Une utopie combattante, paris, Fayard, 1991. KESSLER (E.) : Le Vieux Thisse, Annecy, Imprimerie Bonlieu, 1994.

THOMAS (Albert), 1878-1932 : Né à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), le 16 juin 1878, Albert Thomas est fils d’un boulanger. Normalien, il est reçu, en 1902, premier à l’agrégation d’histoire. Professeur d’histoire, il enseigne pendant daux ans. Attiré par la politique et les questions sociales, il publie des ouvrages et collabore à des publications socialistes, à L’Humanité de Jean Jaurès à partir d 1904, à l’Information de 1905 à 1910. En 1905, il fonde la Revue syndicaliste qu’il fusionne, en 1909, avec la Revue socialiste dont il devient rédacteur en chef. Depuis 1905, il est membre du parti socialiste SFIO. En 1910, il est élu député de la Seine et réélu en 1914. Orateur de talent, il intervient pour défendre ses idées sociales : diminution de la durée du travail, création de pensions de retraite, etc. Quand la guerre éclate, Viviani lui confie le sous-secrétariat d’Etat à l’artillerie et à l’équipement militaire. Il garde ces fonctions dans le gouvernement Briand, puis devient ministre de l’Armement jusqu’en 1917, date à laquelle la SFIO décide de ne plus participer à aucun gouvernement. Durant la guerre, il s’emploie à rassembler toutes les énergies et toutes les ressources du pays pour assurer la victoire. En 1916, sous l’impulsion du conseil national des femmes françaises, il crée une structure d’urgence : le Comité du travail féminin, auquel collabore Julie Siegfried. Mais surtout, il découvre, par l’expérience des relations sociales durant le conflit, que l’amélioration du sort du prolétariat peut se faire sans révolution, par négociations et par le biais de la loi. Il devient ainsi l’un des théoriciens et des chefs de file du socialisme réformiste. Délégué aux conférences interalliées d Paris et de Londres, il est envoyé en Russie dès le début de la révolution comme ambassadeur extraordinaire. En 1918, il siège à la conférence de paix à Paris pour l’élaboration des clauses du traité de Versailles relatives à l’organisation du travail. La partie XIII du traité est directement inspirée de ses idées.Elle pose les principes suivants : limitation légale de la durée de travail à huit heures pour la journée avec un repos hebdomadaire de 24 heures, suppression du travail des enfants, organisation d’une Inspection du Travail. L’un des articles de la section XIII prévoit la création d’un Bureau International du Travail (BIT) à Genève dont il est élu président. En 1920, la SDN ratifie ce choix et Thomas, qui avait été élu député du Tarn en 1919, se démet de ce mandat pour exercer cette fonction jusqu’en 1932. Il y consacre toute son énergie et le BIT devient le plus important centre d’études et de documentation sociale du monde. Partisan dès 1928 de la prolongation scolaire jusqu’à 14 ans, il est le premier en France à avoir abordé les problèmes des loisirs en tant que plénitude de l’être. Une des dernières tâches d’Albert Thomas sera l’abolition du travail forcé dans les colonies. Il décède à Paris, le 7 mai 1932.

LEFRANC (G.) : Le mouvement socialiste sous la Troisième République, Paris, Payot, 1963. SHAPER (B.W.) : Albert Thomas, trente ans de réformisme social (1894-1932), Paris, PUF, 1963. SIRINELLI (J-F) : Génération intellectuelle, Paris, Fayard, 1988.

THOREZ (Maurice), 1900-1964 : Né le 28 avril 1900 à Noyelles-Godault (Pas-de-Calais), Thorez était l’enfant naturel d’un épicier et d’une ouvrière qui épousa, en 1903, un mineur nommé Thorez. Le jeune Maurice est tôt partagé entre une famille (et belle-famille) unie, une mère catholique pratiquante et la double tentation laïque – son instituteur le protège et le pousse aussi – et ouvrière – son grand-père est un vieux militant guesdiste. Titulaire d’un certificat d’études en 1912, Maurice Thorez, faute de ressources familiales, ne peut poursuivre ses études et s’embauche à la mine comme trieur de pierres, puis aide-commissionnaire dans les bureaux de la compagnie. La guerre bouleverse la vie de l’adolescent. Dès le 30 septembre 1914, il doit fuir devant l’avancée allemande, en compagnie de son grand-père. Evacués dans la Creuse, l’un et l’autre s’installent à Clugnat où Maurice Thorez devient valet de ferme, tout en poursuivant de nombreuses lectures. En mars 1917, les deux hommes remontent à Amiens, travaillent dans une scierie et une péniche. Ce n’est qu’à l’hiver 1918-1919 que le jeune homme retrouve sa famille et son village minier où, d’abord manœuvre, il s’embauche comme mineur d’avril 1919 à mars 1920. Il a déjà adhéré à la CGT et à la SFIO, mais rejoint bientôt le comité pour l’adhésion à la IIIè Internationale. Après ses deux ans de service militaire, il consacre l’essentiel de son temps à militer aux Jeunesses communistes et au syndicat des mineurs CGTU. Bientôt, il épouse la nièce du secrétaire de la Fédération communiste du Pas-de-Calais. En octobre 1922, il participe au Congrès communiste de Paris où il appartient à la « gauche » animée par Boris Souvarine et soutenue par l’Internationale. En août 1923, il remplace son oncle par alliance et fait désormais parie des dirigeants qui comptent, d’autant que son sérieux, son sens de l’organisation, son dévouement à la cause, son intelligence politique sont remarqués de tous. Cependant, en 1924, il se solidarise avec Souvarine et refuse de se soumettre à la ligne gauchiste imposée par Zinoviev, d’impliquer le PCF dans la querelle des chefs qui vient d’éclater en URSS après la disparition de Lénine. L’envoyé de l’Internationale, Gouralski, vient en personne convaincre le comité fédéral du Pas-de-Calais de ne pas suivre son secrétaire contestataire : Thorez se retrouve complètement minoritaire. Forte leçon que le « permanent » qu’il est déjà, n’oubliera jamais : le pouvoir est à Moscou, la discipline communiste ne se partage pas, l’Internationale a les moyens de réduire les récalcitrants et reconnaître ses erreurs peut assurer une promotion. En effet, rallié par Gouralski à la majorité, Thorez – qui a donné des gages en votant contre « la déviation de droite » - est promu secrétaire adjoint permanent de toute la région Nord et, délégué au Congrès communiste de Clichy en janvier 1925, est élu membre du comité central, responsable de la commission d’organisation et envoyé en mars 1925 à Moscou où il rencontre Staline. Dès juillet, il est coopté au bureau politique et chargé de la lutte contre la guerre du Maroc – qui lui attire condamnations et arrestations pour « provocation de militaires à la désobéissance ». Il participe au VIè Plénum de l’Internationale en février 1926 à Moscou où il retourne en mars-avril 1927. Ayant échappé à une tentative d’arrestation le 30 juillet 1927, il passe dans la clandestinité et partage son temps entre Paris, Bruxelles et Moscou où, en septembre-octobre 1927, il s’oppose à la ligne « classe contre classe », ultra-sectaire et gauchiste, avant de s’y soumettre et de s’en faire le principal promoteur auprès du PCF. Cette nouvelle ligne politique est si contraire aux traditions du mouvement ouvrier que s’ouvre alors, à la direction du PCF, une période d’intenses conflits internes, tant idéologiques, que politiques et personnels. Thorez, Semard, Vassart, Ferrat, Barbé, Doriot, Celor, Gitton, Marty, Cachin, Renaud Jean – pour les principaux – se disputent la prééminence auprès de l’Internationale et à la tête du parti. En récompense de ses efforts, Thorez est invité, en juillet-août 1928, au VIe Congrès de l’Internationale dont il est nommé membre du comité exécutif. Bien malgré lui, il est tenu à l’écart de ces querelles pendant un an ; en effet, le 9 juin 1929, lors d’une réunion clandestine du comité central, la police investit les lieux et se saisit du secrétaire d e l’organisation, caché dans un placard. Libéré le 30 juin 1930, Thorez est dès le mois de juin à Moscou où ont lieu de longues discussions sur le PCF. Absent pendant un ana, il en sort critiqué et se voit confier les fonctions de secrétaire général, même s’il n’en porte pas le titre. Mais la tâche est insurmontable : comment peut-il développer un parti réduit à l’état de secte quand la ligne politique – à laquelle il adhère totalement – est ultra sectaire ? Découragé, et en dépit de sa nomination au présidium du comité exécutif en avril 1931, Thorez va, dans une lettre du 27 juillet 1931, jusqu’à remettre sa démission de secrétaire général de l’International. C’est le moment que choisit l’Internationale pour frapper un grand coup, organiser un vaste psychodrame et staliniser définitivement le PCF. Le 1er août 1931, l’Internationale envoie au PCF une lettre dénonçant les « groupes » au sein du parti. Quelques jours plus tard, Dimitri Manouilski, l’œil de Staline au Komintern, arrive en personne, et clandestinement, à Paris pour imposer et arbitrer. Il intronise une direction appelée à un avenir historique : Thorez, Duclos, Frachon. Surtout, il confirme l’omnipotence sur place du représentant permanent de l’Internationale, Eugène Fried, Juif slovaque qui va devenir le mentor du secrétaire général du parti. Fried supervise Thorez quotidiennement, l’informe au plus près des désirs de Moscou, tant en mettant en place le nouveau « services des cadres » qui, pour le compte de Staline, va bientôt contrôler tout l’appareil, secret mais décisif, du PCF – transmission des ordres, sélection des cadres, financement occultes, etc. Les élections législatives de mars 1932 sont un désastre pour le PCF qui atteint son étiage historique – 6, 8% des inscrits et 12 députés. Mais Thorez parvient à se faire élire dans la circonscription de la Seine où Ivry deviendra son fief et où il sera élu sans discontinuer jusqu’à sa mort. Si ce succès personnel renforce son autorité au sein du parti, il ne le protège pas des violentes critiques qui lui sont adressées, à Moscou en septembre 1932 par Doriot qui, grâce à ses succès à Saint Denis, devient l’étoile montante ; mais, conseillé par Fried, Thorez refait patiemment dans les couloirs du Komintern le terrain perdu à Paris. L’arrivée d’Hitler au pouvoir perturbe encore plus la conduite du PCF, déchiré entre la ligue²sectaire – dont Thorez est le tenant et qui traite les autres forces de gauche de « social-fascistes » -, et le besoin urgent de défendre la démocratie et la république « bourgeoise ». A nouveau à Moscou pour le XIIIe Plénum de l’Internationale, en novembre-décembre 1933, Thorez est violemment critiqué par Marty et se soumet à toutes les autocritiques. Confronté à la crise du 6 février 1934, il brille par ses hésitations puis son absence – pour prétendues raisons de sécurité – alors que Doriot est en tête de toutes les manifestations. Il faut attendre le 8 mars pour lire son premier article sur cette crise, et sur une ligne très sectaire, alors que Doriot fait cavalier seul et engage des pourparlers avec les autres forces de gauche. Or, c’est au moment où il paraît le plus ballotté par les évènements que Thorez va soudain révéler une stature nouvelle. A cela, sans doute deux raisons. On ne peut pas ne pas évoquer, en premier lieu, le côté personnel des relations entre Fried et Thorez. En effet, fin 1933-début 1934, ce dernier quitte sa femme, Aurore, et son fils, Maurice pour vivre avec une jeune militante rencontrée en 1930 à Moscou où il suivait une école de formation, Julie Vermeersch, dite Jeannette – qu’il n’épousera officiellement qu’en 1947. La volonté de cette femme, qui lui donnera quatre garçons, va le stabiliser et lui rendre confiance. Parallèlement, Eugène Fried emménage avec Aurore et le fils qu’elle a eu de Thorez. D’autre part, le conflit Thorez-Doriot trouve son épilogue le 16 mai 1934, quand, des deux responsables convoqués à Moscou, seuls Thorez s’y rend, Doriot rompant avec l’Internationale. A cette occasion, il perçoit le signal d’une nouvelle orientation de Staline – antifascisme, alliance avec les démocrates et les socialistes. Dès le 26 juin, sur ordre de Moscou, il propose spectaculairement l’alliance avec la SFIO. Un pacte d’unité d’action PCF-SFIO est signé le 27 juillet. Le 24 octobre, Thorez va beaucoup plus loin en avançant la formule de « front populaire de liberté » qu’il souhaite élargir aux radicaux. Enfin, le 9 décembre, il défend brillamment sa politique à Moscou. Il est le grand triomphateur, en juillet-août 1935, du VIIe Congrès de l’Internationale où est adoptée la tactique de lutte antifasciste et de front populaire. Les résultats de cette politique sont marqués par le triomphe de PCF aux législatives de 1936 (72 députés). Thorez devient l’un des principaux hommes politiques français, fréquente les sphères du pouvoir et du Parlement, complète avec avidité sa culture d’autodidacte et peaufine son image de dirigeant populaire en publiant, en 1937, une autobiographie, fils du peuple, massivement diffusée. Il connaît la période la plus heureuse de sa vie. La signature du pacte de non-agression germano-soviétique, le 23 août 1939, surprend Thorez en vacances. Il a beaucoup de mal à faire avaliser cette initiative par le groupe parlementaire communiste. Le 3 septembre, mobilisé, il rejoint son corps et semble être en position avec la nouvelle ligne de Staline d’alliance avec Hitler. Ses velléités de rébellion sont vaines : le 4 octobre, il est quasiment enlevé à son régiment par un « commando » de l’Internationale. Cette désertion lui vaudra une condamnation à six ans de prison – prononcée le 28 septembre 1939 pour désertion en temps de guerre – et sa déchéance de la nationalité française, décrétée le 17 février 1940, et restera comme une tache indélébile. Après la guerre, il est élu député à l’Assemblée constituante en octobre 1945, il entre en novembre dans le gouvernement provisoire présidé par le général de Gaulle comme ministre d’Etat, chargé de la mise en place d’un statut des fonctionnaires. Il va jouer un rôle important sous le Ive République et au début de la Ve République. Il meurt brusquement le 12 juillet 1964. →ROBRIEUX (Philippe) : Maurice Thorez, vie secrète et vie publique, Paris, Fayard, 1975. →THOREZ (Maurice) : Œuvres, Paris, Ed. Sociales, 23 vol. ; Fils du peuple, Paris, Ed. Sociales, 1937 (nouv. Ed. 1949).

TILLON (Charles), 1897-1993 : Charles Tillon est né le 3 juillet 1897 à Rennes (Ille-et-Vilaine). Fils d’un employé des tramways et d’une employée de maison, l’enfant est élevé entre un père anti-clérical, militant anarchisant, puis socialisant, et une mère catholique pratiquante. Après son apprentissage, Tillon entre, en 1914, à l’arsenal de la ville comme ajusteur. En 1916, il s’engage dans la marine et c’est là, sur le Guichen, que sa vie bascule ; le 26 juin 1919 il prend la tête d’un mouvement de protestation contre l’envoi d’un bateau en mer Noire et pour le retour immédiat en France. Arrêté, condamné à cinq ans de travaux forcés, il échappe de peu à une mort par épuisement dans le bagne du maroc. Cette mésaventure a transformé Tillon en un révolté qui, dès l’été 1921, adhère au tout jeune Parti communiste français. Il s’engage dans le mouvement révolutionnaire, d’abord comme militant syndical de la CGTU (1921-1928), puis comme responsable politique (1929). En 1931, il effectue son unique voyage à Moscou et connaît à son retour une promotion comme membre de la commission exécutive de la CGTU puis du comité central et du bureau politique du PCF. Tout en suivant la Fédération des produits chimiques, puis des ports et des docks, il est élu conseiller général du canton d’Aubervilliers en 1935 et député de la Seine en 1936. A l’automne 1939, le PCF étant interdit, il passe dans la clandestinité et est chargé par Frachon de réorganiser le parti dans le sud-ouest. En 1945, il est élu maire d’Aubervilliers puis député en 1946 et 1951. →ROBRIEUX (Philippe) : Histoire intérieure du PCF, t. 4, Paris, Fayard, 1984. →TILLON (Charles) : Les FTP, Paris, Julliard, 1962 ; La révolte vient de loin, Paris, Julliard, 1969.

TIRARD (Pierre), 1827-1893 : Homme politique. « Ce pauvre Tirard est si bête que même Carnot s’en est aperçu ». Cette remarque faite par l’écrivain boulangiste Rochefort doit d’abors se lire comme un cri de rage contre l’homme d’Etat qui est parvenu à sauver la IIIème République de l’offensive du général contestataire et de ses partisans. Né à Genève le 27 septembre 1827, Pierre Tirard est le fils d’un mécanicien-machiniste et d’une tailleuse. Venu à Paris à dix-neuf ans, il connaît un parcours original. Entré dans l’administration des Ponts-et-chaussées puis négociant en bijoux et orfèvrerie rue du Temple, il s’affile au Grand-Orient comme la plupart des républicains sous le Second Empire. Républicain convaincu, il devient maire du IIe arrondissement de Paris en novembre 1870 puis député gambettiste de la Seine en février 1871 comme républicain modéré. Il refuse de reconnaître l’autorité de la Commune de Paris et se tient ne marge de celle-ci. Député en 1876, il soutient Thiers et demeure fidèle au camp républicain. Lors de la crise du 16 mai 1877, il figure parmi les 363 députés qui refusent leur confiance au gouvernement de l’Ordre moral du duc de Broglie. Après sa réélection en 1877, il commence sa grande carrière politique. Constamment réélu comme député de la Seine, il est désigné comme sénateur inamovible en 1883. Ses compétences en matière financière et économique le désignent pour des postes ministériels au sein de la plupart des gouvernements opportunistes. Ministre de l’Agriculture et du Commerce de décembre 1879 à septembre 1881 dans les ministères Freycinet et Ferry, il soutient la discussion du tarif général des douanes en 1880. Ministre du Commerce dans le second cabinet Freycinet de janvier à juillet 1882, il entre dans les cabinets Duclerc en 1882, Fallières en 1883 et Ferry entre 1883 et 1885, avec le portefeuille des Finances. Son amitié avec le nouveau président de la République, Sadi Carnot, et son experience personnelle expliquent son élévation à la tête du gouvernement, dans une péruide troublée, marquée par le scandalke des décorations, qui vient de faire tomber Grévy, et par l’irrésistible ascension du boulangisme. Pierre Tirard reçoit le 12 décembre 1887 la présidence du Conseil et le département des Finances. Le ministère, composé de deux radicalisants, apparaît d’emblée comme transitoire en raison du manque de personnalités d’envergure en son sein. Son acte principal consiste à mettre Boulanger à la retraite, ce qui mermet au général de devenir éligible. Le jour où celui-ci annonce sa candidature dans le nord et en Dordogne, quatre députés bonapartistes déposent un projet de révision constitutionnelle qui est adopté grâce à une majorité composite formée des droites et des radicaux. Tirard démissionne immédiatement le 3 avril 1888. Son successeur Floquet ayant échoué à endiguer Boulanger, élu député de Paris à l’occasion d’une célèbre élection partielle, Carnot rappelle Tirard le 22 février 1889. Cette fois le contexte est différent puisque les radicaux font désormais bloc avec les modérés pour défendre le régime menacé. Tirard peut en conséquence constituer un prestgieux cabinet, à forte ossature gambettiste, avec trois anciens présidents du conseil (Rouvier aux Finances, Freycinet à la Guerre, Fallières à l’Instruction publique et aux Beaux-Arts). La personnalité principale en est Ernest Constans, habile ministre de l’Intérieur qui va avoir raison de Boulanger en le frappant à son point le plus sensible : le prestige. Pour ce faire Constans commence par dissoudre la Ligue des Patriotes et poursuivre ses dirigeants avant de laisser filtrer son intention de faire comparaître le « général Revanche » devant la Haute Cour de justice. L’ouverture de la prestigieuse exposition universelle de 1889, le 5 mai, centième anniversaire de la convocation des Etats géneraux, permet de renforcer le lustre du régime au moment où il en a le plus besoin. Tirard qui a ajouté les Colonies à son portefeuille initial (Finances et Industrie), en profite pour faire de l’exposition une vitrine de l’Empre colonial naissant tandis qu’il s’engage à maintenir « l’Ordre légal et le respect dus à la République ». La confiance a changé de camp. Le 17 juillet, Constans fait adopter sans difficulté l’interdiction des candidatures multiples afin de priver Boulanger de toute possibilité de transformer le scrutin en plébiscite. La Haute cour comdamne le 14 août, Boulanger, Rochefort et Dillon devant la Haute Cour de justice « pour attentat contre la sûreté de l’Etat ». Tirard, qui peut légitimement prétendre avoir sauvé la République, caresse alors l’idée d’un maintien durable. Mais le régime retombe tout aussitôt dans ses travers. Il est vivement critiqué par les radicaux pour avoir mis fin à l’exil imposé au duc d’Aumale et combattu une loi sécularisant les hôpitaux et les écoles. Affaible par la démission, le 1er mars 1890, de Constans, en raison de sa mésentente croissante avec son chef, Tirard est mis en minorité par le Sénat le 13 mars. Il donne sa démission et se rétire avec son gouvernement le 17 mars. En dépit de sa très mauvaise santé, il redevint à nouveau ministre des Finances dans le 1er et le deuxième cabinet Ribot du 13 décembre 1892 au 4 avril 1893 avant de décéder quelques mois plus tard à Paris, le 4 novembre 1893. →

TIXIER-VIGNACOUR (Jean-Louis), 1907-1989 : C’est dans un milieu très bourgeois que Jean-Louis Tixier-Vignancour vit le jour 12 octobre 1907. Son père Léon Tixier est un pédiatre et un hématologue parisien de renom, sa mère Andrée Vignancour est issue d’une famille béarnaise férue de politique. Le grand-père maternel de Jean-Louis Tixier-Vignancour avait été député républicain conservateur puis sénateur des Basses-Pyrénées. Le jeune Jean Louis passe ainsi son enfance antre le Paris des beaux quartiers (il fait ses études au Lycée Louis-le-Grand de 1918 à 1924) et les propriétés familiales du Béarn. C’est à juste titre que son mentor dans la carrière juridique et politique qu’il suivra à partir des années 1930, Léon Bérard, lui écrira : « Moins que tout autre, mon cher Jean-Louis, vous auriez le droit de vous prétendre fils de vos œuvre, vous êtes en effet, au sein plein du terme, l’héritier d’une lignée. » L’héritier entreprend de brillantes études de droit qui la mèneront à embrasser, en 1927, la carrière d’avocat à la cour d’appel de Paris. Le jeune étudiant a connu dans les années 1925-1927 ses premiers émois politiques. Il adhère à l’Action française* et participe à de nombreuses échauffourées avec des étudiants communistes dont l’une, en mars 1926, le mènera pour la première fois en prison. Sa vie professionnelle n’attiédit pas ses ardeurs politiques. Le 6 février 1934, il participe jusqu’au bout à la manifestation et à l’émeute. En juin 1936, après une campagne très hostile au Front populaire, il est élu député sur les terres familiales de la circonscription d’Orthez. Membre de l’Alliance démocratique*, il fait vite la preuve de ses talents oratoires et polémiques. Dès novembre 1936, il apporte avec cinq autres parlementaires français son soutien en général Franco dans son QG de Salamanque. Cet attrait pour les régimes autoritaires pourra quelques années s’épanouir dans le cadre national où, après avoir voté le 10 juillet 1940 les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, il devient, le 12 juillet, secrétaire général adjoint à l’Information chargé du cinéma, de la radio et du livre. →MABIRE (Jean) : Histoire d’un Français, Tixier-Vignancour, Paris, L’Esprit nouveau, 1965. →TIXIER-VIGNANCOUR (Jean-Louis) : Des Républiques, des justices et des hommes, Paris, A. Michel, 1976.

TOULOUSE-LAUTREC (Henri de), 1864-1901: Né à Paris en 1864, Henri Toulouse-Lautrec descend directement de la famille des comtes de Toulouse. Il étudia la peinture dans l’atelier de Cormon et il fut très impressionné par Degas et les artistes japonais. Il a surtout peint des scènes de music-halls, des cirques, et des types de la barrière parisienne : le promenoir, les femmes qui dansent, Attablés. On lui doit aussi des lithographies soit sous formes d’affiches (le Moulin rouge, Bruant, Jane Avril, le Divan japonais, le Pendu, etc.), soit sous forme d’estampes réunies dans des albums ou séparées : Elles, Idylle princière, Au Théâtre, Viennoise, Clownesse au Moulin-Rouge, la Loge, Dans une brasserie, etc. Plus dessinateur que peintre, il a un talent cruel mais sûr et vigoureux. Il meurt en 1901 au château de Malromé (Gironde) →

TRARIEUX (Ludovic), 1840_1904 : Avocat et homme politique. Né à Aubeterre-sur-Dronne en 1840, Ludovic Trarieux est bâtonnier des avocats à Bordeaux puis député de la Gironde de 1879 à 1881. Après une éclipe politique de sept ans, il devient sénateur du même département de 1888 à 1904 puis devient ministre de la Justice du Gouvernement Ribot (26 janvier 1895 au 1er novembre 1895). Son refus de communiquer le dossier sur le scandale de la Compagnie des chemins de fer de Province provoque des remous dans l’opposition et dans l’opinion où certains l’accusent de couvrir des malversations. Ardent dreyfusard, il est le fondateur et le président de la Ligue des droits de l’Homme.

TRAVAIL (législation du) : Si les républicains qui prennent en main le destin du régime au début de la IIIe République professent qu’il n’appartient pas à l’Etat de régler les questions sociales qui sont, pour eux, du ressort des négociations directes entre patrons et ouvriers, ils estiment cependant que la société est en voie de réaliser un progrès global et sont prêts à inscrire dans la loi les réformes qui leur paraissent entrées dans les mœurs. Les radicaux qui leur succèdent au début du XXe siècle sont au contraire fermenet partisans d’une intervention de l’Etat dans les rapports sociaux, de manière à assurer une protection des plus démunis, mais ils se heurtent aux habitudes d’une société qui redoute les réformes brutales et à une prédominance du petit patronat dans le tissu économique qui rend malaisée l’adoption d’une législation du travail difficilement supportable pour les entreprises à faibles moyens. De ces diverses conditions résulte une législation du travail lente et peu hardies, si on compare à celle de l’Allemagne ou du Rouayume-Uni, mais qui n’est pas négigeable pour autant. Entre la fondation de la République et la Première Guerre mondiale, la législation du travail concernait essentiellement deux secteurs : la durée du travail et la protection sociale. Dans le domaine de la durée du travail, on assiste à une réduction progressive qui concerne certaines catégories de travailleurs. La loi du 19 mai 1874 interdit l’emploi dans les manufactures et usines des enfants de moins de treize ans, et limite à douze heures la durée du travail pour les enfants de plus de treize ans. Il faut attendre 1892 pour que les modifications importantes soient introduites : les enfants de treize à seize ans ne pourront travailler plus de 10 heures par jour et les adloscents de 16 à 18 ans et les femmes ne pourront être employées plus de 11 heures par jour. Ce maximum est abaissé à 10 heures et demie par jour pour les jeunes de moins de 18 ans et les femmes par la loi du 30 mars 1900. Enfin, les hommes adultes qui travaillenet dans les mêmes locaux que les femmes bénéficieront des mêmes avantages. En 1905, une loi réduit à huit heures par jour la durée de la journée de travail dans les mines. Vers 1914, l’usage de la journée de travail de 10 heures est général, mais les syndicats réclament la généralisation de la journée de 8 heures. Le deuxième ensemble de mesure concerne la protection sociale. Un pas fondamental est franchi avec la très imortante loi de 1898 qui met à la charge du patron, en cas d’accident du travail, une rente d’incapacité, les frais médicaux et pharmaceutiques et, en cas de décès, les pensions à verser aux veuves et aux orphelins. En 1906, ule loi établit le principe de l’assurance vieillesse, tandis que les modalités en sont précisées par la loi de 1910 qui stipule que tout salarié gagnant moins de 3000 francs par mois doit recevoir à partir de 65 ans une allocation viagère de 60 francs par an, à condition d’avoir effectué au moins trente versement annuels de 9 francs pour les hommes et de 6 francs pour les femmes. L’employeur est tenu au même versement pour chacun de ses salariés et l’Etat fournit le complément nécessaire. Mal accueillie par le patronat comme par les salariés, cette loi reste largement lettre morte. Il faut enfin signaler que pour assurer le respect de la législation du travail, le IIIe République crée, en diverses étapes, l’Inspection du Travail, qui va jouer un rôle fondamental dans l’évolution de la société. La timidité de la législation sociale française fait qu’au lendemain du premier conflit mondial, le IIIe République a, dans ce domaine, un retard considérable à rattraper. Mais les obstacles qui s’étaient opposés à l’adoption d’une importante législation sociale restent largement en place. Toutefois, dès la fin de la guerre et pour désamorcer l’agitation sociale qui monte, le ministère Clemenceau accorde, le 23 avril 1919, la généralisation de la journée de 8 heures (sauf dans l’agriculture et dans le travail à domicile). Dans le domaine de la protection sociale, l’entre-deux-guerres complète les lois du début de la IIIe République. La loi de 1898 sur les accidents du travail est progressivement étendue en 1922, 1923, et 1926 aux diverses catégories de salariés, mais ce n’est qu’en 1938 que tous les employeurs y sont assujettis. Dès 1920 est créée une commission chargée de mettre en place un projet d’assurances sociales, mais il faut dix ans pour que soit appliqué, le 30 avril 1930, le texte voté par le Parlemant le 5 avril 1928 et qui couvre tous les salariés dont les rémunérations ne dépassent pas un seuil de 15 000 à 25 000 francs, pour la maladie, la maternité, l’invalidité, le décès ou la vieillesse. A la différence de la loi de 1910, celle de 1928 rend l’assurance obligatoire. Le financement en est assuré par une double cotisation ouvrière et patronale de 4% et une contribution de l’Etat. Des textes de 1932 et de 1938 devaient compléter le syxtème en le généralisant et en y rajoutant un système d’allocations familiales. Enfin, l’entre-deux-guerres devait ajouter à la législation sociale les mesures prises par le Front populaire : la loi du 20 juin 1936 instituant pour les travailleurs un congé payé annuel de 15 jours, la loi du 21 juin instituant la sermaine de 40 heures, la loi du 24 juin facilant la conclusion de conventions collectives. Au total, l’œuvre sociale de la IIIe République a profondément modifié les conditions sociales du travail en France et la condition salariale. Sans doute peut-on la juger incomplète et moins hardie que celle des pays voisins. Jugement exact, mais qui s’explique largement par la structure de l’appareil d’entreprises en France où dominent les petits et moyens établissements. Mais cette législation sociale s’inspire du principe de l’Etat providence » que la seconde guerre mondiale et l’après-guerre établitont de façon définitive sur les bases posées par la IIIe République.

EWALD (F.) : L’Etat-Providence, Paris, Grasset, 1986. DUPEUX (G.) : La soirée française 1789-1960, Paris, A. Colin, 1964. VIET (V.) : Les voltigeurs de la République, l’Inspection du travail en France jusqu’en 1914, Paris, CNRS, 1994.

TREINT (Albert), 1889-1971 : Né le 13 février 1889 à Paris, cet instituteur d’origine modeste adhère à la SFIO en 1910. Mobilisé en 1914, il est grièvement blessé, décoré de la croix de guerre et réformé. Il devient alors l’un des dirigeantd de l’aile gauche de l’Amicale des instituteurs (un syndicat clandestin à l’époque où le droit de se syndiquer est refusé aux fonctionnaires). Enthousiasmé par la révolution bolchévique, il fait partie au congrès de Tours de la majorité qui décide de l’adhésion à la IIIe Internationale et devient permanat du jeune parti communiste. Il se rend à Moscou en 1922 et gagne la confiance des dirigeant de l’Internationale, en particulier de Zinoviev. C’est lui qui est chargé par le Komintern de chasser Frossard de la direction du parti, mission dont il s’acquitte avec la brutalité et la maladresse qui sont son image de marque. Exécutant sans sorciller les missions que lui assigne l’Internationale, il se rend dans la Ruhr en janvier 1923, pour appeler les troupes françaises à fraterniser avec les ouvriers allemands, ce qui lui vaut d’être arrêté et emprisonné jusqu’en mai 1923. Il est encore en 1923-1924 le principal artisan de la bolcevisation du parti communiste, épurant sans pitié les « trotskystes » et les intellectuels qui entendent conserver leur liberté d’appréciation, établissant le pouvoir absolu du secrétariat et déléguant des représentants de la direction dans Les fédérations départementales. C’est encore lui qui assure que la plupart des candidats communistes aux élections de 1924 sont bien, selon les instructions de l’Internationale, des ouvriers ou des paysans. En dépit d la nomination d Pere Sémard comme secrétaire général en août 1924, c’est Treint qui, en collaboration avec Suzanne Girault, secrétaire de la fédération de la Seine, exece la réalité du pouvoir. A son initiative, et sur l’injonction de Zinoviev, sont exclus du parti Rosmer et Monatte, adhérents à la première heure. L’accession de Treint au bureau politique représente le sommet de sa carrière. Fidèle de Zinoviev, la disgrâce de son patron signifie la fin de son pouvoir. A partir de 1926, les purges au sein du parti touchent les hommes de Zinoviev et Treint n’hédite pas à critiquer la politique de Staline. C’est la fin de sa carrière de dirigeant du parti. Critiqué parInternationale en mars 1926, il est exclu du Bareau politique en juin, écarté du Comité central en novembre 1927 et finalement chassé du parti en janvier 1928. Il rencontre alors Trotsky qu’il avait naguère violemment attaqué, adhère à la Ive Internationale et finit par rejoindre la SFIO. En 1936, il est réintégré dans l’enseignement dont il avait été révoqué en 1931 et devient permanent syndical. Révoqué de son poste d’instituteur pour la seconde fois lors du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Treint part se réfugier dans la Nièvre puis rejoint l’armée de libération française. A compter de cette date, il semble se retirer de toute activité militante jusqu’à sa mort le 25 octobre 1971 à Paris. DURR (A.) :

Albert Treint: Itinéraire politique (1914-1939), Thèse de doctorat d'histoire contemporaine, sous la direction de M. Jacques Girault, Paris 13, 2006. ROBRIEUX (Philippe) : Histoire intérieure du parti communiste, 1920-1945, t. A, Paris, Fayard, 1980.

TRENTINIAN (Edgar de), 1851-1942 : Edgard de Trentinian est né à Brest le 25 août 1851. Il passe une partie de son enfance en Martinique où son père, qui a choisi la carrière des armes, est en poste. Dans la famille Trentinian on est militaire de père en fils. L’aïeul d’Edgard de Trentinian a été chef d’escadron dans l’armée de Condé et de l’Empire, et son bi-aïeul, colonel de chasseurs, a participé à la guerre de l’indépendance américaine. Tous les deux ont été chevaliers de Saint-Louis. En août 1870, au début des hostilités de la guerre Franco-Allemande, le jeune Edgard de Trentinian est engagé volontaire, il va avoir 19 ans et a réussi le concours d’entrée à l’École Spéciale de Saint-Cyr. Sa conduite devant l’ennemi lui vaut d’être promu sous-lieutenant sur le champ de bataille et d’être fait chevalier de la Légion d’Honneur. Il intègre Saint-Cyr en 1870 avec 399 camarades (dont Lefèvre, Marabail, Sordet, Perraux, Amar, Bujac), et à sa sortie en 1872 sa promotion prend le nom de "La Revanche", nom qui montre la volonté des jeunes officiers de reprendre un jour les deux provinces perdues en 1870. En 1873 Trentinian sert au Tonkin, participe à l’équipée de l’explorateur Francis Garnier en s’emparant, avec de petites troupes, de villes entières puis en tenant toute la province de Haï-Dzung. Chrétien pratiquant, Edgard de Trentinian a appris de son père combien il est plus important de conquérir les cœurs que d’occuper les pays. Au soir de sa vie, en mai 1940, l’officier écrira : "j’ai tout de suite sympathisé avec les petites annamites et me suis intéressé à cette civilisation dont ce peuple est imprégné. J’ai appris le Tao-Te-King, ce catéchisme, ce manuel de morale si remarquable que tous les enfants apprennent d’un bout à l’autre de la Chine et du royaume d’Annam. Après l’avoir abandonné on y revient". D’autres longs séjours suivront. Malgré les conditions sanitaires qui auront endeuillé sa famille, Trentinian gardera toujours une grande nostalgie pour cette Indochine. C’est sans doute le même attrait de la culture asiatique qui conduira en 1901 au Tonkin le lieutenant Jean Moreau, qui a été officier d’ordonnance du général de Trentinian en 1900, à étudier la littérature asiatique et apprendre les caractères chinois. En 1877 Trentinian est admis à l’École Militaire Supérieure (École de Guerre), avec notamment Lanrezac, Castelnau et Marabail. En janvier 1895, Trentinian est Colonel et commandant supérieur des troupes de Saint-Louis au Sénégal puis "lieutenant-gouverneur" au Soudan. Dans ses fonctions il montre beaucoup de fermeté et diplomatie. Il est, pour Paris, le responsable de la politique à suivre au Soudan Français. Il y donne toute sa mesure. En 1896 au Sahel avec le capitaine Mangin, il montre sa méthode : ayant montré sa force, il faut convaincre et non contraindre ni se venger et le chef doit se déplacer lui-même pour offrir la paix des braves. La même année il neutralise la révolte du Macina après une série de brillants combats livrés autour de Bandiagara. Entre 1895 et 1898, avec le commandant Gouraud, il lance des opérations qui conduisent à la capture puis à l’exil de Samory, un grand pourvoyeur d’esclaves qui a jeté plus de cent mille captifs sur les différents marchés du Soudan. Il se montre surtout organisateur incomparable. Après la mise en place de structures régionales au Soudan, il s’active à préparer une mise en valeur du pays. Auguste Chevalier de l’Académie des Sciences dira de lui : "Ce qu’il fit avec une poignée d’hommes : organisation et pacification du pays, suppression de l’esclavage, création de l’enseignement, amélioration des transports, exploration de l’immense boucle du Niger alors en grande partie inconnue, étude scientifique de cette vaste contrée et prospection de ses ressources, tient vraiment du prodige". Brigadier en 1898, Edgard de Trentinian est le plus jeune général de l’armée française. Il sert encore à Madagascar, avant son retour en France en 1899. En 1908, il est enfin divisionnaire ; ses amitiés avec son ancien camarade de Saint-Cyr, le colonel Bujac, qui avait refusé d’instruire contre Dreyfus, sont peut-être responsables de la lenteur de sa promotion .En 1910 il publie dans le Journal des Sciences Militaires un article sur "la liaison de l’Artillerie et de l’Infanterie". Les mesures qu’il préconise alors vont à l’encontre des théories officielles qui inspireront le règlement de 1913, cependant elles reçoivent l’approbation de nombreux généraux dont Maunoury et Lanrezac. Le 22 août 1914, le général de Trentinian, commandant la 7e Division du 4e Corps d’Armée, est engagé dans une situation dramatique. Il conduit néanmoins à Ethe, en Belgique, un des rares combats victorieux de la bataille des Frontières. Quelques jours plus tard, à la tête de la même unité, transportée par les fameux taxis, il concourt à la victoire de la Marne. En septembre 1914, Trentinian est accusé de s’être laissé surprendre à Ethe, d’avoir fait massacrer sa division et perdu une partie de son artillerie. Révoqué, il fait appel de la décision le concernant. En pleine guerre il établit et envoie à quelques décideurs un rapport étayé rétablissant les faits. Le général Gallieni, fort bien au courant de ce qui s’est passé et connaissant la valeur de Trentinian, fait en sorte que l’injustice soit autant que possible réparée avec la promotion à la dignité de Grand-croix de la Légion d’honneur (janvier 1916). Enfin en 1923 le commandant Grasset, directeur du service Historique de l’Armée, qui fut témoin des événements sur le terrain a, dans une étude détaillée de la bataille d’Ethe, rendu pleine justice à Trentinian. Le général de Trentinian fut, après la Grande Guerre, l’un des fondateurs de l’Académie des Sciences Coloniales. Il décède le 24 mai 1942 à Paris. Il était titulaire de plusieurs distinctions françaises et étrangères, officier de l’Instruction Publique (1899), il avait également reçu la médaille d’or de l’Alliance Française (1897).

TROCHU (Louis-Jules), 1815-1896 : Général et homme politique. La conjonction du Second Empire avec la défaite militaire fait de ce général émérite la figure illusoire du sauveur militaire de la patrie en danger. Louis-Jules Trochu est né en 1815 au Palais, à Belle-Ile-en-mer. Il participe aux campagnes d’Algérie, de crimée (où il a été blessé au siège de Sébastopol) et d’Italie. En 1866, il est affecté au ministère de la Guerre comme général de dividion, mais il publie en 1867 une étude sur l’impréparation de l’armée française ce qui lui vaut la disgrâce du pouvoir. C’est sous la pression de l’opinion publique qu’il est nommé le 17 août 1870 gouverneur militaire de Paris. Acclamé à son arrivée dans la capitale aux cris de " Vive Trochu ", celui-ci va être inéluctablement entraîné à prendre les plus lourdes responsabilités à la chute de l’Empire à supporter le poids du Siège de Paris et sa capitulation. A la plus large popularité, succéderont les plus vives critiques. A tel point qu’au lendemain de sa mort, Jules Delahaye pouvait écrire: " Il n’est pas de serviteur de la France contre lequel se soient acharnés davantage les intérêts de toute sorte; dont les actes, les intentions, le caractère aient été plus défigurés par la passion politique; qui ait subi l’injustice prévue de ses contemporains avec plus de dignité ". Populaire dans la capitale, militaire renommé et libéral de réputation, lui seul semble à même d’occuper le pouvoir à l’annonce de la défaîte de Sedan. Bien qu’il ait fait serment de protéger et défendre la famille impériale « sur son honneur de catholique et de soldat », le 4 septembre 1870, Trochu accepte d’entrer dans le gouvernement provisoire de la République à condition de le présider (fonction dévolue jusqu’à Jules Favre). L’homme fort en est Gambetta, ministre de l’Intérieur, qui va le 7 octobre quitter Paris assiégé et exercer la réalité du pouvoir, laissant Trochu dans la capitale. Trochu se déclare près à defendre Paris, s’engageant à ne pas capituler avec pour tache de briser l’encerclement allemand. Il doit non seulement lutter contre l’ennemi, très supérieur en nombre, mais faire face à l’exaspération croissante des « républicains révolutionnaires ». Mais son manque de confiance dans le succès militaire et sa passivité découragent les troupes. Les futurs communards qui, regroupés dans le comiuté central des vingt arrondissements, tentent de mettre à profit la situation pour prendre le pouvoir. Trochu doit donc affronter une situation qui conjugue invasion et menace de guerre civile alors qu’il n’a pas d’armée digne de ce nom et n’exerce que théoriquement l’autorité politique. Les révolutionnaires parisiens multiplient les journées et les coups de main afin d’obtenir l’élection d’une Commune et déposer le gouvernement. Ainsi, le 31 octobre, la salle du Conseil est envahie par Blanqui et ses adeptes. Trochu, qui parvient à s’évader, réussit à mobiliser la garde nationale et obtenir l’élargissement de ses collègues, retenus en otage. Le 3 novembre, un plébiscite est organisé sur le maintien du gouvernement. Plus de 300 000 parisiens le confirment contre une cinquantaine de milliers d’opposants. Momentanément conforté, Trochu organise les 5 et 7 novembre des élections communales qui, sauf dans les XIXème et XXème arrondissements, balayent les révolutionnaires pour désigner des républicains modérés. Visiblement débordé par la situation, Trochu consacre l’essentiel de son temps à mettre au point le « plan Trochu », qui devient vite une Arlésienne pour les Parisiens assiégés, et consiste à faire théoriquement une sortie en masse pour rejoindre à Rouen l’armée de la Loire. Le 29 novembre, une première tentative conduite par le général Ducrot est vivement repoussée. Mi-décembre, les Prussiens commencent à bombarder la capitale, affamée et épuisée. Le 19 janvier, une nouvelle tentative pour briser l’encerclement échoue piteusement à Montretout et Buzenval. C’est l’impasse. Trochu pers toute crédibilité. Gambetta, par exemple, le qualifiera de « discoureur infatigable, militaire irrésolu et présomptueux ». Confronté à une nouvelle vague de contestation communaliste, menacés par les maires d’arrondissement qui veulent le placer sous leur tutelle, Trochu préfère abandonner le commandement de l’armée de Paris au général Vinay le 22 janvier 1871, au moment où Jules Favre négocie l’armistice avec Bismarck. Quoique toujours président en titre, il ne joue désormais plus aucun rôle mais parvient à être élu député du Morbihan sous l’étiquette orléaniste. Plutôt effacé, il démissionnera en juillet 1872 pour se retirer définitivement de la vie politique. Les contemporains ont retenus la formule par laquelle Victor Hugo a cloué au pilori ce serviteur du régime impérial « Trochu, participe passé du verbe trop choir ». Traître pour les bonapartistes, lâche pour les républicains, Trochu eut l’inconvénient de vouloir rester modéré et légaliste dans une situation qui commandait la dictature de salut public et une énergie indomptable qui devint l’apanage de Gmbetta. Dans la nuit du 6 au 7 Octobre 1896, le général se sentit mal et appela son domestique. Il ne survécut que peu d'instants aux soins qui lui furent donnés puis il s'éteignit. Le général Trochu avait quatre vingt huit ans. Le samedi matin 10 octobre, à onze heures, avaient lieu, à Tours dans l'église de Saint Pierre des Corps, les obsèques du vieux soldat, avec une extrême simplicité. TROTSKYSME : Courant minoritaire et persécuté du mouvement communiste international, le trotskysme présente en France un mouvement marginal qui connut cependant quelques moments de réussite et exerça une influence intellectuelle non négligeable. Dès la fin de 1923, les critiques de Trotsky à l’encontre de Staline, de la bureaucratisation de l’Etat et du parti soviétique, de la stratégie mondiale suivie par l’Internationale communiste font des émules au sein du PCF, les fidèles de Trotsky, suite à sa décision de structurer ses partisans, se retrouveront en 1930 dans la Ligue communiste. La Ligue ne regroupa pas plus d’une centaine d’adhérents, en butte à la représentation de l’Etat mais aussi et surtout du PCF, et fut caractérisée par d’incessants débats et scissions. Ses attitudes et comportements de secte, typique du trotskysme tout au long de son histoire, ne l’empêchent pas de rencontrer un certain écho. Un courant minoritaire d’intellectuels, souvent venus du surréalisme, est attiré par la personnalité et les idées de Trotsky au point de sympathiser avec lui comme André Breton ou de devenir militant, à l’instar de Pierre Naville. Lors de la formation du Front populaire, la Ligue se dissout et pratique l’entrisme au sein de la SFIO, afin d’orienter sa politique dans un sens plus révolutionnaire. Les trotskystes contrôlent les Jeunesses socialistes parisiennes et influence le courant socialiste de Marceau Pivert. Leur expulsion, en 1935, aggrave leurs conflits internes, provoquant de nombreuses ruptures auxquelles la création de la IVè Internationale, en 1938, ne remédie pas. Les groupes trotskystes affrontent la guerre puis l’Occupation sous le signe de la division. →

CRAIPEAU (Yvan) : Le Mouvement trotskyste en France, Paris, Syros, 1971. →MARIE (Jean-Jacques) : Trotsky, le trotskysme et la Quatrième Internationale, Paris, PUF, 1980.

TROGAN (Edouard), 1861-1934) : Édouard Trogan est né le 12 octobre 1861 à Saint-Paul-Cap-de-Joux, dans le Tarn. Après des études à Toulouse puis à Angers, il exerce brièvement le métier de critique musical, puis entre comme secrétaire au service du comte de Falloux. C'est cet emploi, point de départ de sa carrière, qui décide de son engagement politique et littéraire. A ce poste, il s'initie aux milieux politiques de son temps et découvre de l'intérieur le courant catholique libéral et conservateur. Il en est profondément déçu et, en réaction, se fait partisan convaincu des libertés religieuses et d'une stricte séparation entre les affaires de la religion et celles de la politique. Un temps, cet homme cultivé hésite à se lancer dans la voie de la polémique, qui aurait pu lui assurer une rapide notoriété dans les milieux du journalisme d'opinion. Il lui préfère toutefois la pondération et le travail littéraire. Ses premières publications sont un essai sur Les Catholiques de France et un album intitulé Mots historiques du Pays de France. En 1889, il choisit de répondre à une Lettre pastorale de Monseigneur Freppel sur le centenaire de la Révolution Française par un nouveau livre : L'Équivoque sur la Révolution Française. C'est ce travail qui attire l'attention de Léon Lavedan, directeur de la revue catholique Le Correspondant. Celui-ci propose à Trogan un poste de rédacteur dans sa revue. Libre de ses choix depuis la mort son ancien employeur (le comte de Falloux est mort en 1886), le jeune homme de lettre accepte cette offre. Désormais et jusqu'à sa mort, son destin et celui de cette revue sont intimement liés. En 1904, lorsque Léon Lavedan disparaît, il est remplacé par Etienne Lamy à la tête du Correspondant. Ce nouveau directeur a lui aussi pour Édouard Trogan la plus grande estime. En conséquence, il fait de lui le secrétaire général de la rédaction. En marge de ce nouvel emploi, Trogan anime une rubrique régulière intitulée "Les oeuvres et les hommes", avec laquelle il s'assure une solide réputation de liberté d'opinion, de justesse d'analyse et d'intégrité intellectuelle. Jamais il ne se laisse entraîner vers les courants ou les goûts de son temps, préférant conserver une ligne de pensée qui lui est propre, mais sans jamais se départir, même dans la controverse, de la pondération ni de la courtoisie qui font de lui un journaliste respecté. Etienne Lamy démissionne de la direction du Correspondant en 1912. Le conseil d'administration lui désigne Édouard Trogan comme successeur. Très vite, celui-ci se met en devoir de rénover la revue. Il y fait écrire de nouveaux auteurs, sélectionnés pour leurs compétences plus que pour leur appartenance politique ou confessionnelle et il élargit la ligne éditoriale. Désormais, c'est l'actualité du monde entier qui trouve place dans ses colonnes. Cette oeuvre de rénovation porte ses fruits et le lectorat du Correspondant se renouvelle. Mais la Grande Guerre met un terme brutal à ce regain. Alors que plusieurs de ses collaborateurs sont mobilisés, Trogan s'efforce de les remplacer lui-même et décuple sa charge de travail. Il prend notamment en la rédaction d'une nouvelle rubrique, la "Chronique de la quinzaine", qu'il signe du pseudonyme "Intérim". Il poursuit l'animation de cette rubrique après l'armistice de novembre 1918, mais change son pseudonyme en "Louis Joubert". Quelques temps plus tard, il réunit dans un livre intitulé Regards sur la Vie ses chroniques les plus marquantes. En avant-propos de ce recueil, il décrit ces "chroniques de la quinzaine" en des termes qui résument bien l'ensemble de ses conceptions de journaliste : "Elles ont connu cette singulière aventure de prendre, la plupart du temps, le contre-pied de l'opinion courante et des idées reçues. Non par esprit de contradiction ou de stérile contention, mais parce que, dans leur sincère indépendance, elles essayaient de voir pour prévoir". En marge de son activité au Correspondant, Trogan écrit également pour diverses revues catholiques (La Vie catholique), ainsi que pour des publications de l'ouest de la France. A la fois journaliste et historien, il collabore régulièrement au début des années trente à la revue encyclopédique Larousse mensuel, rédigeant notamment des notices biographiques d'ecclésiastiques. Mais après avoir survécu à la Grande Guerre, Le Correspondant souffre du retour à la paix. La concurrence de nouveaux titres se fait plus rude. Les attentes des lecteurs également ont changé. Les ventes chutent et avec elles les recettes. Des réformes s'imposent. Édouard Trogan en propose certaines, qui s'avèrent bien tardives. En 1929, il est démis de ses fonctions par le conseil d'administration qui, piètre consolation, le nomme directeur honoraire et le charge de la chronique politique. C'est le comte Albert de Luppé qui le remplace. Lui non plus ne parviendra pas à sauver la revue, qui cesse la publication le 25 octobre 1933, après 104 années d'existence. Usé par la maladie et abattu par la disparition de son cher Correspondant, Édouard Trogan meurt le 4 août 1934 à Puits, dans la Côte-d'Or. Guillaume Tronchet (Villeneuve-sur-Lot, Lot-et-Garonne, 1867 - Nice, 1959) est un architecte français. Biographie [modifier] Guillaume Tronchet s'inscrit à l'École des Beaux-Arts de Paris dans l'atelier de Louis-Jules André, devenu en 1890 celui de Victor Laloux. Diplômé en 1891, il reçoit, en 1892, le Deuxième Second Grand Prix de Rome dont le sujet de l'épreuve finale s'intitule : "Un musée d'artillerie". Il construit, pour Fernand Halphen, le château Mont-Royal à La Chapelle-en-Serval près de Chantilly (Oise). Après avoir rejeté un projet de style anglo-normand de l'architecte René Sergent, puis un premier projet de style médiéval (dessins, collection Musée d'Orsay), le commanditaire a fixé son choix sur le second projet de Guillaume Tronchet : un château de style Louis XVI célébrant la chasse à l'extérieur et la musique à l'intérieur. Edifié de 1907 à 1911, l'édifice (aujourd'hui transformé en hôtel) est une grande réussite architecturale. Architecte-en-chef des bâtiments civils et des palais nationaux, Tronchet se voit confier en 1929 par Louis Loucheur, ministre du Travail, le soin d’édifier - en huit mois seulement - le nouveau bâtiment du ministère, place de Fontenoy à Paris (VIIe). Il fait appel aux matériaux et aux techniques les plus modernes et à des artistes réputés pour la décoration : les frères Martel pour la sculpture et Jacques Grüber pour les vitraux. Aujourd'hui, une fondation perpétue son souvenir et attribue, dans le cadre de la cérémonie annuelle de l'Académie des Beaux-Arts se déroulant sous la coupole de l'Institut, un prix destiné à encourager un jeune artiste (le plus souvent architecte). Château Mont-Royal, La Chapelle-en-Serval (Oise) (1907-1911) Théâtre Ducourneau, Agen (Lot-et-Garonne) (1908) : l'un des premiers bâtiments construits en ciment armé en France, sous une enveloppe strictement néo-classique. L'utilisation du ciment armé a permis l'aménagement de balcons en porte-à-faux. Port aérien de Juvisy, Viry-Châtillon (Essonne) (1908) : sans doute le premier aéroport au monde (Port-Aviation) Poste centrale de Bar-le-Duc (Meuse) (1928) Ministère du Travail, place de Fontenoy, Paris (VIIe) (1929) Hôtel des Postes Thiers, Nice, (Alpes-Maritimes) (1931) : bâtiment réalisé en briques, d'où la légende du recyclage de plans qui auraient initialement été conçus pour Lille. Théâtre Georges Leygues de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), en collaboration avec Gaston Rapin (1935) Lycée Nicéphore Niepce, Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire)

TURMANN (Max), 1866-1943 : Professeur et écrivain. Né à Bordeaux (Gironde), le 23 février 1866, Max Turmann est d’origine alsacienne. Il fait des études de lettres à Bordeaux puis des études de droit à Paris suivies d’un doctorat de Sciences politiques et économiques.Membre de l’Union démocratique de Paris issue des Cercles d’études sociales vers 1893. En 1898, il est conférencier à la crypte et proche du Sillon de Marc Sangnier. En 1900, c’est lui qui reçoit en retour les questionnaires adressés pars le Sillon aux séminaires participant aux conférences d’œuvres pour recenser les œuvres. Professeur au Collège libre des Sciences sociales, il y enseigne avec l’abbé Naudet les doctrines sociales de l’Eglise catholique et leur histoire. Il est rapporteur au congrès de Besançon de l’Assocation catholique de la jeunesse françaiseen 1898. En 1906, il est professeur à l’université catholique de Fribourg où il enseignera jusqu’en 1936. Il se retrouve à Fribourg avec plusoeurs sillonnistes, le collège Stanislas, berceau du Sillon, s’étant transféré dans cette ville après la confiscation des biens de l’Eglise. En 1907, il dirige à la faculté de Droit un Institut de sciences commerciales. Il introduit pour la première fois la comptabilité comme matière universitaire. Il enseigne aussi aux Polytechnicum de Zurich. Max Turmann est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’éducation populaire et les œuvres sociales. Partisan de la démocratisation du capital, il développe des thèmes comme l’actionnariat du travail et l’actionnariat syndical. Ses publications ont la particularité, originale pour l’époque, de présenter autant les œuvres catholiques que les œuvres laïques, ces dernières étant valorisées pour provoquer l’émulation parmi les catholiques sociaux. Ces ouvrages connaîtront plusieurs éditions en particulier L’éducation populaire, Au sortir de l’école et Initiatives féminines. En 1912, il est élu à l’Académie des sciences morales et politiques. Chrétien engagé politiquement, en 1926, il écrit régulièrement dans Le petit démocrate proche du Parti démocrate (PDP). Il décède le 22 juin 1943.

 
     
 
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