SAINT-OUEN (Grèves de) : Ville située dans la banlieue industrielle du nord de Paris, Saint-Ouen compte au début du XXe siècle de nombreux ateliers métallurgiques et des entreprises de divers secteurs (fabriques de cirage, imprimeries, construction automobile…). Le mouvement social y est anciennement enraciné et s’appuie sur la tradition de sociabilité de l’artisanat bien plus vivante que dans la grande industrie comme au Creusot. La conscience politique y a même permis l’installation entre 1887 et 1896 d’une des premières municipalités socialistes révolutionnaires.
A la vague de grèves et à la poussée syndicale spectaculaire que connaît toute la France dans les années 1904 à 1907, la population de Saint-Ouen apporte bien sûr sa participation : plus particulièrement en 1907, ce sont les boulangers et les gaziers, puis, au début de 1908, c’est au tour des terrassiers du chantier du métro parisien. La grève est toujours scandée de manifestations et de meetings, de chants révolutionnaires et de drapeaux rouges, brandis pour provoquer le pouvoir en place qui l’a interdite.
Cette agitation entraîne parfois des violences mortelles : des patrons ou la troupe tirent sur les manifestants, faisant des morts comme à Cluses en 1904, à Longwy en 1905 ou à Courrières après la catastrophe de 1906.
SAINT-POL-ROUX-LE-MAGNIFIQUE (Paul Roux, dit), 1861-
SAINT-SAËNS (Camille), 1835-1921 :
SAINTE-CLAIRE DEVILLE (Renée), 1889-1968 :
Née en 1889, Renée Sainte-Claire Deville est issue d’une famille assez ecxeptionnelle de savants et de militaires originaire des Antilles, tous respectueux de traditions où le service de la France et de l’Eglise était primordial. Sa mère est une sœur du premier mari de Colette et son père, inventeur du frein du canon de 75, supervise l’artillerie de toute l’armée française en 1914. Son enfance se passe de garnison en garnison où elle suit des cours privés. Durant la Grande Guerre, elle travaille dans un hoîtale à Chambéry avec une de ses sœurs. A la fin de la guerre, elle rentre à Paris avec la volonter de participer à une action sociale. Un prêtre, ancien du Sillon, lui parle d’ André Lefèvre, des Eclaireurs-de-France et de la Maison pour Tous de la rue Mouffetard. De cette visite date l’engagement de Renée Sainte-Claire Deville à la Maison pour Tous et les aides apportées par sa famille à ce groupe. C’est pourtant son apport à Fédération française des éclaireuses (FFE) qui est marquant et, en collaboration avec Marc Walther, son invention de la branche cadette : les Petites Ailes. La pédagogie de cet âge est marquée par les idées de Bovet, de Montessori et de Piaget. Elle voyage en province pour faire découvrir les Petiles Ailes.
Au congrès d’Epinal en 1921, d’où naîtra la Fédération française des éclaireuses, elle contribue à renforcer le choix d’une directioon unique. Elle crée « L’équipe du verbe » pour aider les responsables catholiques à assumer leur rôle dans les camps, à répondre aux questions de cette rencontre de confessions et de spiritualisté ne manquait pas de poser à des adolescentes. En 1942, seule responsable présente en zone sud, Renée Sainte-Claire Deville assume la fonction de commissaire nationale jusqu’en 1945 date où elle abandonne sa charge, tout en s’occupant ancore de « La Mouffe ». En 1946, elle épouse G. Bertier, ancien directeur de l’Ecole des Roches et président des EDF. Elle décède à Paris le 7 juillet 1968.
SAINTE-CROIX (Camille), 1859-1915 :
Né à Paris le 5 octobre 1859, fils du mathématicien Jacques de Sainte-Croix et de Caroline Choveton de La Chanterie, Camille de Sainte-Croix fait ses études au Lycée Fontanes, puis au Collège des Ecossais, où il suit les cours de philosophie de Paul Bourget. A l'âge de 15 ans, il donne La Nuit Mythologique, pièce en un acte et en vers, représentée à l'ancien Théâtre Cluny, situé au n° 71 du boulevard Saint-Germain.
Après l'obtention de son baccalauréat, en 1877, il collabore au journal radical Le Réveil d'Armand Duportal aux côtés de Léon Cladel, puis au Gaulois, où il signe des chroniques. En 1878, il fait partie des Hydropathes fondés par Goudeau et collabore aux éphémères revues du Quartier Latin. Licencié en droit, il est rédacteur au ministère de l'Intérieur puis à la Division de la comptabilité du ministère de l'Instruction Publique (en 1878), où il se lie d'amitié avec ses collègues Léon Dierx, Henry Roujon, Léonce de Larmandie, Fabre des Essarts et surtout Germain Nouveau, dont il conserva longtemps les manuscrits originaux de "La Doctrine de l'Amour" et des "Valentines". Rappelons que le sonnet " Musulmanes " lui est dédié. Il fréquente le salon de Nina de Villard, rue des Moines, en compagnie de Villiers de L'Isle-Adam, Léon Dierx, Germain Nouveau et Augusta Holmès.
En 1883, on le retrouve, à la Maison de Bois, 139, rue de Rennes, chez les Zutistes de Charles Cros et parmi les habitués du Chat Noir. En 1885, il publie son premier roman, La Mauvaise aventure, récit très partiellement autobiographique qui se voulait être une sorte de manifeste de l'Ecole Romanesque. La même année, il tente de publier une revue avec ses amis Paul et Victor Margueritte, Maurice Barrès et Laurent Tailhade : mais le projet n'aboutit pas. A partir de 1885, il publie plusieurs poèmes au Chat Noir. En 1886, il est de la petite équipe de l'éphémère Symboliste de Gustave Kahn.
En 1887, il dédie son roman, Contempler, à Germain Nouveau : dans sa préface, il y prend violemment Zola à parti. Trois ans plus tard, il encensera ce même auteur dans les colonnes de La Bataille. Puis il donne des chroniques et des études au Figaro, notamment sur l'enseignement de l'Ecole Nationale des Beaux-Arts. A partir de 1889, il crée au quotidien La Bataille, du communard Lissagaray, les Lundis artistiques et littéraires, pages qui lui procurent une grande notoriété et dans lesquelles il exprime des idées résolument socialistes. Ses prises de position anti-boulangistes lui attirent duels et procès. La série d'articles intitulée " Nos Farceurs " qu'il y publiera, conduira à sa révocation de la fonction publique.
Dès cette époque, il est parmi les fondateurs des premières Universités Populaires. En 1890, il collabore à La Revue d'Aujourd'hui de Tola Dorian. En 1891, il entre à L'Echo de Paris, où il publie son roman, Double Mère. En 1891, il donne à L'Eclair son roman d'aventures, Amour de Vierges. Le 18 décembre 1892, il prend la direction d'un nouveau quotidien politique intitulé La Révolution. Entouré d'Henry Leyret et de René Barjean, il parvient à attirer les collaborations d'Emile Bergerat, Tola Torian, Charles-Henri Hirsch, Jules Méry, Eugène Ledrain, Jean Jullien ou encore Emile Goudeau. Mais ce quotidien politique, de tendance socialiste, qui semble avoir été mis sur orbite uniquement pour faire campagne contre les personnalités ayant trempé dans le scandale de Panama, n'aura qu'une brève existence : il cessera de paraître quatre mois plus tard, le 17 avril 1893.
Sainte-Croix passe alors au Journal de Xau pour y donner des contes et des chroniques. En 1894, il publie ses fameux Cent Contes secs chez Ollendorff : si l'ensemble du recueil est dédié à son ami Emile Bergerat, chaque texte a pour dédicataire un littérateur de sa connaissance. Coquelin cadet les interprétera, tandis que Mallarmé les recommandera aux amateurs. Dès octobre 1898, il écrit dans La Volonté de Franklin-Bouillon. En 1900, il publie Pantalonie, un curieux roman à la fois fantastique et plein d'humour. Il collabore alors à La Revue Impressionniste, au Mercure de France, à la Revue Blanche et à la Revue Théâtrale.
Collaborateur, depuis 1897, de La Petite République de Gérault-Richard, il est successivement chargé de la critique littéraire et de la critique dramatique et musicale, succédant ainsi à Henry Bauër. Il y publiera même un roman, Neiges Fleuries, en 1906, ainsi que des contes exotiques. Le 21 novembre 1901 il fonde l'hebdomadaire satirique Le Pied de nez. Illustré par Willette, cette publication cesse de paraître en février 1902. Il donne également des articles de critique d'art au Gil Blas, au Petit Journal et à la revue Art et Travail. En outre, on peut lire sa signature dans La France et à L'Hexagramme de son ami Laurent Savigny.
A partir de 1910, il collabore régulièrement à Paris-Journal, quotidien fondé par Gérault-Richard. En 1911 il est de l'équipe de La Plume ressuscitée par René Le Gentil. Parallèlement à son activité journalistique, Camille de Sainte-Croix fonde et dirige la Compagnie Française du Théâtre-Shakespeare qui se fixe pour objectif de donner la totalité de l'œuvre shakespearienne dans sa traduction intégrale. C'est ainsi qu'il traduira et mettra en scène, pour la première fois, à Paris : Troïlus et Cressida, Cymbeline, Comme il vous plaira, Conte d'Hiver, Le Songe d'une Nuit d'Eté, Les Joyeuses Commères de Windsor, Beaucoup de bruit pour rien, La Tempête etc.
Auteur, en 1905, d'un projet de théâtre populaire adopté par la Chambre des Députés et créateur de leçons-promenades dans les galeries du musée du Louvre, il fonde avec le peintre Claude Bourgonnier la " Ligue des Parisiens de la Seine ". Il meurt à Paris le 29 septembre 1915.
SALENGRO (Roger), 1890-1936 :
Né à Lille (Nord), le 30 mai 1890, Roger Salengro est le fils d’une institutrice et d’un fabriquant de bonneterie dunkerquois, reçut une éducation conforme au modèle bourgeois, et poursuit à la faculté de Lille de brillantes études classiques. Il adhéra en 1909 à la Fédération du Nord de la SFIO, sous le double effet de sa confrontation avec le milieu ouvrier lillois et ses lectures, principalement celles de Guesde et de Jaurès. D’entrée, il se distingua par son ardeur militante. A peine inscrit, il créa un groupe d’ « Etudiants collectivistes ». En 1910 puis 1911, il fut traduit en justice pour son action politique. Il fut aussi porté sur le fameux « carnet B », en raison de sa présence en uniforme dans une manifestation contre la « loi des trois ans » en 1913, ce qui lui valut d’être détenu quelques temps en août 1914, bien qu’il ne fût pas hostile au principe de la défense nationale. Finalement incorporé, il participa aux combats d’Artois et de Champagne. La journée du 7 octobre 1915 scella son destin. Au lendemain d’un assaut meurtrier, il tenta, avec l’accord du commandant de sa compagnie, de ramener vers les lignes françaises le corps d’un ami. Il fut capturé à cette occasion et interné en Bavière. Là, après avoir incité ses camarades à refuser de travailler dans une usine métallurgique, il fut condamné par un conseil de guerre allemand à deux années d’emprisonnement. Epuisé par treize mois de camp disciplinaire, il dut être hospitalisé en avril 1918, puis évacué en Suisse.
La paix revenue, son ascension au sein de la Fédération du Nord, encouragée par le maire de Lille, Gustave Delory, servie par sa propre combativité et ses qualités oratoires, et étayées par son emprise sur la puissante section de Lille, fut très rapide. Dès 1919, il devint l’un des principaux rédacteurs du quotidien socialiste Le Cri du Nord. Il fut aussi élu à la commission administrative de la Fédération puis, en 1920, appelé à son secrétariat administratif, et délégué aux Congrès nationaux de Strasbourg et de Tours. Il se signala alors par la vigueur avec laquelle il dénonça le bolchevisme. Dès 1919 également, il commença une carrière d’élu. En novembre, il entra au conseil municipal de Lille. En décembre, il se fit élire conseiller général du canton de Lille Sud-Ouest. En 1925, il fut choisi par son parti pour remplacer Delory, décédé, à la mairie de Lille. Il réalisa à ce poste, de 1925 à 1936, une œuvre considérable. Très tôt aussi, il acquit une stature nationale. Membre de la première commission administrative permanant de la SFIO de l’après scission, en 1921, il fut reconduit à cette fonction en 1927 et 1928, puis sans discontinuer de 1930 à 1936. Et, s’il fut battu aux élections législatives de 1924, il réussit en 1928 à s’emparer du siège de député de Lille, qu’il conserva jusqu’en 1932 et 1936. Il siégea au Parlement au sein des commissions de l’Enseignement et des Beaux-Arts, de l’Hygiène, et de l’Armée. A l’intérieur de la SFIO, il défendit des positions minoritaires en faveur d’un gouvernement d’union des gauches, mais sans jamais transgresser la discipline.
Nommé ministre de l’intérieur dans le premier gouvernement Blum, le 4 juin 1936, alors que le pays était paralysé par des grandes grèves consécutives à la victoire du Front populaire, il joua un rôle déterminant dans la conclusion, le 7 juin, des accords de Matignon, puis dans la reprise pacifique du travail. Il assura aussi la défense de l’ordre républicain à la fois comme l’extrême gauche, en faisant saisir le 12 juin l’organe trotskyste La Vie ouvrière, et contre l’extrême droite, en signant le 18 les décrets qui frappèrent de dissolution quatre ligues « factieuses ». Il devient aussi l’une des figures emblématiques du nouveau gouvernement. Dès lors, la presse nationale se déchaîna contre lui. Le désignant comme un déserteur et un traître, elle l’accusa d’avoir été un prisonnier consentant pendant la guerre. Les mises au point de Salengro, et l’examen de son dossier, sur sa demande par une commission d’anciens combattants que présidait le général Gamelin*, ne purent arrêter la calomnie. Le 6 novembre 1936, Henri Béraud publia dans Gringoire une lettre ouverte au président de la République sous le titre « l’affaire Proprengo », qui reprenait les accusations antérieures. Le 13 novembre, à la suite d’une interpellation, Léon Blum* présenta lui-même la défense de Salengro devant la Chambre, rétablit la vérité, et obtint le rejet des accusations portées contre son ministre par 427 voix contre 103. Le 18, cependant, ce dernier, brisé nerveusement, et par ailleurs privé de soutien moral depuis le décès de son épouse en 1935, mit fin à ses jours. La tragédie ébranla l’opinion. Salengro eut des obsèques nationales, à Lille auxquelles prit part une foule immense.
→CORDONNIER (Denis) : Roger Salengro, 1946.
→ROMAN (Beranrs),SABRE (Jean-Claude) : Roger Salengro, 1890-1936, 1977, Université de Lille III.
Rodolphe Salis
Rodolphe
Salis, né à Châtellerault le 29 mai 1851 et mort dans la même ville en 1897, fut le créateur, animateur, propriétaire et âme du célèbre cabaret du Chat noirFils d'un limonadier de Châtellerault, Rodolphe Salis, arrivé à Paris en 1872, à la sortie du régiment, s'installa au Quartier latin, à l'Hôtel de Rome, rue de Seine et fonda « l'école vibrante ou iriso-subversive », pour donner de l'importance à son groupe artistique et surtout pour inspirer confiance aux éditeurs d'imageries religieuses. Il fabriquait en effet, pour vivre, des chemins de croix et autres objets de piété.
Pour associer l'art et le débit de boisson, il eut l'idée de créer un café « du plus pur style Louis XII... avec un lustre en fer forgé de l'époque byzantine et où les gentilshommes, les bourgeois et manants seraient dorénavant invités à boire l'absinthe habituelle de Victor Hugo (celle que préférait Garibaldi) et de l'hypocras dans des coupes d'or ». En réalité, Le Chat noir, ouvert en novembre 1881, commença par servir du mauvais vin dans un décor sommaire, mais déjà, à la porte, les clients étaient accueillis par un Suisse splendidement chamarré, couvert d'or des pieds à la tête, chargé de faire entrer les peintres et les poètes tout en laissant dehors les « infâmes curés et les militaires ».
Salis avait rencontré, quelque temps auparavant, Émile Goudeau qu'il avait convaincu de transférer dans son établissement ses Hydropathes, qui se réunissaient jusqu'alors sur la rive gauche. Très rapidement, les poètes et les chansonniers qui se produisaient au Chat noir attirèrent la meilleure clientèle de Paris. On venait avant tout pour les réparties spirituelles qui fusaient souvent aux dépens des clients, interpellés d'un « Tiens, t'es finalement sorti de prison ? » ou d'un « Qu'est-ce que t'as fait de ta poule d'hier ? » à un nouveau client visiblement accompagné de sa femme. Un soir, le futur roi Édouard VII y fut apostrophé en ces termes : « Et bien regardez-moi celui-là : on dirait le Prince de Galles tout pissé ! »
Tous les vendredis, un déjeuner était l'occasion de préparer les spectacles et la revue humoristique. Extrêmement avare, Rodolphe Salis trouvait toutes les excuses du monde pour ne pas payer son personnel, ses fournisseurs et ses artistes.[réf. nécessaire] Le succès aidant, il demanda même à être payé par ceux qu'il accueillait au Chat noir. Mais son bagout, son sens de l'organisation, sa personnalité exceptionnelle attiraient dans son établissements les artistes de toute sorte et un public toujours plus nombreux. Il eut l'idée de jouer de la musique dans son cabaret en y installant un piano, ce qui constituait une innovation alors interdite et lui permit de prendre l'avantage sur la concurrence.
« Homme carré d'épaules, roux de poil et de teint vermillonné, décrit Laurent Tailhade. Sans âge encore que bedonnant, le visage griffé de nombreuses rides, il poitrinait dans un romantique pourpoint dont le satin à ramages contrastait avec la sobriété d'une redingote sombre. Intacte, sa chevelure fauve s'accordait avec sa barbe cuivrée et lui donnait l'air d'un reître flamand... Baryton de bronze, emphatique, mordant et goguenard dont les tonnerres bafouaient cyniquement les philistins... Prodigieuse nature de charlatan. »
Dans les années 1890, il se lança dans des tournées dans toute la France, louant - chose qui ne se faisait pas à l'époque - les théâtres et établissements où il se produisait, encaissant toutes les recettes et refusant souvent, sous divers prétextes, de payer le prix de la location de la salle.[
SAMBAT (Marcel) :
SANGNIER (Marc), 1873-1950 :
Né à Paris le 3 avril 1873, la famille de Marc Sangnier est issue d’une triple tradition : le goût littéraire, le don de la parole et la ferveur religieuse. Par son père, avocat, Marc Sangnier est l’héritier des propriétaires fonciers tandis que la famille de sa mère s’est illustrée dans les lettres et l’éloquence. L’enfance de Mar Sangnier est surtout marquée par des personnages féminins. On distinguera notamment celui de sa grand-mère maternelle, L. Ancelot, fille de Mmme Ancelot, animatrice de l’un des plus réputés salons littéraires de l’époque romantique et celui de sa mère, Thérèse Lachaud. De ces femmes remarquables, Marc Sangnier tire l’exemple d’une ferveur religieuse non exempte d’une certaine austérité et d’une intelligence vive au service des causes les plus nobles.
Entré au collège Stanislas en 1879, il y rencontre la philosophie de l’action de Blondel qui pose l’indivisible unité de la pensée, de l’agir et de l’être. C’est peu avant sa sortie du collège en 1894, qu’il y fonde, un cercle de réflexion, la Crypte. Une dizaine d’étudiants y partagent leur refus des petites vanités et futilités matérielles et cherchent la voie qui leur permettrait de concilier exigences intellectuelles mais aussi sociales. Dès sa création, Marc Sangnier collabore à la revue Le Sillon, fondée pr un de ses collègues de Stanislas, P. Renaudin. En dépit de son entrée à Polytechnique en septembre 1895, Marc Sangnier poursuit sa collaboration à la revue qui affirme peu à peu ses idéaux progressistes : l’action sociale et l’éducation politique. D’intimiste, l’influence de la revue à un cercle plus large. Après son service militaire, en octobre 1898, Sangnier forme un comité d’initiative en vue de pénétrer dans les patronages et les œuvres catholiques. Il organise les premières réunions d’employés, d’ouvriers et d’étudiants où se tissent des amitiés fondées sur l’échange équitable et non sur un paternalisme aux limites désormais connues Devenu directeur de la revue Le Sillon, Sangnier retientb autour de lui des personnalités variées qui l’accompagneront, pour beaucoup, tout au lond de son cheminement. Le Sillon se transforme ainsi progressivement en un mouvement d’éducation populaire d’envergure nationale auquel s’agrège un nombre croissant de cercles d’études implantés dans les patronages. Sous son impulsion des œuvres de jeunesse souvent passives évoluent du modèle de la garderie postscolaire vers celui du lieu de formation démocratique et sociale de futurs militants des œuvres. Le Sillon fonde par exemple les premiers Instituts populaires où les classes défavorisées trouvent des salles de lecture, des éducateurs mais plus encore un lieu de brassage social et d’amitié. Nombre de jeunes abbés démocrates s’engagent au Sillon séduits par ses thèmes sociaux qui rejoignent les pistes tracées par le Pape Léon XIII dans son encyclique Rerum Novarum. L’esprit du Sillon combine alors exaltation et pragmatisme au travers d’une organisation militante sur bien des plans assez neuve. Sangnier évolue alors vers un engagement politique marqué dont L’Eveil démocratique, périodique lancé en 1906, sera l’organe de diffusion. Sa conviction d’une nécessaire rénovation en profondeur des fondements et des moyens de l’action politique, ses talents remarquables d’orateur, en font dès lors un adversaire redoutable pour beaucoup dans le camp catholique comme d’en celui d’en face. Sans qu’il y ait un programme proprement dit, son projet politique se fonde sur la responsabilité civique de chacun et la mise en œuvre de structures économiques et sociales (coopératives, syndicats, mutuelles) valorisant l’action collective. Fondamentalement, Sangnier propose ainsi d’échapper à l’affrontement bloc contre bloc, classe contre classe, en restaurant la responsabilité individuelle pour la mettre au service du bien commun. Dans le climat exarcerbé de ce début de siècle (l’affaire Dreyfus, les lois anticléricales…), un tel projet mais aussi une si grande influence sur une part du clergé se heurtent d front bien des évêques.
En août 1910, Pie X, dans une lettre adressée à l’épiscopat français, fait le procès des grands thèmes sociaux du Sillon et de son mode d’action. Sangnier se soumet, dissout de facto le Sillon, mais conserve, comme l’autorise le Pape, la direction du quotidien La Démocratie tout juste sorti des limbes. L’action de Sangnier se concentre alors sur des tâches non directement apostoliques. La Ligue de la Jeune République, créée en 1912, veut ainsi retrouver la vérité, le contenu de l’idée républicaine. Au retour de la Grande Guerre, en 1919, Sangnier est élu député d’Union nationale jusqu’en 1924. Il milite dès lors pour la paix et la réconciliation franco-allemande en inscrivant son action à l’échelle européenne. Le congrès pour la Paix qu’il organise en 1921 réunit ainsi les délégués de 21 nations. Fort de l’appui de nombreux hommes d’Etat et d’écclésiastiques, il rassemble 6000 jeunes en août 1926 à Belleville. Sangnier s’efforce de favoriser par tous les moyens la compréhension internationale entre les jeunes. C’est dans ce but qu’il fonde en 1929, la Ligue françaises des auberges de la jeunesse. Sangnier luttera conte l’antisémitisme et tous les ferments de division des peuples. Il décède à Paris le 28 mai 1950.
BARTHÉLEMY-MADAULE (M.) : Marc Sangnier (1873-1950), Paris, Le Seuil, 1973.
CARON (J) : Le Sillon et la Démocratie chrétienne, Paris, Plon, 1966.
SANS-DIEU : Les Sans-Dieu militants, groupés au sein d’une ligue des travailleurs Sans-Dieu, sont des propagandistes antireligieux du parti communiste. Fondé en 1931, ils publient un journal mensuel La Lutte antireligieuse. A l’origine, la ligue était surtout connue sous le nom d’union fédérale des libres penseurs prolétariens. Résolument matérialiste et révolutionnaire, précisait son règlement intérieur (article 1er), elle combat toutes les religions sans exceptions parce que toutes les religions sont une des formes d’oppression des classes travailleuses par les classes dirigeantes. Les Sans-Dieu signent un testament dans lequel ils refusent expressément « toute cérémonie religieuse à (leurs) funérailles, ainsi que la présence de tout représentant d’un culte quelconque qui prétend y venir officier ». Ils donnaient également pouvoir à l’association pour réglementer leurs funérailles et ils la chargeaient « en vertu de la loi du 15 novembre 1887 », de poursuivre l’exécution contre quiconque, quelle que soit sa qualité, tenterait de l’entraver ». Le président du Conseil central des Sans-Dieu militants à Moscou fut longtemps avant la guerre E. Kogan dit Yaroslavski que secondait A. Loukatchevski. L’animateur de la ligue (ou union fédérale) à Paris était, à l’époque, le docteur Galperine dit G. Levasseur, collaborateur de L’Humanité. L’organisation est mise en sommeil en 1937 lorsque la direction du parti communiste pratiqua la politique dite « de la main tendue » aux catholiques.
SANS PATRIE (Les) :
De vieilles images ressurgissent de notre inconscient collectif : les bombes, Ravachol, Vaillant, l'assassinat de Sadi Carnot. Pour beaucoup, anarchie est donc synonyme de terrorisme. Pourtant si l'on s'arrête un peu à l'étude de ce courant politique, on s'aperçoit que les choses ne sont pas si simples. Le mouvement anarchiste ne saurait se résumer à sa dimension médiatique et spectaculaire, la plus connue. Une connaissance plus approfondie de ce phénomène nécessite une plongée à l'intérieur de cette mouvance. Les militants ardennais constituent un échantillon sinon représentatif, du moins révélateur, de la nature profonde du mouvement anarchiste.
Qu'est ce qu'un groupe anarchiste ?
C'est un organisme très particulier et qui ne ressemble en rien aux sections ou groupes des autres partis. Il n'y a ni bureau, ni cotisation fixe et aucun compagnon n'est obligé d'annoncer d'où il vient, ce qu'il fait et où il va. La salle du groupe est un lieu de passage où chacun discourt à sa guise, lieu d'éducation et non d'action.Le département des Ardennes a connu l'existence de plusieurs groupes anarchistes. Celui de Charleville Mézières n'eut pas la vie la plus longue, mais il fut certainement le plus structuré.
Né en 1891 d'une scission au sein de la Fédération des Travailleurs Socialistes, il disparaît en 1894 sous les coups de boutoirs de la répression policière, déclenchée à la suite de l'assassinat du président de la République, Sadi Carnot, par l'anarchiste Caserio.Les principaux militants du futur groupe anarchiste Les Sans Patrie ont d'abord été des militants socialistes de la première heure, compagnons de Jean Baptiste Clément :
- Moray est en 1888 secrétaire de la commission de propagande de la Fédération Socialiste.
- Thomassin en 1889, mène campagne pour soutenir la candidature de Jean Baptiste Clément aux législatives, cet activisme lui coûte son emploi de tisseur à Rethel. Venu habiter à Mézières, il adhère au cercle socialiste L'Étincelle où il est élu à la commission du groupe.
- Tisseron, en décembre 1890, est secrétaire du cercle L'Étincelle. Mais il y mène une campagne oppositionnelle. Lors des élections de 1889, il propose de voter au 2ème tour pour le candidat de droite De Wignacourt, afin de battre Corneau le député radical sortant. Il met en cause les élus socialistes du conseil municipal qui ne viennent jamais rendre compte de leur mandat devant les militants du parti. L'année suivante, il propose que les conseillers municipaux socialistes démissionnent, si le conseil refuse la gratuité des fournitures scolaires. Sa motion est minoritaire. Mais cette guérilla, menée à l'intérieur de la formation socialiste ne sera pas l'élément déterminant qui amènera la rupture.Rupture avec les socialistes
Créé en 1889 à Paris, le Père Peinard, est avec la Révolte l'un des principaux hebdomadaires 'anarchistes. La Révolte, au ton doctrinal, a du mal à trouver un lectorat dans les Ardennes. Par contre le Père Peinard, gouailleur, employant volontiers l'argot, rencontre un large public dans notre département, en particulier parmi les ouvriers de la Vallée de la Meuse.
Dès 1889, Badré Mauguière à Revin et Baicry à Sedan diffusent le journal anarchiste. Le 10 août 1890 parait le premier article fustigeant un patron de Charleville. C'est l'occasion pour Thomassin d'envoyer au Père Peinard l'argent de sa première diffusion du journal. Comme de nombreux militants, ayant perdu leur emploi, à la suite de leur action politique, Thomassin se reconvertit dans le colportage de journaux. Militant socialiste, il est amené tout naturellement à vendre l'Émancipation, l'organe de la Fédération des Travailleurs Socialistes. Mais il diffuse également le Père Peinard. Quoi de plus normal, dans la classe ouvrière, la frontière entre socialistes et anarchistes n'est pas très nette.
Le Père Peinard est simplement un journal un peu plus révolutionnaire. On peut d'ailleurs l'acheter au bureau du journal socialiste l'Émancipation, le secrétaire Chauvet, accepte de le vendre avec la presse du parti.
Mais la situation sociale se tend dans le département. Les mois d'avril et mai 1890 voient le nombre de syndicats croître rapidement pour atteindre 75, à Nouzon les effectifs syndiqués passent de 500 à 1500 adhérents (2). J.B. Clément est arrêté et emprisonné, à la suite de la manifestation organisée à Charleville le 1e, mai 1891. La situation est révolutionnaire dans les Ardennes.
Dès lors, les attaques entre les deux camps redoublent, par journaux interposés, dans un contexte social survolté.
Les attentats de Revin et Charleville, en juin, provoquent une vague de perquisitions chez de nombreux militants socialistes. La Fédération socialiste risque de se désagréger. Sous les coups de la répression, Clément prêche la modération et s'oppose aux anarchistes qui veulent attiser l'incendie social. Exclus du cercle L'Etincelle, Mailfait et Lamoureux, participeront à la Fondation du groupe anarchiste.Les sans patrie
Les dissidents socialistes sont bien décidés à créer un groupe anarchiste sur Charleville Mézières. Leur première initiative consiste à vouloir organiser une tournée de conférences de Sébastien Faure dans les Ardennes. Une collecte est lancée pour financer ce projet. Thomassin se charge de centraliser l'argent.
Le 11 octobre 1891, il fait insérer cet avis dans la Révolte et le Père Peinard :
Les camarades qui ne marchent pas vers la Sociale comme des écrevisses, les copains conscients de leurs droits, les hommes libres ayant chassé tous préjugés, désirant discuter sans chefs, sans sectes et surtout sans rois, sont invités à se réunir 10, rue Colette au Pont d'Arches (Mézières). Formation d'un groupe anarchiste. Un compagnon traitera de l'idée anarchique. Mesures à prendre pour inviter Faure à venir dans les Ardennes.
Le 18 octobre 1891 le groupe est créé :
Compagnons, nous venons à quelques bons camarades, convoqués par le Père Peinard et la Révolte, sur l'initiative du compagnon vendeur de ces journaux, de nous réunir à Mézières et de constituer sous le titre les Sans Patrie un groupe communiste anarchiste. Comme l'indique notre nom, le but principal que nous poursuivons est la destruction des préjugés patriotes, des idées chauvines, l'anéantissement même du mot patrie. Notre titre est une déclaration de guerre au militarisme ainsi qu'à l'idée de conquête ou d'asservissement des peuples. Tous les hommes sont frères, rien ne devrait les séparer et le militarisme est une plaie odieuse que tous doivent combattre avec acharnement.
La guerre est une chose abominable, l'invention diabolique de monstres ambitieux à face humaine. Nous voulons la paix, la sécurité pour tous. Plus de frontières, ces barrières élevées par les tyrans. On a parqué les peuples sur des territoires autour desquels on a tracé des lignes qu'ils ne peuvent franchir et tel couronné a dit : " Ceux qui sont à la gauche de cette ligne m'appartiennent ; les autres sont à toi ". Nous ne reconnaissons pas ces tracés au crayon, ces courbes imaginaires qui séparent et divisent les peuples : nous sommes des antipatriotes. Nous sommes aussi des anticléricaux et des antiréactionnaires. Hommes de progrès et de liberté, nous combattons au nom des principes socialistes et révolutionnaires et travaillons non à la conquête des emplois et des privilèges que se sont accordés nos ennemis de classe les bourgeois mais au prompt affranchissement de tous les êtres humains, sans distinction.
C'est dire que nos rangs sont largement ouverts aux miséreux, aux malheureux, aux exploités, aux révoltés, à tous les parias, à tous les battus, volés, malmenés, de même qu'aux convaincus, aux honnêtes, mais qu'ils sont impitoyablement fermés aux ambitieux, aux autoritaires, aux hypocrites. Nous sommes anarchistes, c'est à dire ennemis avérés de toute autorité. C'est pourquoi chacun dans notre groupe sera libre d'exprimer ses idées et agira en toute liberté.Qui sont ces anarchistes ?
L'analyse des professions des membres du groupe montre le caractère très prolétarien des anarchistes : ce sont des ouvriers. Les ouvriers métallurgistes sont majoritaires (7 sur 13), cette situation est le reflet d'une industrie nettement prédominante dans le département. Autre caractéristique du groupe, la présence de 3 ouvriers belges. Le titre Sans Patrie prend ainsi tout son sens.
Le groupe anarchiste est il "un ramassis de repris de justice" ?
Il est vrai que 4 militants ont eu affaire à la justice. Le plus politique est certainement Bouillard condamné à un mois de prison après avoir traité les gendarmes de lâches et à 6 semaines d'emprisonnement pour avoir déclaré au maire de Nouzon : Je t'emmerde toi et ton écharpe, je suis anarchiste, je ne connais pas ton autorité.
Quant aux frères Mailfait et Midoux, ils ont été condamnés à 6 jours de prison après avoir participé à une rixe dans un bar. Enfin, Paul Jules Mailfait a subi une peine de 2 mois de prison pour coups.
Le Père Peinard justifie leur parcours :
Ils n'ont pas honte pour ça, foutre non. Ils portent la tête haute, comme des révoltés qu'ils sont et quand on viendra dire à l'un de vous : T'es un repris de justice. Répondez lui : c'est plus estimable d'être un repris de justice qu'un conseiller municipal, ou même vice-président des conseillers prud'hommes. C'est plus estimable d'être ça que d'avoir la bassesse d'aller gueuletonner avec les patrons, de s'aplatir devant eux, conservant la chèvre et le chou, tout en faisant croire aux camards qu'on est dévoué à la Sociale.
Les Sans Patrie sont des révoltés. N'ayant rien à perdre, ils sont prêts à aller jusqu'au bout de leurs idées, et plus particulièrement de l'antimilitarisme.
Après quatre mois d'existence le groupe anarchiste subit les foudres de la justice. Une information est ouverte pour association illicite.
Leroux connaît une fin tragique, conduit par deux gendarmes à Nancy, pour être jugé devant la cour d'appel, il tente de s'enfuir en se jetant dans un canal mais ne sachant pas nager, il se noie.
Moray et Mailfait se sont enfuis à Liège. Arrêté par la police belge, Mailfait sera extradé, jugé par le tribunal correctionnel de Charleville le 22 juin et condamné à 8 mois de prison.
Moray est finalement incarcéré à la maison d'arrêt de Charleville, il sera hospitalisé peu après. Remis sur pied, le tribunal correctionnel le condamne le 6 octobre à 8 mois de prison.
Le groupe Sans Patrie faillit ne pas se relever de cette affaire.
SARCEY (Francisque), 1828-1899 :
SARDOU (Victorien), 1831-1906 :
SARRAIL (Maurice), 1856-1929 :
Général et homme politique. Originaire de la Carcassonne, Maurice Sarrail, après avoir servi en Algérie au sortir de Saint Cyr, est admis à l’École de guerre. De 1900 à 1911, il ne quitte pas Paris et occupe des fonctions au cabinet du général André, à l’État-Major de l’Armée et au commandement militaire de la Chambre des députés. Général de division en 1911, il commande le 6ème corps d’armée à la mobilisation en 1914, puis la 3ème armée. Il reçoit en 1915, le commandement en chef de l’armée d’Orient que, dès lors, ses adversaires politiques appèlent « l’Armée du Grand Orienr ». Il est brutalement relevé de son commandement en décembre 1917 et remplacé par le général Guillaumat. Bien qu’on n’ait jamais eu la preuve de son appartenance à la Franc-maçonnerie, la presse nationale le catalogue franc-maçon en raison de sa présence au cabinet du général André, au moment de l’Affaire des Fiches, de ses amitiés et du soutien qu’il apportait à la gauche. En 1919, candidat républicain à Paris, il est battu. Á l’arrivée au pouvoir du gouvernement Herriot, il est replacé dans les cadres de l’activité et maintenu sans limite d’âge comme ayant commandé en chef devant l’ennemi. Il a, entre temps, participé à la création, en 1921, de la Ligue de la République, dont le siège est au Grand Orient de France. Cette organisation, composée de radicaux et de socialistes, a contribué à la victoire électorale du Cartel des Gauche dont Herriot est l’un des leaders. En novembre 1924, il est nommé haut commissaire en Syrie en remplacemeny du général Weygand. Mais, il est rappelé de Beyrouth dand des circonstances qui doivent ulcérer le général et ses amis politiques. Lorsqu’il meurt, ses obsèques ont lieu aux frais de lÉtat, à la demande de la Chambre des députés.
SARRAUT (Albert), 1872-1962 :
Avocat et homme politique. Fils d’Omer Sarraut, maire de Carcassonne et figure de proue du radicalisme méridional, Albert Sarraut est né à Bordeaux le 28 juillet 1872. Il réalise des études juridiques et avec sa thèse sur « Le gouvernement direct en France » en 1899, devient avocat et commence une longue carrière parlementaire. Il appartient au groupe des fondateurs du Parti républicain radical et radical-socialiste et en anime, dès 1901, le secrétariat politique auprès de Gustave Mesureur, René Renoult et Jean-Louis Bonnet. Il devient vite, avec son frère aîné Maurice, un des personnage clé de la vie politique du Sud-Ouest. Tous deux contribuent a faire de La Dépêche de Toulouse un des quotidiens provinciaux les plus importants de France. Le duo se répartit les tâches : Maurice prend la tête du journal tandis qu’albert se présente aux élections législatives avant d’entrer au gouvernement.
Ainsi élu député radical-socialiste de Narbonne en 1902 à trente ans, renouvelé en 1906, ami de Clemenceau, il engage, dès mars 1906, une brillante carrière ministérielle en exerçant les fonctions de sous-secrétaire d’Etat à l’Intérieur dans le cabinet Sarrien. En octobre 1906, il garde cette charge ministérielle dans le gouvernement Clemenceau. Mais en profond désaccord avec la politique menée avec le président du Conseil à l’encontre des manifestations viticoles, au printemps, Albert Sarraut donne sa démission en juin 1907. De fait, le ministre démissionnaire incarne le radicalisme provincial, dépendant de sa clientèle, favorable à l’ordre social et hostile au socialisme, mais attaché à l’esprit de réforme du Bloc des gauches.
Réélu député de Narbonne en 1910, contre un des chefs de l’agitation viticole, le docteur Ferroul, Sarraut s’engage dans d’importantes fonctions administratives et politiques dans l’empire colonial. Gouverneur de l’Indochine de 1911 à 1914 puis de 1916 à 1919, il s’efforce de poursuivre la politique d’intégration économique de la péninsule dans les circuits et les échanges internationaux, tout en manifestant bien des preuves de l’intérêt qu’il porte aux populations indigènes. Il s’y montre soucieux, comme tout radical métropolitain, de développer l’instruction publique. Lorsqu’il quitte l’Indochine, en avril 1919, il affiche sa volonté de voir s’élaborer « une charte indochinoise ».
A la fin de la guerre, il apparaît comme un des présidentiables du Parti radical.
Mais il préfère les fonctions ministérielles qu’il exerce dans différentes combinaisons gouvernementales. Ministre de l’Instruction publique dans les équipes de l’ « Union sacrée », il assume la charge de ministre des Colonies dans les ministères du Bloc national*. Il définit un projet qui, s’il n’a pas toujours d’effet, décrit une politique colonial d’avenir.
En effet, Sarraut est un défenseur qui, selon lui, incarne le rôle civilisateur de la France. Mais il prolonge ce thème traditionnel en mettant l’accent sur une politique de développement qui doit se substituer à l’improvisation des initiatives individuelles. Il souhaite que le gouvernement mette en valeur les principaux centres de production des matières premières et des denrées nécessaires à la métropole qui correspondent aussi aux besoins des indigènes. Il associe les exigences d’une action économique véritable à celle d’une politique sociale dynamique (assistance médicale, hygiène) et de promotion de la population indigène. Enfin, il souligne la nécessité de préparer une autonomie administrative des colonies qui esquisse la décolonisation, afin de sauvegarder « l’essentiel », c'est-à-dire les relations avec la métropole.
Ce projet cohérent et moderne est rejeté par la Chambre des députés. Cependant, comme le révèle la publication de son livre La Mise en valeur des colonies françaises en 1922, Sarraut maintien ses analyses et souligne l’idée et le principe d’une évolution des colonies vers un système de domination britannique.
Sa participation ministérielle aux gouvernements du Bloc national l’écarte des équipes gouvernementales du Cartel des gauches. Mais il retrouve les responsabilités ministérielles avec le gouvernement d’Union nationale de Raymond Poincaré dans laquelle il est ministre de l’Intérieur. Sa participation s’aligne sur les positions nationales du parti : en 1928, après le congrès radical d’Angers, il quitte le gouvernement.
En 1932, dans le cabinet Herriot de « second Cartel des gauches », il reprend le ministère des Colonies. Mais le libéral qu’il a été se mue progressivement en conservateur. S’il demeure attaché à la promotion des sociétés coloniales, il s’inquiète des effets de la crise et souligne la nécessite de protéger l’empire et les apports économiques qu’il fournit à la métropole.
Sarraut constitue le gouvernement en janvier 1936. Ce ministère incertain rassemble toutes les nuances du centre gauche radical qui assume la concentration républicaine au moment où s’engage la campagne électorale qui va assurer le succès du Front populaire. Si les radicaux appartiennent à la coalition des gauches, Sarraut l’a refusé par hostilité au parti communiste. Mais le président du Conseil n’hésite pas à engager le combat contre l’extrême droite en dissolvant les ligues. C’est la crise qui constitue pourtant la menace la plus sensible puisque le 7 mars 1936, Hitler décide de remilitariser la Rhénanie en violation du traité de Versailles. Après avoir préconisé le fermeté, Sarraut se rallie à la temporisation car ni l’opinion française ni les Alliés ne sont prêts à une riposte militaire. Cependant, conscient des risques de plus en plus sérieux que fait peser l’Allemagne nazie, le président du Conseil accélère la ratification du traité franco-soviétique que la droite parlementaire ne voulait pas.
Si Sarraut n’appartient pas au gouvernement de Léon Blum, il refuse une alliance à droite et s’oppose, comme son frère Maurice, aux tentatives de néo-radicalisme. Attaché à une tradition, il ne comprend pas l’activisme de certains radicaux qui se développe dans des régions rurales, et notamment dans le Sud-Ouest.
Il retrouve les cabinets ministériels en 1938-1939 comme ministre de l’Intérieur ou de l’Education nationale. Dans l’Etat de crise intérieure et extérieure, il incarne au sein du Parti radical et au gouvernement le courant qui prétend résister à l’Allemagne. Dans l’équipe dirigée par Edouard Daladier, en 1938-1939, il assume la responsabilité d’une « politique de sécurité » qui, à l’égard des immigrés, prend parfois l’allure de la xénophobie ambiante et qui inspire la surveillance extrême à l‘égard des militants et des dirigeants communistes. En juin 1940, le nouveau président du Conseil Paul Reynaud l’écarte du gouvernement parce que Pétain le trouve trop résistant.
Replié à Toulouse, il ne participera plus à la vie politique. Il meurt à Paris le 26 novembre 1962.
BERNSTEIN (Serge) : Histoire du parti radical, 2 volumes, Paris, Presses de la FNSP, 1980-1982.
LERNER (H.) : La Dépêche, journal de la démocratie, Contribution à l’Histoire du radicalisme en France sous la Troisième République, 2 volumes, Publications de l’Université de Toulouse-le-Mirail, série A, tome 35, 1978.
SARRAUT (Maurice), 1869-1943 :
Homme politique. Frère aîné d’Albert Sarraut, Maurice Sarraut devait avoir une carrière politique en apparence beaucoup plus terne que celle de son cadet, mais un rôle sans doute beaucoup plus fondamental, même si par tempérament, il fuit les honneurs et le dvant de la scène. C’est en 1889, à 20 ans, que Maurice sarraut entre à La Dépêche, fondée en 1870, comme rédacteur départemental pour l’Aude. Il devient ensuite secrétaire de rédaction à Toulouse en 1891, puis en 1892, vient à Paris pour prendre en main l’agence parisienne du journal qu’il développe remarquablement. Devenu le beau-frère d’Arthur Huc, directeur de La Dépêche, il y asseoit sa situation. En même temps, il reprend en main le radicalisme audois et fonde en 1903 la fédération radicale de l’Aude. Son ascendant est tel qu’il est élu sénateur de l’Aude en décembre 1913, alors qu’il vit à Paris, qu’il n’a ni posé sa candidature, ni fait campagne. Engagé durant la guerre, il sert comme lieutenant d’état-major. Régulièrement réélu au Sénat, il y fait un travail sérieux de parlementaire assidu. Mais il est clair que son intérêt va moins à sa tâche parlementaire qu’à son activité de journaliste et à l’influence qu’elle lui procure. En 1920, il devient co-directeur de La dépêche. Par ce canal, il s’impose peu à peu comme l’inspirateur et le véritable chef de file du radicalisme du sud-ouest, et – le radicalisme étant majoritaire dans cet ensemble – le maître occulte d’un quart le territoire national. Il est en même temps directeur de conscience de son frère Albert dont il sonseille les prises de positions politiques, et dans un congrès radical, celui-ci rend directement hommage à son frère qu’il tient pour son maître à penser et le garant de ses sentiments républicains : « Si je faiblissais, si j’étais tenté de faiblir, si j’étais poussé à quelque cinversation vers la droite, un homme que vous connaissez tous et que vous aimez se dressait devant moi pour me barrer la route en s’écriant : pas ça ou pas toi ! ». Considéré par les radicaux comme une de leurs consciences les plus respectées, Maurice Sarraut est porté en 1926 à la tête du parti radical à la suite du conflit qui oppose Herriot à la gauche du parti et aux amis de Caillaux après la formation du gouvernement d’union nationale. S’il accepte ces fonctions pour éviter un écletement du parti et un combat entre les leaders, il met à cet accord une condition, celle que son mandat soit limité à une année. Et, de ce fait, dès 1927, il cède la place à Edouard Daladier. Ce même refus de jouer les premiers rôles et la détermination de choisir son journal plutôt qu’une carrière de premier plan apparaissent en mars 1932 lorsque Maurice Sarraut donne sa démission de sénateur de l’ude pour se consacrer entièrement à la direction de La Dépêche après la mort de Huc. Désormais, Maurice Sarraut se maintient dans le rôle de directeur de journal et d’éminance grise du radicalisme du sud-ouest. Toutefois à partir de 1936, ce républicain de tradition s’inquiète de la montée dans le parti, et et particulièrement dans les fédérations du sud-ouest, d’un néo-radicalisme qui lui paraît fort éloigné du radicalisme des origines. Sur les jeunes générations qui s’affirment à la tête du parti radical, y compris dans l’ude où monte l’étoile de Jean Mistler, son influence décline. A la veille de la guerre, si l’audiance de La Dépêche demeure considérable, le rôle de Maurice Sarraut s’amenuise. En juillet 1940, Sarraut accepte sans protester les transformations constitutionnelles qui mettent en place le régime de Vichy. Bien que ses réticences envers celui-ci ne cessent de s’accroître, elles ne l’empêchent pas de continuer à faire paraître La Dépêche. Il refuse de participer à la tentative de reconstitution du parti radical en mars 1941 par quelques libéraux vichystes, mais il semble avoir quelques contactes avec Pierre Laval qui tente d’élargir sa base politique en s’efforçant d’attirer à lui quelques Républicains. Quoique Maurice Sarraut ne réponde pas aux avances de Pierre Lavl, elles sont sans doute à l’origine de son assassinat par un homme de main de la LVF le 2 décembre 1943, dans le but de détourner Laval de toute velléité d’alternative à la collaboration.
BERNSTEIN (Serge) : Histoire du parti radical, 2 volumes, Paris, Presses de la FNSP, 1980-1982.
LERNER (H.) : La Dépêche, journal de la démocratie, Contribution à l’Histoire du radicalisme en France sous la Troisième République, 2 volumes, Publications de l’Université de Toulouse-le-Mirail, série A, tome 33, 1978.
SARRE (problème de la) :
Région minière et industrielle de l’Allemagne, située au Nord d la Lorraine et à l’est du Luxembourg. A la fin de la Première Guerre mondiale, Clemenceau réclame son annexion à la France sous prétexte qu’elle a été française de Louis XIV à 1815, mais les alliés refusent de créer en Sarre une « nouvelle Alsace-Lorraine ». Le traité de versailles, par ses articles 49 et 50, place le territoire de la Sarre pour quinze ans, à dater du 10 janvier 1920, sous administration de la SDN en attendant que les Sarrois se prononcent par plébiscite sur leur avenir. Toutefois, la propriété des mines de la Sarre est transférée à la France en dédommagnement de la destruction des mines du Nord et du Pas-de-Calais. Le plébiscite organisé en Sarre le 13 janvier 1935 donne aux Sarrois le choix entre le maintien de l’administration internationale, le rattachement à la France ou le rattachement à l’Allemagne. La consultation se déroule sous le contrôle de la SDN, mais avec un énorme déploiement de propagande des organisations nazies qui bénéficient de l’appui du gouvernement du Reich. Par 90, 5% des voix, les Sarrois se prononcent pour le rattachement à l’Allemagne qui devient effectif le 1er mars 1935. Conformément aux stipulations du traité de versailles, l’Allemagne rachète à la France les mines de charbon sarroises.
DUROSSELLE (J-B) : Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, Paris, Dalloz, 1971.
SARRIEN (Jean-Marie, Ferdinand), 1840-1915 :
Homme politique. Né à Bourbon-Lancy (Saône et Loire), le 15 octobre 1840, fils d’un tanneur devenu maire de sa commune, Jean Sarrien fait ses études de droit à Paris et combat comme capitaine dans la guerre franco-prussienne de 1870-1871. De retour dans sa commune natale, il succède à son père à la mairie. A partir de là, ce républicain de conviction, attaché à la définition parlementaire du régime, laïque convaincu, mais de tempérament modéré, opposé à tout excès, devait se construire en Saône-et-Loire une position politique inexpugnable, disposant d’un réseau de notables, d’élus, de clients qui assurent sa pérennité politique et constitue un modèle de l’implantation des notables républicains au début de la IIIème République. Jusqu’au début du XXème siècle, Sarrien participe ainsi à tous les combats du régime, sans cependant jamais jouer un rôle de premier plan, dépourvu qu’il est de tout charisme de chef, mais disposant d’une influence non négligeable au sein des hommes du centre gauche.
Révoqué de ces fonctions de maire par le gouvernement d’Ordre moral conduit par de Broglie en 1873, il retrouve son fauteuil aux élections municipales qui suivent. En 1876, il est élu député de Saône-et-Loire et ne cessera ensuite de représenter son département au Parlement. Très vite, ce notable républicain devient président du groupe parlementaire de la Gauche radicale, qui rassemble les radicaux modérés, disposés, à la différence des radicaux intransigeants, à participer aux gouvernements républicains. De fait, entre 1885 et 1888, Sarrien devient membre incontournable de plusieurs gouvernents, détenant successivement les portefeuilles des Postes, de la Justice et de l’Intérieur. Mais il demeure lié au radicalisme et appartient comme ministre de l’Intérieur au ministère radical de Léon Bourgeois de 1895-1896. Alors qu’éclate l’affaire Dreyfus, ses sentiments républicains conduisent le président du Coneil Henri Brisson à lui confier le ministère de l’Intérieur.
Toutefois sa modération et sa crainte de l’enrégimentement conduisent Sarrien à demeurer en marge du parti radical lors de sa formation en 1901 et à rester sur la réserve face à l’anticléricalisme militant de la période combiste et à la séparation de l’Église et de l’État. La recherche de l’apaisement après les violentes luttes politiques du combisme explique que le président de la République Armand Fallières fasse aapel à Sarrien comme président du Conseil à la veille des élections de 1906.
Intermède entre les longs ministères Waldeck-Rousseau, Combes et Clemenceau, le ministère Sarrien est tombé dans l’oubli. On retiendra simplement les mots du Tigre proférés à son encontre « Ca ? Rien ! ».
Président du Conseil du 14 mars au 25 octobre 1906, Sarrien reste un personnage plutôt effacé donc, mais bénéficiant d’un large réseau d’influence. Sarrien parvient à grouper autour de lui un cabinet prestigieux, peut-être le plus brillant de la IIIème République, regroupant les ténors des différentes sensibilités politiques. Léon Bourgeois, le père du solidarisme, prend les Affaires étrangères, Poincaré les Finances, Barthou les Travaux publics, Postes et Télégraphes ; les prometteurs Doumergue, Leygues et Sarraut détiennent respectivement le Commerce et l’Industrie, les Colonies et un sous-secrétariat d’Etat à l’Intérieur. Surtout, il ouvre pour la première fois la porte du gouvernement à deux personnalités de la République parlementaire : Briand (Cultes) et Clemenceau.
Au final, le ministère regroupe neuf futurs et anciens présidents du Conseils, dont deux futurs présidents de la République (Poincaré et Doumergue). C’est d’abord la qualité de cette équipe et la force de caractère de ces membres qui expliquent l’effacement de Sarrien. Briand gère avec finesse les suites de la Séparation des Eglises et de l’Etat tandis que Clemenceau affronte la vague de protestation sociale qui secoue violemment le pays et mène la bataille législative qui se prépare, accablant de sarcasmes le président du Conseil, « borne à laquelle on attache le char de l’Etat quand les chevaux sont fatigués », selon ses propres termes.
Le ministère peut se targuer d’avoir soldé l’affaire Dreyfus en réhabilitant pleinement l’honneur du condamné. La cour de cassation ayant innocenté l’intéressé, Sarrien, le 13 juillet 1906 fait voter deux lois réintégrant Dreyfus au grade de chef d’escadron et Picquart à celui de général de brigade. Dans la foulée, les cendres de Zola sont transférées au Panthéon. La page est enfin tournée.
Concernant la séparation des Eglises et de l’Etat, Briand ordonne de suspendre les inventaires en cas de résistance et multiplie les concertations afin de sortir de l’impasse. Calmées sur le front religieux, les tensions reprennent sur le terrain social avec la grande grève de mineurs qui dégénère en affrontements violents, entraînant la mort d’un officier. Le mouvement, parti du Pas-de-Calais, rebondit dans le nord. Pour y mettre fin, Clemenceau utilise la manière forte en faisant donner la troupe et arrêter plusieurs leaders syndicaux. Le 1er mai, il mobilise ainsi près de 50.000 soldats qui tiennent en respect les manifestants cornaqués par la CGT. La fermeté déployée provoque la décrue du mouvement contestataire et séduire visiblement l’électorat, puisque la majorité remporte haut la main les législatives de mai. Après la répression, le gouvernement favorise la réforme en faisant voter la loi du 10 juillet 1906 qui institue le repos hebdomadaire obligatoire. On retrouve la encore la patte habile de Clemenceau qui fait plus que jamais figure de président in partibus et vient encore se distinguer par une série de joutes oratoires homériques contre Jaurès.
Usé par la maladie – il souffre d’entérite chronique – Sarrien lui laisse la première place en démissionnant le 17 octobre, quatre jours après le vote de la Charte d’Amiens qui affirme l’indépendance syndicale par rapport aux partis politiques. Sarrien termine sa carrière politique comme Sénateur de Saône-et-Loire où il est élu en 1908, mandat qu’il conservera jusqu’à sa mort à Paris le 28 novembre 1915 sans plus jamais exercer des fonctions de premier plan.
KAYSER (J.) : Les grandes batailles du radicalisme, Paris, Marcel Rivières, 1961.
SATIE (Erik), 1866-1925) :
Alfred Erik Leslie-Satie est né à Honfleur le 17 mai 1866. Son père est un courtier maritime qui a épousé une écossaise quelques années auparavant. L'enfant est baptisé dans la religion anglicane. En 1870, les Satie s'établissent à Paris, où sa mère décède deux années plus tard. Erik Satie est bientôt de retour à Honfleur et placé chez ses grands-parents. Dans ce petit port normand, il prend ses premières leçons de musique. Son professeur, l’organiste Vinot, est un ancien élève de l’école Niedermayer, qui lui donne le goût de la musique médiévale. En 1878, un drame familial, le décès accidentel de sa grand-mère, décide de son rappel à Paris. Son père, qui s’est remarié entre temps, confie alors l’éducation musicale de son fils à sa nouvelle épouse, professeur de piano. Erik Satie fait ensuite son entrée au Conservatoire de Paris, les cours de piano, de solfèges mais également d’écriture lui étant dispensés par Albert Lavignac. Cependant Satie s’attache d’avantage à organiser des chahuts au sein de l’institution. Il en est renvoyé sans avoir pu passer son diplôme.
Le musicien effectue alors son service militaire au 33e régiment d’infanterie d’Arras, une nouvelle vie qui ne convient guère à son caractère farouchement indépendant. Après s’être exposé la nuit, torse nu, Erik Satie contracte une pleurésie qui lui permet de revenir à Paris. Installé à Montmartre, il trouve alors à s’employer comme "tapeur à gages" dans différents cabarets de la Butte, au Chat Noir de Rodolphe Salis puis à l’auberge du Clou à partir de 1891. Dans l'établissement, Satie accompagne pendant quelques temps la chanteuse Paulette Darty. Au cours de ces nuits agitées, il fait également connaissance avec quelques membres éminents de la bohème parisienne : Aristide Bruant, Claude Debussy, Roland Dorgelès, Suzanne Valandon et son fils Utrillo, ...
Le poète Contamine de la Tour le fait entrer au sein de la secte des Rose-Croix, placée sous l’autorité du mage Joseph Péladan, dit Sâr. Le musicien anime d’ailleurs par ses mélodies les réunions de la société rosicrucienne... De cette époque datent ses premières œuvres : les Ogives en 1886, les Sarabandes l’année suivante et surtout les Trois Gymnopédies en 1888. Celles-ci sont marquées par cette ambiance mystique dans laquelle vit l’artiste. Il en sera de même avec les Six Gnosiennes, composées entre 1890 et 1897. Alors qu’il rompt avec Péladan, Satie fonde l’Église Métropolitaine d’Art de Jésus Conducteur (!), dont il sera le seul adepte et l'unique rédacteur du bulletin paroissial. En 1894, il rédige le Prélude de la Porte Héroïque du Ciel.
Deux années de silence décident d’une nouvelle orientation de sa sensibilité. Les deux recueils de Pièces froides en 1897 puis Jack in the Box deux années plus tard, tous deux destinés au cabaret ou au music-hall, sont davantage chargés d’humour. Le compositeur accompagne à l’occasion le chansonnier Vincent Hyspa ou rédige des valses pour la chanteuse Paulette Darty, de "rudes saloperies" selon son expression. Erik Satie gagne maigrement sa vie. Il traverse une profonde crise morale que n’arrange pas le succès de son ami Claude Debussy. Reclus dans sa chambre d’Arcueil, le rosicrucien repenti vit à présent isolé au milieu de ses pianos et de sa collection de parapluies.
Après les Trois Morceaux en Forme de Poire, Satie se décide enfin à reprendre son apprentissage de la musique. A partir de 1905, le musicien fréquente ainsi la classe d’Albert Roussel à la Schola Cantorum. Il obtiendra un diplôme de contrepoint après trois années d’assiduité au sein de l’institution. Dans les années qui suivent, sont publiées quelques-unes de ses œuvres, mais l’ensemble est dépourvu de profondeur musicale. Elles se démarquent cependant par l’humour des textes qui les accompagnent. Ainsi en est-il des Aperçus désagréables, des quatre pièces intitulées En Habit de Cheval, des Préludes flaques, des Descriptions automatiques ou des Embryons desséchés rédigés entre 1912 et 1915.
Connu d’un petit cercle d’initiés, le compositeur se fait bientôt apprécier d’un public plus large, avide maintenant d’anticonformisme. La représentation de Parade, le 18 mai 1917, à la salle du Châtelet contribue à asseoir cette nouvelle notoriété. Choisie par les Ballets Russes de Dahgilev, la pièce est jouée par le chef Ernest Ansermet. Participent à l’entreprise aux côtés de Satie quelques-uns des artistes en vue du moment. Le peintre Pablo Picasso signe les décors, le poète Guillaume Apollinaire le programme, Jean Cocteau l’argument, le chorégraphe Léonide Massine le ballet. Le scandale que représente l’utilisation incongrue de bouteilles accordées à l’eau, d’un revolver, d’une machine à écrire ou d’une roue de loterie aux côtés de l’orchestre lui assure alors la célébrité.
Erik Satie est élevé à la hauteur d’un chef d’école, au même titre que Debussy, par le groupe des Nouveaux Jeunes qui se constitue alors. Il poursuit dans la voie du succès avec Socrate au mois de janvier 1920. Pourtant cette cantate scénique n’est autre que la mise en scène de la lecture de textes platoniciens sur une mélodie de circonstance. Quelques années plus tard, au mois de décembre 1924, est créée l’ultime œuvre d’Erik Satie au Théâtre des Champ-Elysées. Ce ballet instantanéiste, baptisé Relâche, est mis en scène par les Ballets suédois de Rolf de Maré sur un argument de Francis Picabia. Pendant la représentation, les spectateurs sceptiques purent également voir un film dada, Entr’acte, signé René Clair. Erik Satie décède le 1er juillet 1925 à l’hôpital Saint-Joseph.
SAUERWEIN (Jules), 1880-1967 :
Dplomate et journaliste. Né à Marseille en 1880, Jules Sauerwein est secrétaire à l’ambassade de France à Vienne de 1905 à 1908 puis il est directeur des services étrangers au Matin de 1903 à 1931 et publie, par la suite, de nombreux reportages dans Paris-Soir. Correspondant spécial du New-York Herald Tribune et du New-York Times, conférencier à l’Université de Chicago, il est l’auteur de Où va l’Amérique ?, de Monarchies d’hier ou de demain et de Souvenirs d’un journaliste.
SAY (Léon), 1826-1896 : Homme politique et homme d’affaires. Léon Say, né à Paris le 6 juin 1826, est le petit-fils de l’économiste Jean Baptiste Say. Oppossant au Second Empire, il est élu député de l’Assemblée nationale en février 1871, puis nommé préfet de la Seine. Proche de Thiers, il est ministre des Finances de 1872 à 1873 et retrouve ce poste de 1875 à 1879 avec une interruption de mai à décembre 1877. Dans ces fonctions, Léon Say est l’artisan, sous l’autorité de Thiers, du règlement rapide de l’indemnité de guerre exigée par l’Allemagne. Politiquement, Léon Say fait partie de ces orléanistes qui vont se rallier à la République, à condition qu’elle soit conservatrice, et constituer ce centre-gauche qui joue un rôle fondamental dans la vie du régime à ses origines. Ambassadeur pendant quelques semaines à Londres en 1880, président du Sénat le 25 mai 1880, il quitte le Sénat pour se faire nommer député antiboulangiste en 1889 : il devient rédacteur au Journal des Débats et nommé membre de l'Académie des Sciences morales et politiques en 1874. Socialement, il est un des représentants de ces dynasties bourgeoises qui ont su établir une influence prépondérante sur la République à la fin du XIXème siècle : important actionnaire des chemins de fer du Nord, ami des Rothschild, c’est un homme d’affaires, foncièrement libéral, devenu un technicien des finances. A la différence de nombre d’hommes politiques du centre-gauche dont la carrière se termine en 1879, Léon Say va poursuivre la sienne sous la République des modérés. Élu sénateur des Basses-Pyrénées de 1876 à 1889, il retourne à la Chambre des députés après cette date jusqu’à sa mort. En 1882, il est à nouveau ministre des Finances. Toutefois, il n’approuve pas l’évolution des Républicains vers le protectionnisme et il est le fondateur d’un nouveau groupe de la Chambre, l’Union libérale, qui combat la taxation des blés, le nouveau tarif général des douanes proposé par Méline et ne perd pas une occasion de défendre le libéralisme économique. En désaccord sur ce point avec les progressistes, il les soutient en revanche dans leur lutte contre les socialistes, ne cessant de rompre des lances avec Jaurès à la Chambre à la fin de sa vie et de publier des ouvrages hostiles au socialisme. Elu à l'Académie le 11 février 1886 en remplacement d’Edmond About et reçu par Edmond Rousse le 16 décembre 1886, il meurt à Paris le 21 avril 1896.
MAYEUR (Jean-Marie) : La vie politique sous la IIIème République, Paris, Éditions du Seuil, 1984.
SAVORGNAN DE BRAZZA (Pierre), 1852-1905 : Explorateur. Né le 25 janvier 1852 à Castel Gandolfo (Italie), Pierre Savorgnan de Brazza est le septième fils d’une riche et noble famille italienne. Dès son plus jeune âge, le jeune Savorgnan est bercé par les récits de voyage paternels. Encouragé par son précepteur, il va donc préparer à Paris, au collège Sainte Geneviève, le concours d’entrée à l’Ecole Navale. Admis à titre d’étranger en décembre 1868, il n’a pas encore dix-sept ans quand il fait son entrée à l’École navale à Brest pour embrasser une carrière militaire dans la Marine française. Lorsque éclate la guerre de 1870, Pierre n’est encore qu’un élève aspirant en passe d’être affecté à l’escadre de l’Atlantique Sud. Mais pour prendre part au conflit, il demande conjointement une affectation à une unité combattante de la flotte et sa naturalisation française. Sa première demande satisfaite, Pierre se retrouve sur La Revanche, un cuirassé d’une des escadres de la mer du Nord. A la fin des hostilités et une fois la IIIe République instaurée, il est mis à disposition des forces navales de l’Atlantique Sud et rallie la frégate Vénus, un navire en charge de la surveillance côtière du Gabon pour y réprimer la traite des Noirs devenue illégale.
En 1874, son navire croise ainsi au large de l’embouchure du fleuve Ogooué. C’est à ce moment là que va naître en lui, avec évidence, un projet d’expédition à l’intérieur du continent africain : remonter l’Ogooué pour prouver que son cours et celui du fleuve Congo ne font qu’un. Un projet qu’il va jusqu’à soumettre en juin de la même année au ministère de la Marine et des Colonies et qu’il finira par aller défendre en personne rue Royale à Paris. A cette occasion, il est informé que sa demande de naturalisation française, faite trois ans plus tôt, est acceptée. Seulement les conséquences de cette naturalisation risquent de contrarier sérieusement ses projets : le privant en principe de ses grades acquis à titre d’étranger, il lui faut en effet, pour demeurer dans la marine française, obtenir le brevet de capitaine au long cours. Ce diplôme doit lui permettre de réintégrer la Navale avec le grade d’enseigne de vaisseau auxiliaire. Pour préparer son brevet, il est alors contraint de séjourner plusieurs mois à Paris. Ses examens passés avec succès, il retourne dans la Marine française à la faveur de précieuses relations au ministère. Surtout, le 15 février 1875, il obtient un ordre de mission pour explorer l’Ogooué.
De retour sur le continent africain, muni de l’ordre du ministère de la Marine, Pierre Savorgnan de Brazza arme un petit bateau à vapeur à Libreville et part le 3 novembre 1875 à la découverte des rives du fleuve Ogouué, flanqué de deux compagnons et de quelques porteurs africains. Le 10 février 1876 l’expédition rejoint Lopé. Puis dix-huit mois plus tard, en juillet 1877, après de multiples palabres avec les rois et chefs de tribus locaux, elle atteint le confluent de l’Ogooué avec la rivière Passa. Au-delà, sa progression est stoppée par des chutes d’eau et des rapides. Le jeune explorateur doit alors se rendre à l’évidence : l’Ogooué ne peut être confondu avec le Congo. Surtout le fleuve n’est pas la grande voie navigable de pénétration à l’intérieur du continent qu’espéraient les autorités françaises. Malgré ce premier constat d’échec, l’expédition poursuit sa route en remontant le cours du N’Gambo, un affluent de l’Alima, un autre fleuve baptisé ainsi par la population locale. Mais le 11 août, exténués et affaiblis par la maladie, Brazza et ses compagnons, doivent rebrousser chemin.
Rapatrié à Paris, l’insatiable et imperturbable explorateur ne tarde pas à remettre sur pied une nouvelle expédition aux allures de défi. A l’époque, un journaliste du New York Herald, connu sous le nom de Stanley, parti pour le compte de son journal à la recherche du missionnaire britannique Livingstone porté disparu dans la région des grands lacs africains, est non seulement parvenu à retrouver le citoyen de sa Majesté mais a aussi emprunté sur son retour le cours du fleuve Congo. Aussi, le roi Leopold II, qui nourrit l’ambition de donner des colonies à la Belgique, a-t-il mandaté début 1879 le journaliste héroïque pour conduire une mission africaine destinée à la constructionFace à cette pressante menace de visées coloniales belges sur le continent africain, Pierre Savorgnan de Brazza obtient cette fois du ministre de l’Instruction publique, Jules Ferry, fervent partisan de l’expansion coloniale, un soutien financier de 100 000 francs à son nouveau projet. Moyennant quoi, il embarque pour l’Afrique le 27 décembre 1879 afin de préparer une expédition de plus grande ampleur. Au cours de sa seconde remontée du cours de l’Ogooué, il reçoit une invitation du roi des Batékés, Makoko, qui lui réserve un accueil princier. L’extraordinaire humanisme du jeune français lui gagne l’amitié et la confiance des indigènes. Pierre Savorgnan de Brazza obtient cordialement du roi Makoko la concession de son territoire à la France. Un traité de protectorat de la France est signé le 10 septembre 1880. L’expédition installe alors à proximité un poste sur le fleuve baptisé N’Tamo, qui plus tard donnera naissance à la ville de Brazzaville. Après avoir traversé les plateaux Batéké et rejoint le Congo, Pierre découvre par hasard les sources de l’Ogooué tant recherchées, en tentant de rallier l’océan depuis le poste de Franceville.De retour en France, via Portsmouth en Grande-Bretagne, il se bat pour faire reconnaître ses découvertes et ameute l’opinion publique à grands renforts de réunions publiques et d’interviews aux grands journaux français et étrangers. Résultat, le 30 novembre 1882, une loi par laquelle les Chambres ratifient le traité d’amitié signé entre le roi Makoko et lui, est promulguée. Les régions découvertes au cours de son expédition sont donc officiellement placées sous protectorat français. Un mois plus tard, de nouveaux crédits lui sont votés afin d’organiser une troisième expédition. Placée sous son autorité, elle a pour objectif la création de nouveaux postes destinés à sécuriser les voies de communication. Pierre Savorgnan de Brazza est nommé lieutenant de vaisseau pour l’occasion et se voit conférer le titre de commissaire général de la République dans l’Ouest africain. En 1885 enfin, l’Acte général de la conférence de Berlin reconnaît tous les droits de la France sur le Congo. Et au mois de novembre de la même année, l’explorateur est nommé commissaire général du gouvernement dans le Congo français. Une fonction qu’il occupera jusqu’en 1897. Il s’emploie au cours de ces années à organiser la colonie qu’il a contribué à créer. Cependant, critiqué dans ce rôle d'administrateur, il est mis en disponibilité en 1898 avant de démissionner au mois de mai 1901.
Quelques années plus tard, l’explorateur est mis à nouveau à contribution. A la suite de scandales financiers, la France le sollicite pour se rendre au Congo et y effectuer un voyage d'inspection. Les conditions coloniales se sont détériorées, l’esclavagisme sévit encore. Certains féticheurs lui confirment d’ailleurs sur place, au travers de leurs danses, les exactions commises le long des rives du fleuve Congo. Alors qu’il rentre en France pour rendre compte de la situation, Pierre Savorgnan de Brazza meurt subitement pendant son voyage, à Dakar, le 14 septembre 1905. Il est inhumé en Algérie. Brazza a laissé de ses voyages une relation vivante et pittoresque, Explorations dans l’Ouest africain, essentielle pour la connaissance de son œuvre de colonisateur pacifique.
CHAMBRUN (Général de) : Brazza, Paris, 1930.
MARAN (René) : Savorgnan de Brazza, Paris, 1951.
SCHWOB (Marcel), 1867-1905 :
Marcel Schnob fut, dans la dernière décennie du dix-neuvième siècle, l’une des grandes figures de la vie littéraire parisienne. Issu d’une bourgeoisie juive très cultivée, passionné par l’oeuvre de François Villon, par les littératures antiques et anglo-saxonnes, lecteur d’une curiosité et d’une érudition immense, journaliste et chroniqueur de talent, traducteur ambitieux (Shakespeare, De Foe, De Quincey), il s’impose comme un maître de la prose symboliste grâce à ses recueils de contes (Coeur double, Le roi au masque d’or, La croisade des enfants), où une veine fantastique se mêle à un goût pour les modestes, les marginaux de l’Histoire, dans une écriture limpide et précise. Il est l’ami de jeunes écrivains qui s’appellent Gide, Valéry, Claudel, Jarry. Puis ce sont les oeuvres majeures : Le livre de Monelle en 1894, que lui inspire son amour malheureux pour une ouvrière morte très jeune, recueil inclassable d’aphorismes et de contes, influencé par l’oeuvre de Dante, qui met en scène différentes figures de la femme-enfant, et célèbre le culte de l’instant, dans un mélange d’hédonisme, de cruauté et de pitié. Schwob se fâche bientôt avec Gide, à qui il reproche de l’avoir plagié dans Les nourritures terrestres. En 1896 il publie un recueil de ses principales chroniques, Spicilège ; et surtout les Vies imaginaires, vingt-deux portraits de destinées singulières au fil des époques, nouvelles et poèmes en prose à la fois, commençant avec Empedocle dieu supposé, s’achevant avec MM. Burke et Hare assassins. Cette tentative de reconstruction du réel par l’imaginaire et le détournement (souvent ironique) de l’érudition parvient à une synthèse du réalisme et du symbolisme fantastique. Peu à peu se dégage une réflexion unique sur les modes de création, le rapport entre l’artiste et le réel, en particulier au travers des figures rêvées du poète Lucrèce, du romancier Pétrone, du poète rival de Dante Cecco Angiolieri, du peintre Paolo Ucello, et du tragédien Cyril Tourneur. Schwob n’a que trente ans ; il est célèbre, mais très malade. Il s’enferme dans la réclusion, la détresse et l’errance, cesse pratiquement de publier. Il part sur les traces de R.-L. Stevenson à Samoa, d’où il adresse à sa femme des lettres magnifiques qui forment un véritable journal de voyage. Revenu à Paris et profitant d’une rémission il prépare un grand livre sur Villon, projet auquel sa mort prématurée met fin, à l’âge de 37 ans. L’influence de son oeuvre est considérable et méconnue. Dans le numéro unique de la Revue immoraliste le jeune Apollinaire rend hommage à un "écrivain remarquable" dont il s’inspirera pour ses textes en prose (L’hérésiarque et cie). L’influence de Schwob est très sensible chez les surréalistes et André Breton, chez Antonin Artaud (Heliogabale ou l’anarchiste couronné) et Michel Leiris (Aurora). Mais le plus illustre des élèves de Schwob est argentin : si certains ont remarqué que les Vies imaginaires paraissent anticiper l’univers de Borges, c’est pour ignorer que ce dernier, lecteur de Schwob à l’âge de vingt ans, a reconnu tardivement la dette capitale qu’il devait à son aîné, démarquant les Vies imaginaires dans son premier recueil de nouvelles, L’histoire universelle de l’infamie. En réalité l’emprise des modes de création, de la réflexion esthétique et philosophique de Schwob est diffuse dans toute l’oeuvre de Borges, qui, en quelque sorte, éclaire du vingtième siècle les livres d’un précurseur trop tôt disparu. L’un des derniers textes que Borges se fit lire, quelques jours avant sa mort à Genève en 1986, est l’essai que Remy de Gourmont avait consacré à Schwob et aux Vies imaginaires. "La vie est trop pauvre pour ne pas être, aussi, immortelle" : cette phrase de Borges fut sans doute inspirée par la figure de Schwob, dont le destin et l’art hésitent entre fugacité et éternité.
SCÉLÉRATES (Lois) :
On comprend sous le terme génétique de Lois scélérates trois lois distinctes : la loi du 12 décembre 1893 ayant pour objet de modifier la loi du 29 juillet 1881 sur la presse; la loi du 18 décembre 1853 sur les associations de malfaiteurs ; la loi du 28 juillet 1894 ayant pour objet de réprimer les menaces anarchistes.
Les deux premières ont été présentées par Casimir Perier et Antonin Dubost, la troisième par Charles Dupuy et Guérin. Dirigées contre les anarchistes, elles ont eu pour résultat de mettre en péril les libertés élémentaires de tous les citoyens. Elles permettent au premier «gouvernement fort» qui surviendra de tenir pour nulle la loi de 1881, loi incomplète, mais libérale et sensée dans son ensemble, et l'une des rares lois républicaines de la République. Elles abrogent les garanties conférées à la presse en ce qu'elles permettent la saisie et l'arrestation préventive ; elles violent une des règles de notre droit public en ce qu'elles défèrent des délits d'opinion à la justice correctionnelle ; elles violent les principes du droit pénal en ce qu'elles permettent de déclarer complices et associés d'un crime des individus qui n'y ont pas directement et matériellement participé ; elles blessent l'humanité en ce qu'elles peuvent punir des travaux forcés une amitié ou une confidence, et de la relégation un article de journal.
Le samedi 9 décembre 1893, Vaillant lançait, dans l'hémicycle de la Chambre des députés, cette bombe qui n'interrompit pas la séance. Le lundi 11 décembre, Casimir Perier, pour sauvegarder à la fois «la cause de l'ordre et celle des libertés publiques» et «considérant que la fermeté ne peut exister sans le sang-froid », soumettait à la Chambre un ensemble de mesures répressives, et lui demandait de discuter aussitôt la plus urgente : la loi sur la presse. Le garde des sceaux Dubost montait alors à la tribune et exposait l'économie de ce projet de loi. Alors que la loi sur la presse ne punit que la provocation directe aux faits qualifiés crimes, le nouveau texte frappait la provocation indirecte, c'est-à-dire l'apologie. Les pénalités étaient élevées. Dans tous les cas - exception faite pour les délits contre la sûreté intérieure de l'État - le juge pouvait, contrairement au principe posé par l'article 49 de la loi du 21 juillet 1881, ordonner la saisie et l'arrestation préventive. Un délit nouveau, de nouvelles peines, une procédure nouvelle, c'était là matière à discussion. Dubost lut le texte et, après cette lecture rapide d'un texte compliqué, invita la Chambre, en posant la question de confiance, à décider l'urgence et la discussion immédiate et à voter, séance tenante, le projet de loi du gouvernement. La Chambre ne lui opposa pas une vive résistance. Goblet parut à la tribune. Il reprocha au ministère de rétablir dans les lois, après vingt-trois ans de République, les vieux délits qu'elle s'était fait honneur d'avoir supprimés. Il combattit la discussion immédiate. Il affirma que la Chambre paraîtrait manquer de sang-froid, et même d'une certaine élégance, en votant fiévreusement des lois de répression après le crime commis dans son enceinte. Camille Pelletan demanda le renvoi au lendemain. De Ramel, plus modeste, mais craignant, quelle que fût l'urgence, «que la Chambre ne semblât céder a un sentiment d'affolement en votant un texte dont elle avait à peine entendu la lecture», demanda qu'une commission fût nommée sur le champ et déposât son rapport dans la séance même. Jullien implora une simple suspension de séance, une suspension d'une demi-heure «pour donner la possibilité de lire le texte de loi déposée». A ces divers orateurs, Casimir Perier, soutenu par les applaudissements frénétiques du centre, répondit en posant plus impérieusement la question de confiance. La Chambre obéit. Par 404 voix contre 143, elle repoussa le renvoi au lendemain ; par 389 voix contre 156, elle refusa de suspendre sa séance. La discussion de ce texte difficile, qui n'avait été ni imprimé ni distribué, mais à peine lu du haut de la tribune, commença. Elle ne fut pas longue. Pour critiquer, il faut connaître : l'ignorance générale arrêta les objections. Pourquery de Boisserin demanda quelques explications sur l'article 1er. Le garde des sceaux répondit en lisant les placards libertaires et un extrait de la Revue Anarchiste. Jullien demanda qu'en cas d'arrestation préventive le juge d'instruction fût tenu de rendre une ordonnance de renvoi ou de relaxer le prévenu dans les 24 heures. Le garde des sceaux répondit d'un mot et se refusa à discuter la proposition de Jullien «qui n'en avait pas apporté le texte à la tribune». Il y a dans cette réponse une certaine ironie involontaire que l'on goûtera. Ce fut tout. 413 voix contre 63 adoptèrent, après une discussion d'une demi-heure, un texte capital ; qui modifiait une loi votée après deux ans de travaux parlementaires, qui touchait aux principes les plus certains du droit public. La pression du ministère avait tout emporté. La Chambre avait cédé sous la menace d'une crise. Nous retrouverons ces procédés-là. Les scrutins sont faciles à analyser. Contre le ministère : les socialistes et quelques radicaux (Brisson, Goblet, Pelletan, Mesureur, Guieysse). Pour lui : le reste de la Chambre, y compris Bourgeois et Cavaignac. Ainsi se forment les hommes d'État démocratiques. La loi votée par la Chambre fut portée au Sénat sans désemparer ; le Sénat déclara l'urgence et renvoya la discussion au lendemain 12 décembre. Trarieux fut nommé rapporteur. La loi fut votée à l'unanimité des 263 votants, sans que personne eût pris la parole pour la combattre. Pour la loi sur les associations de malfaiteurs, on se pressa moins. On attendit quatre jours. Déposée le 11 décembre, elle fut discutée le 15 décembre, sur le rapport de Flandin. Elle n'était pas moins grave que la précédente. Elle ne modifiait pas seulement quatre articles du Code pénal ; elle lésait un des principes généraux de notre législation. La loi française pose en principe que «le fait coupable ne peut être puni, que quand il s'est manifesté par un acte précis d'exécution». Aux termes de ce nouveau texte, la simple résolution, l'entente même prenait un caractère de criminalité. C'est sur ce mot d'entente que la discussion porta. Elle fut brève. Charpentier vint protester contre la précipitation avec laquelle le gouvernement demandait à la Chambre de créer ainsi à la fois un nouveau mot et un nouveau crime. Jourde, de Ramel, Goblet montrèrent que tout peut être considéré comme une entente, une lettre, une conversation, le hasard d'une rencontre, La Chambre ne les écouta pas. Flandrin répondit qu'on voulait précisément atteindre des groupes non organisés, des concerts fortuits, des associations provisoires et qu'à dessein l'on avait choisi le mot le plus vague qu'offrit la langue. Un amendement de Joude, tendant à remplacer le mot entente par les mots «résolution d'agir concertée et arrêtée», fut repoussée par 406 voix contre 106. — 406 voix contre 39 votèrent aussitôt après l'ensemble du projet de loi. «La résolution d'agir concertée et arrêtée», c'est la définition du complot dans le Code pénal. Et c'est sur l'exemple, du complot que se fondaient précisément le ministère et la Commission pour justifier la loi nouvelle. Pourquoi dès lors se refusaient-ils à y introduire la même définition légale ? N'était-ce pas assez de punir l'intention alors que la loi n'a jamais voulu réprimer que l'acte ? Fallait-il encore se refuser a limiter, à préciser, à définir l'intention ? — Encore, pour le complot, peut-on comprendre cette anomalie. Un complot, est un crime spécial, connu, d'un caractère nettement politique. Mais quelle entente punissait la nouvelle loi ? L'entente a en vue de commettre des attentats contre les personnes et les propriétés, c'est-à-dire tous les crimes possibles. La loi n'exigeait même pas que ces crimes eussent le caractère d'un crime de propagande anarchiste. Et les peines dont on frappait cette «entente», c'étaient les travaux forcés à temps et à la relégation. Il y a mieux. Après avoir organisé par le nouvel article 266 une véritable «prime à la délation», la loi punissait, des mêmes peines que l'entente, la participation à cette entente, c'est-à-dire le hasard d'une conversation surprise, le logement donné à un inconnu, un service rendu sans comprendre, une commission faite sans savoir. La participation à une entente, je ne crois pas que la casuistique criminelle puisse jamais aller plus loin. Le logeur d'un assassin, l'ami d'un cambrioleur, un passant, un commissionnaire, un inconnu pouvaient tomber sous le coup de la loi nouvelle. Le procès des Trente devait le montrer sans retard. On affirma à la Chambre qu'on ne voulait poursuivre que les complots contre la paix publique. Mais nous n'avons qu'une chose à examiner: le texte. Et le texte ne dit rien de pareil. La Chambre cependant n'en exigea pas davantage. Ses scrupules ne durèrent pas plus de trois quarts d'heure. Elle vota. Dans la minorité, outre les socialistes, on ne trouve guère que Pelletan et ses amis ; Goblet et Brisson s'abstinrent. Le 18 décembre, le Sénat, sur le rapport de Bérenger, adoptait le même texte sans discussion et à l'unanimité des votants.
SCHEURER-KESTNER (Auguste), 1833-1899 :
Homme politique. Né à Mulhouse en 1833, Auguste Scheurer-Kestner est le fils d’un industriel protestant du textile et disciple de Fourier. Il étudie la chimie à Paris et crée une usine de produits chimiques où il tente d’introduire une participation ouvrière. Libéral de conviction, il est un opposant au Second Empire, ce qui lui vaudra en 1862 un séjour de quelques mois en prison. Elu député du Haut-Rhin à l’assemblée nationale en 1871, il vote contre le traité de Francfort et figure parmi les signataires de la protestation solennelle des élus alsaciens contre la cession à la Prusse de leur région. Après l’annexion, il quitte l’Alsace pour demeurer français.
Homme de conviction et de scrupules, attaché à la promotion du monde ouvrier, il se montre compréhensif envers l’insurrection de la Commune, au point que des rapports de police l’accusent, sans preuve sérieuse, de l’avoir financée. Elu député de la Seine lors d’une élection partielle en juin 1871, il est proche de Gambetta, fondant à ses côtés l’Union républicaine, et participant au financement et à la direction de son journal La République française. En 1875, il est désigné par la gauche comme sénateur à vie, figurant parmi les rares inamovibles issus de ce courant politique. Lors de la crise du 16 mai 1877, il prend vigoureusement parti pour les Républicains et se montrera par la suite un défenseur intransigeant des droits du Parlement, en particulier lors de l’épisode boulangiste. Dès les années 1880, Scheurer-Kestner est une des personnalités les plus respectées du régime, à la fois homme politique d’une intégrité reonnue (il est élu vice-président du Sénat), savant de renommée internationale et homme d’affaire propère. De surcroît, il se montre un vigoureux défenseur des opprimés, fondant par exemple un comité d’accueil à l’intention des immigrés juifs persécutés en Russie.
C’est cette rigueur morale qui va faire d Scheurer-Kestner un personnage de premier plan de l’affaire Dreyfus. Alerté par Mathieu Dreyfus et l’écrivain Bernard Lazare de ce qu’ils lui présentent comme une erreur judiciaire, Scheurer-Kestner mène sa propre enquête qui le convain de l’innocence de Dreyfus. Après avoir tenté des interventions personnelles auprès du président de la République Félix Faure qui l’éconduit et du minisre de la Guerre Billot qui suscite contre lui une campagne de presse l’accusant de « manœuvres anti-patriotiques », le vice-président du Sénat n’hésite pas à se lancer dans un soutien public à la cause de Dreyfus. En 1897, il publie dans Le Temps une lettre où il présente les preuves de l’innocence de Dreyfus. Le seul résultat est le non-renouvellement de Scheurer-Kestner dans sa vice-présidence, cependant que les juges militaires acquittent Esterhazy. Mais l’action de Scheurer-Kestner qui meurt en 1899 pèse lourd dans l’action entreprise par le gouvernement Waldeck-Rousseau pour faire réviser le procès et dans la décision du Président de la République Emile Loubet de grâcier Dreyfus après le jugement de Rennes.
BREDIN (J-D) : L’Affaire, Paris, Julliard, 1983.
BIRNBAUM (P) : L’Affaire Dreyfus, Paris, Gallimard, 1994.
SCHNAEBELÉ (affaire) :
L'affaire Schnaebelé éclate le 20 avril 1887 alors que du fait des discours revanchards du général Boulanger la tension est à son paroxysme entre la France et l'Allemagne.
Le 20 avril, Guillaume Schnaebelé, commissaire de police de Pagny-sur-Moselle, doit rencontrer à la frontière son collègue allemand Gautsch, commissaire d'Ars-sur-Moselle. Cependant il tombe dans un guet-apens, au rendez-vous sont également présents des « ouvriers agricoles » assis un peu plus loin, en fait des policiers allemands. Gautsch parvient à faire avancer Schnaebelé d'un pas côté allemand ce qui autorise ces derniers à se précipiter pour menotter le Français. Toutefois de fait de la lutte Schnaebelé se trouve à nouveau de côté français lorsqu'il est maîtrisé. Néanmoins les Allemands l'emprisonnent pour espionnage.
L'affaire provoque une émotion en France et le général Boulanger, ministre de la Guerre, proposa même d'adresser un ultimatum à l'Allemagne. Flourens, ministre des Affaires étrangères, atténue la position du gouvernement en demandant des explications à l'Allemagne. De son côté Bismarck fait face à des difficultés politiques avec d'autres membres de son cabinet. L'affaire est réduite à son plan juridique, les faits d'espionnage n'étant pas établis et du fait de la violation de frontière, Schnaebelé est remis en liberté.
SCHWERER (Antoine), 1862-1936 :
Vice-amiral. Entré à l’École navale à 16 ans,
SCIENCES HISTORIQUES (La) :
Revue mensuelle fondée en 1921, publiée sous l’égide de la Société archéologique de France dirigée par Paul Watrin, un écrivain monarchiste, appartenant au groupe antimaçon-nique des Cahiers de l’Ordre. Elle défendait le point de vue des légitimistes tenant pour la branche aînée des Bourbons.
SCIZE (Michel-Joseph Piot, dit Pierre), 1894-1956 :
Né à Mont-de-Chéruy (Isère), le 17 février 1894, Pierre Scize est le fils d’un ouvrier-meunier devenu directeur de moniterie. Mobilisé en 1914, au 31ème régiment d’infanterie, où il a pour camarade Pierre Brisson, Scize est blessé et amputé du bras gauche. Abandonnant le théâtre après des débuts prometteurs avant le conflit, il collabore à la presse de gauche : L’Oeuvre, Bonsoir, Le Quotidien, Le Merle Blanc, Le Canard enchaîné, La Lumière, Marianne, etc. Après le Libération, il continue sa carrière de journaliste où il est envoyé pour des reportages dans le monde. C’est au cours d’un reportage pour les jeux olympiques de Melbourne qu’il décède à Melbourne (Australie), le 10 décembre 1956.
SCOLAIRES (Lois) :
SCRUTIN (Mode de) :
Durant les trois quart de siècle de son existence, la IIIème République a expérimenté un grand nombre de mode de scrutin, tant il est vrai que ceux-ci sont considérés non comme une loi fondamentale, de caractère constitutionnel, mais comme une pratique destinée à aboutir à un résultat politique donné. Pour les premières élections du nouveau régime (encore provisoire), qui se déroulent le 8 février 1871, les Républicains du Gouvernement de la Défense nationale décident de rejeter le scrutin uninominal d’arrondissement pratiqué sous l’Empire, qui favorise les notables et rend aisées les pressions du pouvoir, pour en revenir au type de scrutin organisé par la loi de 1849, un scrutin de liste à un tour dans le cadre départemental, la majorité relative suffisant pour être élu et les candidatures multiples demeurant admises. L’élu choisissant ensuite celui des départements qui l’ont désigné, de multiples élections partielles sont nécessaires pour compléter l’Assemblée nationale. Toutefois celles-ci ne se déroulent pas dans des conditions strictement identiques à celles de 1871 puisque deux modifications interviennent en 1872 : la première institue un scrutin à deux tours et exige que le candidat déclaré élu au premier tour ait obtenue la majorité absolue des suffrages exprimés. La seconde retire le droit de vote aux militaires. Une fois la Constitution votée, l’Assemblée nationale modifie le régime électoral en vue des élections prévues à la Chambre des députés. On en revient au scrutin uninominal dans le cadre de circonscriptions correspondant approximativement avec les arrondissements. Le scrutin est majoritaire, c'est-à-dire que ne sont déclarés élus au premier tour que les candidats ayant rassemblé la majorité absolue des suffrages, la majorité relative suffisant en revanche au second tour, et rien n’interdit à un candidat qui ne s’est pas présenté au premier tour d’entrer en lice au second.
C’est le mode de scrutin qui prévaut aux électionx de février-mars 1876, aux élections d’octobre 1877, aux élections d’actobre 1881. Les candidatures multiples et leur conséquence, les nombreuses élections partielles, sont maintenues. Toutefois, les Républicains plaident depuis longtemps pour l’adoption du scrutin de liste, scrutin d’idées et non de personnalités qui leur semble le seul adéquat à leurs convictions politiques, et celui-ci est rétabli en 1884 pour les élections de 1885. La consultation à lieu dans un cadre départemental, à deux tours, avec possibilité de panachage et l’autorisation des candidatures multiples. Sur chacune des listes ne sont déclarés que les candidats ayant obtenu sur leur nom la majorité absolue au premier tour, la majorité relative jouant seule au second. L’introduction de ce scrutin « républicain » manque de peu d’être fatale à ses défenseurs. Alors que les républicains, majoritaires dans le pays, se divisent en de multiples listes, l’opposition conservatrice s’unit, faisant élire au premier tour 176 des siens contre 127 républicains. Pour sauver le régime, on invente alors la « discipline républicaine », c'est-à-dire le désistement au second tour des candidats républicains distancés en faveur des mieux placés à l’issue du premier tour. Les Républicains sauvent donc leur majorité, mais la leçon a été entendue.
Pour les élections de 1889, on décide d’en revenir au scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans le cadre de l’arrondissement qui a prouvé entre 1876 et 1881 qu’il était favorable aux nouveaux notables républicains et qui s’applique désormais jusqu’en 1914. Par ailleurs, la crise boulangiste et l’utilisation par le général Boulanger des élections partielles à des fins plébiscitaires poussent à interdire à la veille des élections de 1889 les candidatures multiples qui les favorisent. Désormais le scrutin d’arrondissement devient le scrutin de la IIIème République. Il suscite, en particulier au début du XXème siècle, des critisues de plus en plus vives. Outre le vieux reproche qu’on lui adressait d’être un scrutin de personnalités et de favoriser les pressions en raison du cadre géographique restreint dans lequel il s’exerce, on lui fait grief de favoriser la représentation des intérêts locaux et de faire des élus les seuls défenseurs des intérêts de leur circonscription au détriment des intérêts nationaux. Aristide Briand dénonce les « mares stagnantes » du suffrage universel et un vaste mouvement gagne les milieux politiques rassemblant les socialistes, la droite conservatrice et une partie des Républicains, mouvement qui préconise le scrutin de liste départemental, non sur la base d’un système majoritaire, comme celui qui a failli coûter cher aux Républicains en 1885, mais sur la base de la représentation proportionnelle (la RP). Considéré comme un scrutin de vérité, d’honnêteté, donnant une représentation équitable des intérêts de la nation, il a également l’avantage d’éviter des désistements entre les deux tours, qui donnent lieu à des négociations parfois délicates, par exemple entre radicaux et socialistes, qui décide ceux-ci, en avril 1919, à joindre leurs voix à celles de la droite et des socialistes pour faire adopter, en vue des élections de novemebre 1919, le scrutin départemental à un tour à représentation proportionnelle. Toutefois l’adoption de ce mode de scrutin est assortie d’une clause qui peut, à l’occasion, transformer ce scrutin proportionnel en scrutin majoritaire : si une des listes en présence obtient plus de 50% des suffrages, elle rempoirte la totalité des sièges à pourvoir dans le département. Cette prime à la majorité favorise aux élections de 1919 la droite rassemblée sur les listes du Bloc national contre la gauche divisée. Ce scrutin demeure en vigueur pour les élections du 11 mai 1924, permettant la courte victoire du Cartel des gauches rassemblant radicaux et socialistes, désormais séparés des communistes. Mais la gauche victorieuse (et spécifiquement les radicaux) n’entend pas maintenir un mode de scrutin qui lui apparaît surtout dirigé contre elle. En 1927, les radicaux memebres du cabinet d’union nationale de Poincaré imposent à celui-ci, réticent, le retour au scrutin d’arrondissement. Albert Sarraut, ministre de l’Intérieur, fait adopter par la Chambre en avril 1927, le président du Conseil étant volontairement absent, le rétablissement du scrutin uninominal majoritaire à deux tours qui sera appliqué pour les consultations électorales de 1928, 1932 et 1936. Toutefois, le IIIème République ne s’achève pas sans que le problème du mode de scrutin soit à nouveau posé. En effet, la rupture du Front populaire dresse fin 1938 socialistes et communistes contre les radicaux. Dans ces conditions, ceux-ci peuvent craidre, pour les élections prévues de 1940, que l’application de la discipline républicaine ne se fasse à leur détriment. Aussi le gouvernement Daladier, pouyr libérer les radicaux du carcan des alliances du second tour, propose-t-il à la Chambre qui le vote le 27 juin 1939, le retour à al représentation proportionnelle dans le cadre départemental. Vote sans réelle conséquence, puisque la guerre interdira la tenue des élections de 1940.
RÉMOND (R) : La vie politique en France, 1848-1879, tome 2, Paris, Armand Colin, 1986.
MAYEUR (Jean-Marie) : La vie politique sous la IIIème République, Paris, Editions du Seuil, 1984.
BONNEFOUS (E) : Histoire politique de la IIIème République, Paris, PUF, tome 3 (L’après-guerre), 1959 ; tome 4 (Cartel des gauche et union nationale), 1960 ; tome 7 (La course vers l’abîme), 1967.
SÉAILLES (Gabriel), 1852-1922 :
Né à Paris le 27 juin 1852, Gabriel Séailles est issu d’une famille de médecins. Il fait ses études secondaires au lycée Saint-Louis puis intègre l’Ecole normale supérieure. Agrégé de philosophie en 1874, il devient maître de conférence à l’université de Paris en 1886 où il succède à P. Janet à la chaire de philosophie en 1898, année de l’affaire Dreyfus qui marque le temps des engagements publics. Séailles participe à la création de la Ligue des droits de l’homme et il est auc côtés de Fernand Buisson sur le front de la laïcité. Séailles est avec Georges Deherme, un acteur essentiel du mouvement des Universités populaires : conférencier, président de la Société Université populaire (UP) de 1900 à 1904, président de la Fédération des Universités populaires de 1905 à 1910. Il défend une conception humaniste de l’éducation du peuple qui donne à l’intellectuel une place essentielle dans la démocratisation culturelle. Il décède à Barbizon (Seine et Marne), le 16 septembre 1922.
MERCIER (L) : Les Universités populaires et le mouvement ouvrier, 1899-1914, Paris, Ed. Ouvrières, 1986.
SECTION D’OR : La Section d'or est un groupe d'artistes fondé en 1910-1911 par Jacques Villon, Raymond Duchamp-Villon et Marcel Duchamp, avec Robert Delaunay, Albert Gleizes, Frantisek Kupka, Henri Le Fauconnier, Fernand Léger et Jean Metzinger, pour constituer un courant distinct de celui des pionniers.
Chaque dimanche de 1911 à 1914, Villon réunit dans son atelier, rue Lemaître à Puteaux, André Salmon, Apollinaire, Maurice Princet et des artistes hétéroclites qui revendiquent la singularité de leur démarche: « là où le cubisme déracine, la Section d'Or enracine » (Villon). Bien que parti du [cubisme orthodoxe, ils élaborent sous l'influence de l'hôte un système de défense stipulant une recherche de l'harmonie et des formes idéales régies par le principe du nombre d'or de la Renaissance, d'où le nom de Section d'or (Villon). En pratique, la plupart des peintres ignorant la géométrie, ce principe est appliqué de façon plus instinctive que mathématique. Artistes soucieux de s'inscrire dans la modernité, ils s'entretiennent d'art africain, de géométrie non euclidienne, de futurisme, et des recherches chronophotographiques de Étienne-Jules Marey et de Eadweard Muybridge.
Le caractère intellectuel de leur démarche séduit en 1912 l'orthodoxe Juan Gris. Il fut sans doute pour ces « cubisteurs », avec Metzinger et Apollinaire, un agent d'informations précieux sur les pratiques des Montmartrois. Suite à l'exposition des futuristes chez Berheim Jeune (février 1912), ils exposent à la galerie de Boétie (octobre 1912) pour révéler les nouvelles directives du mouvement. En plus des fondateurs, l'exposition réunit Alexander Archipenko, André Lhote, Roger de la Fresnaye, Louis Marcoussis et Francis Picabia. Robert Delaunay, soucieux d'éviter les étiquettes, n'expose pas. Bien que trahissant l'influence de Montmartre, les œuvres présentées se distinguent par l'intégration de la couleur, du dynamisme et du Simultanéisme à l'origine duquel se trouve Sonia Delaunay qui le développera avec Robert Delaunay en peinture, mode, art décoratif. Suite à cette exposition, Apollinaire signale « l'écartèlement » du cubisme et la naissance de l'orphisme. Peu de temps après, les références à la Renaissance et le refus d'appartenir à un groupe provoquent le désistement de Léger, Delaunay et Duchamp.
SÉCURITÉ COLLECTIVE :
Le principe de la Sécurité collective, à substituer à la politqiue de force fondée sur les armements et les alliances, inspire dès le début du XXème siècle les partisans de l’organisation de la paix, tels Léon Bourgeois et les promoteurs des conférences de La Haye. L’idée qu’il faut créer un droit international, appliqué par un tribunal sous le contôle d’une Société des Nations, fait son chemin et trouve sa première application politique concrète avec les propositions faites par le président des Etats-Unis, Wilson, en janvier 1918 dans ses « Quatorze points ». Le gouvernement français qui accepte, en avril 1919, à Versailles l’idée d’une Société des Nations se rallie donc au principe de la Sécurité collective. Mais il se montre vite déçu que la suggestion de son négociateur, Léon Bourgeois, de doter la SDN d’une force armée capable de faire appliquer ses décisions ne soit pas retenue. Convaincu que dans ces conditions, la Sécurité collective n’est qu’un mot, le Bloc national qui gouverne la France n’attache guère d’importance à celle-ci et compte davantage sur la force pour se faire rendre raison, comme le montre l’occupation de la Ruhr. En revanche, la Sécurité collective est la politique que préconisent les hommes de gauche, radicaux et socialistes, et qu’ils vont appliquer lorsqu’ils parviennent au pouvoir en mai 1924. Edouard Herriot en particulier va tenter de lui donner un contenu concret en proposant en septembre 1924 à Genève, devant l’assemblée générale de la Société des Nations, le triptyque « arbitrage-sécurité-désarmement » qui met en place un processus précis et pratique de la Sécurité collective par la signature d’un protocole d’arbitrage obligatoire entraînant, en cas de refus, des sanctions automatiques de la part des Etats memebres de la SDN. Si le protocole débouche sur un échec, du fait des Britanniques, la Sécurité collective dans le cadre de la SDN devient, pour dix ans, la politique du gouvernement français. C’est elle qui sert de toile de fond à la politique que Briand met en œuvre de 1925 à 1932, et elle est poursuivie par les gouvernements de gauche de la période 1932-1934. Toutefois à partir de 1931, avec l’inéfficacité dont fait preuve la SDN face à l’agression japonaise en Mandchourie, les doutes les plus nets sont exprimés sur son aptitude à mettre en œuvre la sécurité collective. La montée du danger hitlerien pousse la droite, revenue au pouvoir après le 6 février 1934, à réviser les principes les principes de politique étrangère du pays. Le 6 février 1934, Louis Barthou, ministres des Affaires étrangères du gouvernement Doumergue, publie une note rejetant les propositions de négociations bilatérales de l’Allemagne sur la question des armements, note qui se termine par une phrase qui est l’acte de décès du principe de la Sécurité collective : « La France assurera désormais sa sécurité par ses propres moyens ». Nouvelle politique qui, jointe au déclin de plus en plus affirmé d’une Société des Nations qui se montre impuissante à réagir face aux coups de force de l’Alllemagne et de l’Italie notamment, souligne que l’heure de la Sécurité collective est désormais passée.
Segonzac (André Dunoyer de), 1884-1974 : né le 7 juillet 1884 à Boussy-Saint-Antoine (Essonne) et mort le 17 septembre 1974 à Paris est un illustrateur français.
Dans sa jeunesse, il fréquente le lycée Henri-IV où il rencontre Gus Bofa qui restera un de ses proches.
En 1900, il fut élève libre de l'École des Beaux-Arts de Paris. En 1903, il entre dans l’atelier privé de Luc-Olivier Merson. En 1907, il est l'élève de Jean-Paul Laurens et fréquente l'Académie la Palette à Montparnasse, il fait la connaissance de Luc-Albert Moreau et de Boussingault avec lequel il partage un atelier. Ses premiers dessins sont publiés en 1908 dans « La Grande Revue » & « Le Témoin ». La même année, il commence à exposer au Salon d'automne, et au Salon des Indépendants. À peu près indifférent aux révolutions esthétiques contemporaines, il entreprit, avec Boussignault et Moreau, de ressusciter le réalisme de Courbet en exécutant des natures mortes, des nus, des paysages, dans une pâte épaisse et maçonnée. À partir de cette période, louant une maison appartenant à Signac, il découvre les paysages de Saint-Tropez, auxquels il restera fidèle et où il vécut jusqu'à la fin de sa vie. Toutefois, il n’y séjournait qu'à la belle saison, pour le reste, au contraire il mena une véritable vie de nomade, à la recherche du motif surtout à travers l’Île-de-France, la Vallée de Grand Morin, Feucherolles, Chennevières-sur-Marne, Guyancourt etc. En 1910, il connut le couturier Paul Poiret et rencontra Max Jacob, Raoul Dufy et Vlaminck. De 1910 à 1914, il voyage en Italie, en Espagne, en Afrique du Nord, il s’intéresse au sport et à la danse (dessins des Ballet russes d’Isadora Duncan, 1911, Les Boxeurs 1910).
De 1914 à 1918, mobilisé dans l’infanterie, il fit la guerre durement, avant d’être affecté au camouflage. Il exécute de nombreux dessins de guerre, précieux pour leur valeur artistique et documentaire. Dès 1919, il figure de nouveau dans de très nombreuses expositions, dont les principaux salons parisiens. Il apparaît en ce début d’après guerre comme le principal représentant du Réalisme Traditionnel. 1920, exposition particulière à Londres. 1921, il rencontre Valéry, Léon-Paul Fargue et Jean Cocteau. 1928, il fit un voyage en Amérique où il rencontra un vif succès. 1930, il se lie d’amitié avec Derain. 1933, Prix de la fondation Carnegie de Pittsburgh. 1934, Prix de la Biennale de Venise. 1938, il expose à Chicago. 1939,
SEIGNOBOS (Charles), 1854-1942 :
Universitaire engagé. Charles Seignobos est né à Lamastre (Ardèche), le 10 septembre 1854 dans une famille protestante. Son père fut à plusieurs reprises député républicain de l’Ardêche. Il fréquente le lycée de Tournon puis l’Ecole normale supérieure en 1874 où il est reçu premier de l’agrégation d’histoire et de géographie en 1877. Seignobos est maître de conférence à Dijon de 1879 à 1883 et membre de l’Assemblée nationale de 1871 à 1885. En 1890, il est maître de conférences à la Sorbonne. En 1896, il fonde avec Ch. Andler et L. Herr, l’Union démocratique, société pour l’éducation sociale à laquelle se joindra Charles Gide. Suppléant de Lavisse en 1898, il assure un cours d’histoire moderne à la Sorbonne. Dreyfusard, signataire de l’appel de Georges Deherme pour la création de la Société des Universités populaires, il enseigne l’histoire à la Solidarité des travailleurs dans le XIIIe arrondissement de Paris. Il assure aussi des cours à l’école des hautes études sociales de Dick May.
En 1907, il est professeur de méthode histrique, il assure des conférences pour les agragatifs à la Sorbonne en 1912-1913. Il obtient une chaire d’histoire politique en 1921. Il décède à Ploubazlanes (Côtes-du-Nord) en 1942.
MERCIER (L.) : Les universités populaires, 1899-1914, Education populaire et mouvement ouvrier au début du siècle, Paris, Ed. Ouvrières, 1986.
SEIZE MAI (crise du) :
Il s’agit du conflit ouvert le 16 mai 1877 entre le président de la République Mac-Mahon et la Chambre des députés. Ce conflit est inévitable par la victoire des Républicains aux élections législatives de février-mars 1876, alors que Mac-Mahon est le porte-drapeau du parti conservateur qui exige un président aux pouvoirs étendus. La nouvelle majorité va, au contraire, tenter d’imposer l’idée que c’est le président du conseil investi de la confiance de l’Assemblée qui doit exercer la réalité du pouvoir. Mac-Mahon désigne successivement à ce poste Dufaure, puis Jules Simon. La question religieuse doit précipiter la crise. Jules Simon, homme très tolérant, essaie de louvoyer entre l’intransigeance des catholiques ultramontains d’une part, celle des Républicains anticléricaux de l’autre. Sa modération déplaît aux uns et aux autres et, en pleine séance, Gambetta s’écrie : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! » et Mac-Mahon reproche violemment à Jules Simon d’avoir laisser passer cette phrase sans protester. Dès lors, il cherche l’occasion de se débarasser du président du Conseil, en insinuant qu’il n’a pas plus sur la Chambre l’influence nécessaire pour faire prévaloir les vues du président de la République qui, lui, a des responsabilités envers le pays. C’est opposer la souveraineté du Président à celle des élus du suffrage universel. Jules Simon démissionne le 16 mai en considérant qu’il ne dispose plus de la confiance du Président et Mac-Mahon, constatant qu’il n’a pu gouverner avec les Républicains modérés du fait de l’opposition des radicaux et s erefusant à faire appel à ceux-ci en estimant que leurs idées engendreraient le désordre et abaisseraient la France, décide d’utilser les clauses de la Constitution qui font du président de la République le chef de l’exécutif. Il réclame donc le droit d’avoir sa propre politique et de s’opposer à celle de la Chambre, s’il la juge néfaste. C’est en vertu de cette doctrine qu’il donne comme successeur à Jules Simon, le duc de Broglie. La majorité de la Chambre réagit en adoptant le Manifeste connu sous le nom d’Adresse des 363 qui conteste le « coup de force » du Président. Ces 363 députés se retrouveront le 19 juin pour voter un ordre du jour constatant que le ministère n’a pas la confiance d la nation. Le 25 juin 1877, après avoir obtenu l’avis conforme du Sénat, le président de la République dissout la Chambre. Rien d’illégal dans cet ensemble d’évènements, mais une crise qui pose un problème que la Constitution n’avait pas tranché : qui, du chef de l’Etat ou de la Chambre élue au suffrage universel, possède la prépondérance quand il s’agit de décider de la politique de la nation ? Toutefois ce débat entre une conception présidentielle et une conception parlementaire des institutions se trouve compliqué et aggravé par le fait que la Chambre est républicaine et que le Président est réputé monarchiste. Si bien que la crise va revêtir un débat entre monarchie et république qui ne figure pas réellement dans ces termes initiaux. Le débat est tranché par les élections d’octobre 1877. Malgré tous les efforts de Mac-Mahon, elles renvoient à la Chambre une majorité de républicains (majorité un peu amenuiser par rapport à celle de 1876). Le Président doit accepter de signer le message dans lequel il admet que la Constitution de 1875 a fondé une République parlementaire, c'est-à-dire qu’il reconnaît à la fois son irresponsabilité et la responsabilité solidaire des ministres. Il se soumet donc, avant de se démettre quelques mois plus tard.
De cet épisode, la présidence de la République sort très affaiblie. Le président devient un personnage décoratif, dépourvu de pouvoir réel, et qui ne peut avoir d’autre politique que celle de la majorité de l’Assemblée. A partir du 16 mai 1877, République devient synonyme de parlementarisme. Par ailleurs, après cet évènement, user du droit de dissolution équivaut à un attentat contre la République et à une tentative de pouvoir personnel ; si bien que ce droit, arme essentielle de l’exécutif pour limiter l’omnipotence du Parlement, tombe en désuétude et aucun président de la IIIème République n’osera désormais dissoudre la Chambre. Le 16 mai crée ainsi une tradition qui va durer jusqu’à la fin de la IIIème République, mais qui introduit un déséquilibre durable dans les institutions.
RÉMOND (R) : La vie politique en France, 1848-1879, tome 2, Paris, Armand Colin, 1986.
MAYEUR (Jean-Marie) : La vie politique sous la IIIème République, Paris, Editions du Seuil, 1984.
SELLIER (Henri), 1883-1943 :
Né à Bourges (Cher), le 22 mars 1883, Henri Sellier est issu d’un milieu ouvrier et rural. Il est marqué par ses origines berrichonnes. Après des études brillantes à Bourges, il y rencontre celui qui deviendra son père spirituel, le communard Edouard Vaillant fondateur du parti socialiste de France, qui décide très tôt de son engagement politique radicalement à gauche, encore que sa carrière politique et professionnelle se soit faite essentiellement dans le courant réformateur de son parti. Vaillant, à la fois médecin et délégué à l’enseignement, lui apprend l’amour de la République démocratique et socialiste, mais aussi dans le sens des problèmes liés à l’organisation du travail, à l’hygiène et à la protection du social.
Venu à Paris, Sellier sort bientôt d’HEC et obtient une licence de droit (1902-1905). Il devient alors employé de banque et se lance dans la bataille syndicale, notamment en compagnie d’Auguste Keufer. Exigeant l’application des lois sur l’hygiène, la sécurité et le repos des travailleurs, il en devient leur orateur, comme leur homme de terrain. De même, il est appelé à participer au mouvement coopératif et au lancement des coopératives de banlieue, comme la Revendication de Puteaux (1908-1913), où il est conseiller général depuis 1908. Partisan de l’unité coopérative, il a une action déterminante au Congrès de Calais en 1911 et à son pacte d’Unité. Nommé administrateur de l’Union des coopérateurs à la veille de la guerre, il en devient la secrétaire adjoint de l’office technique (FNCC, succédant en cela à Albert Thomas, devenu depuis 1902, un ami personnel et politique déterminant.
Fidèle à sa devise, héritée de J. London « concevoir sans réaliser, c’est donner la mesure de l’humaine faiblesse », il consacre son énergie débordante et réaliste au combat politique local, d’autant plus que, nommé rapporteur général du budget départemental de la Seine, il devient maire de Suresnes en 1919 sur une liste socialiste et commence à réaliser ses projets d’urbanisme, de santé et de services publics. C’est ainsi qu’il se forge une solide approche coopérative et technicienne des problèmes sociaux.
Mais ayant cotoyé dès 1904, les réformateurs et les urbanistes de la section d’hygiène urbaine et rurale du Musée social, puis les socialistes normaliens, devant lesquels il prononce sa conférence mémorable sur les « banlieues urbaines » en 1912, il sait bien vite forger à partir d cette approche gestionnaire et pratique, les définitions législatives de projets de rationalisation des services urbains. Il répond ainsi aux fléaux sociaux qu’il avait dénocé dans sa thèse Crise du logement et l’intervention publique en matière d’habitation populaire dans l’agglomération parisienne et qu’avait publiée l’Office public des habitations à bon marché, dirigé par Paul Grunebaum-Ballin en 1921. Il en devient secrétaire-général en 1922, tout en siégeant à la commission technique de l’habitation du ministère du Travail pour la construction d’HBM. Considérant l’urbanisme comme un démiurge des temps nouveaux » qu’il entend rattacher à l’unité administrative du département. Il se soucie aussi de former des techniciens et des experts locaux, puisqu’il contribue à lacer la revue La Vie Urbaine et l’Institut d’histoire, de géographie et d’économie urbaine (écoles des hautes études urbaines). Habitué à travailler avec équipes de collaborateurs itinérants, il a à cœur de fonder l’Union internationale des Villes, préfigurant en cela les futurs échanges européens, tout en se préocuppant de mettre en place une coordination héxagonale des interventions locales urbaines, au travers de l’Union des Villes et Communes de France.
Invoquant un Etat de bien-être, pour lui seule politique réelle du progrès social, il s’emploie à lutter contre la vie chère à l’aide des coopératives, tout en mettant les services urbains à la portée de tous, puisqu’il les intègre dans les unités d’habitation, sous la tutelles des infirmières-visiteuses inculquant des habitudes de confort d’une vie moderne (bains-douches, services d’ordures, associations sportives ou culturelles…) ; mais cette politique se déroule tout autant dans les entrprises (crèches, enseignement post-scolaire…), que dans les quartiers (dispensaires, comités de quartier, de fêtes…). Devenu ainsi le champion de l’administration locale au service du citoyen, il sait aussi susciter la solidarité économique entre Paris et les communes environnantes, puisqu’en 1920, il impulse l’Union des maires socialistes de Banlieue, avec entre autres, M. Jacotot, maire de Puteaux et A. Morizet, maire de Boulogne.
Regroupant ainsi les cités-jardins, unités d’habitation et de consommation ouvrière au travers de cet apprentissage de civilité citadine où les logements n’étaient pas considérés comme « des machines à habiter mais comme des écoles », y mélangeant d’autres couches moyennes pour y développer une vie sociale collective, aussi bien dans les locaux à usage commun que des Maisons pour tous, ou des réseaux associatifs, allanr même jusqu’à susciter des identités communales au travers d’associations locales (Foyers des cités-jardins, veillées communales), il compte ainsi « civiliser les couches populaires », tout en les insérrant dans une nouvelle politique de gestion administrative
Reprenant la formule guesdiste de la commune comme laboratoire de vie économique décentralisée, tout en y associant cette notion de cetres perfectionnés d’habitat que deviennent les 11 cités-jardins gérées par l’OPHBM véritable « redresseur de mentalité », Henri Sellier élu sur la liste « Bloc des ouvriers et employés pour la défense des intérêts communaux » en 1925, va faire de la politique comme un médecin administrateur :
En premier lieu, au travers de l’éducation « hygiéniste » : service social, vaccinations, piscines, consultations de planning familial et psychologique, bureau municipal d’hygiène, centres de santé, il va même jusqu’à tenter d’abolir les maisons de tolérance. Il a alors sous ses ordres Jean Zay et Léo Lagrange, hébergeant sous sa tutelle le centre laïque des auberges de la jeunesse (CLAJ) ; sa formule est alors : « Le service social, du berceau à la mort, devrait assurer à l’individu et à sa famille, la solidarité morale et matérielle de la Nation ».
En deuxième temps, au travers de l’éducation scolaire et culturelle à la Jules Ferry, fer de lance de sa politique de modernisation et de sécularisation. Il crée ainsi des maternelles, appliquant avant l’heure la méthode Maria Montessori, des écoles expérimentales de méthodes actives comme la célèbre Ecole de Plein Air (en 1935), des laboratoires psycho-techniques et de consultations afin d’établir des bio-typologies pour adolescents, les premières colonies de vacances et des écoles diversifiées selon les marchés du travail, afin d’assurer la qualification professionnelle d’une élite ouvrière, à tel point qu’on l’accusera « d’avoir des écoles-palaces où l’on crée aux enfants des besoins de luxe que leur situation sociale ne leur permettra plus de satisfaire ».
Enfin, au travers de l’éducation civile : Henri Sellier, véritable « technicien de la vie collective », relance « La Société Historique de Suresnes », association par laquelle il cherche à assurer un consensus politique à travers les associations de formation d’adultes (Associations philotechnique, cours du soir et Universités populaires) ; il en radicalise aussi les commémorations locales (cent cinquantenaire de la Révolution française, rosières, quartiers…). Car il prend l’association comme un « lieu neutre rapprochant pouvoir municipal et catégories sociales, ainsi que milieux politiques et revêches ». Jugeant en effet, qu’administrer une ville revient à en faire l’association de l’ensemble des associations, il est à l’origine de la création de l’Office des loisirs, censés représenter les intérêts généraux (et locaux) du citoyen. C’est ainsi qu’il fait, de la connaissance de la commune et de son milieu le cœur de la citoyenneté et qu’à travers lui, l’héritage de l’éducation populaire deviendra un véritable service public.
En juillet 1940, il votera contre les pleins pouvoirs au maréchal Pétain et se montrera hostile au régime de Vichy qui le révoque en 1941 de ses fonctions de maire de Suresnes. Il décède à Suresnes (Hauts-de-Seine), le 23 novembre 1943.
MAITRON (J.) : Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Ed. Ouvrières, Paris, 1987.
MASSÉ (G.) : Henri Sellier, Ministre de la santé publique, juin 1936-juin 1937, mémoire de DEA, faculté de Médecine, 1983.
SELLIER (Louis), 1885-1978 :
Né dans la Nièvre, dans une famille modeste (il est le fils d’un épicier), Louis Sellier adhère à la SFIO en 1909 et est élu conseiller municipal dans le XVIIIème arrondissement de Paris en 1914. Mobilisé durant la guerre, il revient à la politique en 1919, radicalisé par le conflit et hostile à ceux qui, au sein de son parti, se sont faits les champions de la défense nationale. Aissi est-ce tout naturellement qu’il se range dans les rangs de la majorité qui, au congrès de Tours de décembre 1920, décide de transformer la SFIO en parti communiste.
L’itinéraire de Louis Sellier, exemplaire des conditions d’adhésion au PC, va l’être tout autant de l’histoire des débuts de ce parti. Lié au groupe centriste dont le chef de file est Marcel Cachin, Sellier participe, en mai 1922 à Moscou, à la condamnation de la politique de Frossard et de la direction du PCF. Elu au Bureau politique du parti en octobre de la même année, il remplace Frossard en janvier 1923 en tant que Scrétaire général par intérim. Confirmé dans ces fonctions au 3ème congrès de janvier 1924, flanqué de Jean Crémet, dirigeant des Jeunesses communistes et de Georges Marrane, Sellier représente le parti plus qu’il ne le dirige. La réalité du pouvoir appartient plutôt aux activistes que sont Albert Treint et Suzanne Girault qui procèdent avec brutalité à l’épuration des « trotkystes » du parti. En juin 1924, les accusations de sectarisme portées contre les pratiques de Treint et Girault coûtent à Sellier son poste de Secrétaire général. Il y sera remplacé par Pierre Sémard au mois d’août. D’autre part, la purge qui frappe en URSS les amis de Zinoviev aura des répercussions en France avec l’éliminations des « hommes de Zinoviev » au sein des organes dirigeants. Si bien qu’au congrès de 1926, Sellier est exclu du Bureau politique. La mise en œuvre de la politique de « classe contre classe » va pousser Sellier qui s’était jusqu’alors accomodé du setarisme des tactiques antérieures du parti à émettre des critiques sur la politique suivie. Il préconiqe désormais une alliance avec la SFIO et apparaît comme un des chefs de file de la « droite » du parti. La publication dans L’Humanité du 15 novemebre 1929 d’une lettre dénonçant la politique du parti, signée par Sellier et cinq autres conseillers municipaux parisiens, amène leur exclusion. Il fonde alors avec ses amis révoqués le Parti ouvrier et paysan qui, après diverses transformations, deviendra la Parti d’unité prolétarienne (PUP). Sous les couleurs du PUP, Sellier battra Cachin dans le XIIIème arrondissement d Paris et sera élu député de Paris en 1932 et 1936. En 1937, il revient au parti socialiste SFIO. En 1940, il vote les pleins pouvoirs à Pétain et demeure pendant l’occupation conseiller municipal de Paris, se faisant même élire en 1943 vice-président de cette assemblée. Aux lendemains de la Libération, ce passé lui vaut d’être exclu de la SFIO et il se retire alors de la vie politique.
ROBRIEUX (Ph) : Histoire intérieure de parti communiste, tome 1, Paris, Fayard, 1980.
BRUNET (J-P.) : Histoire du PCF, Paris, PUF, 1982.
COURTOIS (S.) et LAZAR (M.) : Le communisme, Paris, M.A. Editions, 1987.
SEM (Georges Goursat, dit), 1863-1934 :
Georges Goursat est né à Périgueux le 22 novembre 1863. Il passe son enfance dans la capitale périgourdine puis, après le décès prématuré de son père, prend la direction de l'épicerie familiale, place Francheville. A cette époque déjà le jeune homme dessine, mais ce n'est encore qu'un simple passe-temps. Il s'amuse à caricaturer les passants et à saisir l'aspect comique de leurs silhouettes, mais son avenir semble tracé dans l'épicerie, plus que dans le dessin...
Pourtant, sa collaboration à un hebdomadaire régional intitulé L'Entracte va décider de son destin. Les dessins qu'il y publie obtiennent un certain succès et lui assurent une notoriété qui dépasse vite le cadre de son Périgueux natal. Abandonnant la boutique de la place Francheville, il part pour Bordeaux, chez un oncle commerçant, puis à Marseille où il publie une série de portraits. Vers 1890, il commence à signer ses oeuvres du pseudonyme de Sem. C'est à cette époque qu'il fait la connaissance de Jean Lorrain.
Cette rencontre est décisive à plus d'un titre. Les deux hommes "montent" à Paris et Sem trouve dans la capitale un inépuisable réservoir de modèles pour ses caricatures. En 1909, il remporte un premier succès, avec son album : Turf. Sa carrière est désormais lancée et son style va vite devenir célèbre. Ses personnages sont le plus souvent présentés de profil. Préférant à l'origine se contenter des visages, il évolue et met à profit l'expérience techniques qu'il acquiert peu à peu, notamment au contact de son confrère le dessinateur Roubille, pour les dessiner également en pied.
Fréquentant le "Tout-Paris", Sem en adopte le mode de vie : soirées chez Maxim's, week-ends à Chantilly, courses à Longchamp et bains de mer à Deauville...Il est un habitué des cercles, des casinos et des paddocks, mais autant pour son art que pour son plaisir. Il y saisit sur le vif ses contemporains, sur le carnet de croquis qui ne le quitte jamais, et fait preuve d'une habileté remarquable pour accentuer un trait du visage ou les courbes d'une silhouette. C'est que l'artiste est perfectionniste. Les dessins qu'il publie sont le résultat de nombreuses esquisses et d'une recherche scrupuleuse du trait exact. De fait, chacune de ses planches est un modèle du genre : précise, féroce et tendre à la fois, élégante, judicieuse et révélatrice.
Sa collaboration avec Roubille se traduit par la réalisation en commun d'un vaste diorama (9,5 x 1,5 mètres) sur lequel sont croqués tous les personnages en vue du Paris de la Belle Époque : du prince Troubetzkoy avec son loup aux célébrités du monde des lettres. En 1909, les deux dessinateurs récidivent et créent une longue frise roulée qui présente dans un panorama tout en longueur des silhouettes de piétons et des voitures.
C'est également dans ces années qu'à la suite de Turf, Sem publie une série d'albums de caricatures qui obtiennent un réel succès populaire. Ils constituent en quelque sorte un condensé de la Belle Époque, cette période pendant laquelle une classe favorisée vivait encore dans l'insouciance la plus totale. Il n'y a dans ces dessins aucune agressivité. Sem n'est pas un dessinateur vindicatif. Il préfère poser sur ses modèles un regard amusé et, en fin de compte, plutôt tendre. En 1914, il lance une revue dans laquelle il souhaite publier les dessins qu'il conserve en réserve mais qui n'ont pas trouvé place dans ses albums : Le vrai et le faux Chic. La guerre met un terme à la publication après le premier numéro.
En engloutissant le monde dans lequel il évoluait, la première guerre mondiale est pour Sem une expérience douloureuse. Il poursuit néanmoins son travail de dessinateur et se rend à plusieurs reprises sur le front, où il exécute des croquis qui n'ont plus la fraîcheur de ceux d'antan. Désireux de témoigner de son expérience, il rédige deux livres, Un Pékin sur le Front et La Ronde de Nuit, qu'il illustre de dessins pris sur place. Quelques temps plus tard, c'est un album entier qu'il consacre à l'univers des tranchées : Quelques Croquis de Guerre, dans lequel son talent de caricaturiste se double d'une recherche picturale (lavis et aquarelle), au service du témoignage.
Une fois la paix revenue Sem, qui poursuit son oeuvre, reste pourtant le même dandy qu'il était avant guerre. Louis Vauxelles en témoigne, dans ce portrait qu'il brosse de lui dans les années vingt : "Il offrait l'aspect d'un homme de turf : complet homespun, pantalon retroussé jusqu'aux chevilles sur de minuscules bottines fauves, chemise à rayures bleues, cravate sang de bœuf et le melon planté de traviole sur sa spirituelle frimousse glabre, ridée, couturée, fripée. Il trottinait au Bois entre ses deux acolytes, le long, mélancolique, élégant et barbu Paul Helleu, et ce prodigieux homuncule hydrocéphale, il maestro Boldini". Georges Goursat, dit Sem, s'éteint à Paris en 1934.
SEMAINE SANGLANTE :
Le 21 mai 1871, c'est le début de l'effondrement de la Commune de Paris. Après l'extraordinaire espoir (que la Commune) avait pu susciter parmi ses partisans (...), on est arrivé à un point de lassitude, de découragement qui va être déterminant puisque militairement, politiquement la Commune a déjà perdu la bataille. Ce jour, quand les Versaillais entrèrent dans Paris, l'idée de la Commune était déjà morte.
Malgré les promesses, après un tas de propos ronflants, d'affirmations d'héroïsme, toute une armée va rentrer sans tirer un coup de fusil parce que c'est dimanche, qu'on n'y croit plus beaucoup, que ce n'est pas "notre" quartier et que les versaillais arrive par la porte du point du jour, c'est le XVIe, un quartier bourgeois.
Les communards vont retomber dans la vieille notion révolutionnaire qui est de défendre son quartier, c'est une défense qu'ils envisagent, pas une offensive. C'est le gros échec de la Commune sur le plan militaire. Thiers a dit : "Avec ce qui m'arrive à Paris, il me faut des troupes". Bismarck a libéré des officiers, qui ont été démobilisés dans plusieurs villes, en particulier à Auxerre, de façon à reprendre du service contre les communards.
Le comité de salut Public va alterner les déclarations héroïques d'appel à mourir sur les barricardes et les tentatives de négociations.
L'une des dernières réunions du Comité central, s'est tenue le 24 mai 1871. Il a proposé par voie d'affiches au gouvernement de Versailles, qui possédait déjà la moitié de Paris, un cessez-le-feu, la démission de l'Assemblée de Versailles, la démission de la Commune et l'élection d'une assemblée. Politiquement ce n'était plus d'actualité. La Commune a été de toutes les insurrections parisiennes celle qui avait le plus de munitions, le plus d'armes, le plus de canons. Or, la lutte a duré moins, pourquoi ?
Maintenant, c'est le Paris d'Haussmann, celui des grandes voies.
Les grandes rues permettent justement des tirs beaucoup plus longs, des charges de cavalerie. C'est ce que voulait Haussmann. Mais on aurait tendance à oublier que l'inverse est vrai. Si ça permettait le tir des canons, cela permettait aussi le tir des canons fédérés. Pendant cette dernière semaine la Commune n'existe plus en tant qu'organisation. Tous les actes qui vont être commis par les communards seront essentiellement des actes individuels, de petits groupes plus ou moins organisés, mais ne seront pas du tout la traduction d'une volonté délibérée de la Commune en tant qu'organisation structurée.
On va reprocher à la Commune l'exécution des otages, en réalité elle n'y est pour rien. Cela va être la volonté de quelques membres de la Commune qui se rendent compte que tout est perdu. A l'inverse Thiers pensait que la répression, extraordinairement dure, qu'il a délibérément commandée, allait servir d'exemple pour les générations futures, leur donner une sainte peur de la répression gouvernementale. Il ne se rendait pas compte que cela allait être quelque chose d'indélébile, une blessure qui rendrait la Commune absolument inoubliable. La répression de l'armée versaillaise va être méthodique, le laminoir sera effroyable. Par les combats il y aura relativement peu de tués. Je ne pense même pas qu'il y aura mille Versaillais tués au combat. Seuls 3 000 ou 4 000 ont réellement été tués pendant les combats. Tous les autres ont été fusillés systématiquement en représailles : 40 000 à 60 000 morts.
Il faut reconnaître que les troupes de Versailles ont été aidées par toute une population de Paris qui arborait le brassard tricolore et dénonçait les gens. Il ne fallait pas à cette époque se cacher dans une maison inconnue avec une blessure à la jambe : on n'était même pas tué par la troupe, mais par des civils qui, exorcisaient une certaine lâcheté.
Cette répression n'a pas été seulement l'oeuvre dé la classe militaire, qui a été ignoble ; il ne faut pas oublier l'effroyable comportement des voisins, des bourgeois, des aristocrates, propriétaires ou militaires, mais aussi des voisins de palier, des jaloux, des aigris. La Commune a aligné peut-être 40 000 combattants, peut-être un peu moins à la fin parce que l'enthousiasme baissait. Mais que représentent 40 000 combattants sur une population de 1 500000 à 1 600000 (habitants) ? On est en droit de se demander ce que faisait le million d'observateurs.
SEMAINE DE QUARANTE HEURES :
SÉMARD (Pierre), 1887-1942 : né le 15 février 1887 à Bragny-sur-Saône (Saône-et-Loire) et mort fusillé par les Allemands le 7 mars 1942 à la prison d'Évreux (Eure) a été syndicaliste, secrétaire général de la Fédération des cheminots et dirigeant du PCF dont il fut secrétaire général de 1924 à 1928.
Fils d'un cantonnier des chemins de fer, et d'une garde-barrière du réseau PLM, Pierre Semard passe son enfance dans la campagne bourguignonne. Il commence à travailler en 1898, après avoir passé son certificat d'études, chez un notaire d'abord, puis chez de nombreux autres employeurs. En 1904, il se rend à Paris et exerce divers petits métiers : apprenti charcutier, vendeur de journaux, débardeur aux halles. En 1906, il retourne en Bourgogne, dans l'Yonne où il gagne sa vie comme charcutier et comme cuisinier. Il se rend ensuite à Lyon puis à Valence où il se fixe finalement en s'engageant pour trois ans dans l'armée. Il est promu au grade de brigadier. Bon danseur, il s'insère facilement dans la société locale. Il trouve également du temps pour lire et arrondit sa solde en gagnant des courses cyclistes. Il épouse une jeune valentinoise avant de revenir à la vie civile.
Il passe alors un examen pour entrer aux chemins de fer comme facteur aux écritures. En 1912, il entre au secrétariat du chef de gare de Valence. C'est là qu'il devient militant syndical.
Militant syndical [modifier]
À la déclaration de guerre, en 1914, étant père de trois enfants, il est mobilisé sur place. Son engagement syndical lui vaut d'être muté du secrétariariat du chef de gare au service des trains. En 1917, il représente la section de Valence au premier congrés de l'union des syndicats du PLM qui se tient à Avignon. D'après Serge Wolikow, les fonctions qu'il avait exercé au secrétariat du chef de gare auraient freiné son accession aux responsabilités syndicales. Toujours mobilisé fin 1918, il est envoyé en Belgique.
Sa femme atteinte par la grippe espagnole meurt le 3 mars 1919. Le 13 août, Pierre Semard devient secrétaire général d'une Ligue de défense et d'action contre les mercantis et les spéculateurs nouvellement créée et qui regroupent des commerçants et artisans avec des ouvriers. Il reste avant tout le dirigeant des cheminots de la Drôme et déploie une activité militante de plus en plus intense en faveur des idées du syndicalisme révolutionnaire s'inspirant de la révolution française et de la jeune révolution russe.
Ce n'est qu'à partir de 1920 que Pierre Semard commence à jouer un rôle national. Il est l'un des rares dirigeants du syndicat de l'union PLM à exprimer des doutes sur les nationalisations comme mot d'ordre mobilisateur. Révoqué des PLM pour fait de grève, il épouse en secondes noces une ancienne employée des PLM également révoquée. Il devient alors gérant de la coopérative des cheminots pour subvenir aux besoins de sa famille.
Bien vite cependant l'activité syndicale l'accapare et l'amène à Paris l'année suivante. Il se situe dans le camp des minoritaires, révolutionnaires, contre les réformistes. Au printemps 1921, les minoritaires dominent le syndicat du Réseau PLM, et Pierre Semard, secrétaire à la propagande du syndicat, dénonçant les menaces d'exclusions brandies par la direction de la CGT, déclare « si les minoritaires d'aujourd'hui deviennent les majoritaires de demain, ils n'excluront pas leurs camarades minoritaires ». En Juin 1921, Pierre Semard est élu secrétaire général de la Fédération des cheminots qui est dans une période particulièrement mouvementée puisque les syndicats qui avaient refusé de reconnaître le nouveau changement de majorité en faveur des révolutionnaires ont quitté la Fédération.
Pierre Semard joue alors un rôle de première importance dans la fondation de la CGTU. Il intervient dans La Vie Ouvrière pour affirmer des conceptions syndicalistes révolutionnaires antibureaucratiques et dénoncer la centralisation bureaucratique. Il réclame la restauration l'ancien rôle des bourses. En décembre 1921, il signe la motion Mayoux hostile au contrôle du parti sur l'activité syndicale.
Lors du Ier congrès de la CGTU, à Saint-Étienne, en juin 1922, il prend la parole comme membre de la tendance Monmousseau, défendant une position centriste : Il plaide pour l'adhésion à une Internationale révolutionnaire jugeant que la CGTU ne peut pas rester isolée dans le monde, mais il refuse fermement la liaison avec le parti communiste et propose que la CGTU entre dans l'ISR pour y défendre son point de vue.
Dirigeant communiste [modifier]
En novembre 1922, il rencontre Lénine à Moscou en compagnie de Gaston Monmousseau. Lénine fait des concessions à ses interlocuteurs, si bien que de retour en France, Semard justifie l'adhésion de la CGTU à l'ISR. Il s'engage alors aux cotés du parti communiste dans l'action commune engagée contre l'occupation de la Ruhr. C'est pour cette raison qu'en 1923 il est arrêté et incarcéré quelques mois à la Santé. Pendant son emprisonnement, il écrit de nombreux articles dans La Vie Ouvrière où il plaide notamment pour un syndicalisme de masse ouvert n'affirmant aucune doctrine.
Malgré ces prises de position, éloignées de celles de l'Internationale communiste (IC), il devient en juin 1924 le secrétaire général du PC français (SFIC) après être entré au Comité Central quelques mois avant.
Semard avait adhéré à la SFIO, dès 1916, mais n'avait pas joué de rôle politique dans la Fédération de la Drôme. En 1921, il était dans la majorité du Congrès de Tours et avait donc adhéré au jeune parti communiste. À la fin de l'année 1923, membre de la commission syndicale du parti alors dirigée par Pierre Monatte, il se distingue des dirigeants comme Suzanne Girault ou Albert Treint dont les outrances caporalistes sont mal perçues à Moscou. Mais il ne se solidarise pas non plus des dirigeants historiques, Boris Souvarine, Alfred Rosmer, Pierre Monatte, exclus en 1924.
En fait, Suzanne Girault et Albert Treint vont continuer à diriger le parti jusqu'à la fin de 1925 et Pierre Semard s'occupera surtout des questions syndicales. Il met sur pied des réunions régulières entre les directions du parti communiste et de la CGTU, réalisant en douceur ce qu'il condamnait, en principe. En fait, Pierre Sémard est particulièrement représentatif des ouvriers révolutionnaires, qui avaient pu, comme Benoit Frachon, baigner dans l'anarcho-syndicalisme, mais qui, par idéal révolutionnaire, vont privilégier tout au long des années vingt et trente, la fidélité à la révolution russe et à l'URSS, « patrie des travailleurs ».
À la fin de l'année 1925, alors qu'en URSS, l'étoile de Zinoviev déclinait, en France, le parti communiste, en accord avec Manouilsky, remet en cause la ligne sectaire incarnée par Girault et Treint et Semard arrive véritablement au premier plan pour appliquer la nouvelle politique de front unique avec les socialistes. C'est la première alliance antifasciste. Ce fut l'orientation du congrès de Lille, en 1926. C'est à cette époque que Semard, en opposition avec Doriot, Monmousseau et Treint, parvient à imposer le jeune Maurice Thorez comme secrétaire à l'organisation. Malgré les critiques de Boukharine qui reprochait au parti français de ne pas avoir su éviter le retour de Poincaré, Semard reçut le soutien de la plupart des dirigeants de l'Internationale communiste. Au sein des instances de l'IC, Semard répond aux critiques de Boukharine, tente d'expliquer les réalités de la vie politique française et exprime publiquement son irritation devant ce qu'il appelait les « censeurs » du PCF qui lui faisaient la leçon.
Durant le premier semestre 1927, Semard continue de défendre le principe d'un équilibre qui devrait exister entre l'organisation internationale et sa section française. Il s'oppose également aux critiques de l'ISR qui préconisait une fusion partielle entre la CGT et la CGTU, alors que les dirigeants de la CGTU préféraient se limiter à des contacts et des négociations entre les deux confédérations.
Les relations avec l'IC restent par conséquent tendues, et lorsqu'une commission française est mise en place par le secrétariat de l'IC, Semard mandate Thorez pour qu'il expose les positions du parti français. Il recherche également l'appui de Staline et conduit la délégation du PCF au VIIIe plénum de l'IC, fin mai 1927.
De retour à Paris, Semard est de nouveau arrêté, pour la cinquième fois, pour des actions contre la Guerre du Rif que la France mène au Maroc. Il est emprisonné à la Santé jusqu'en janvier 1928. Thorez lui confirme que l'IC est en désaccord avec les positions du parti français et réclame une rupture électorale avec les socialistes. Semard n'accepte pas de pratiquer une tactique électorale, selon lui gauchiste, qui risque d'isoler le PCF et de lui faire perdre les bénéfices résultant depuis un an, de sa politique de front unique. C'est en ce sens que début novembre 1927, il adresse au Comité Central, une lettre, cosignée avec ses camarades détenus à la Santé.
Il reprend ses fonctions de secrétaire général en janvier 1928 et se retrouve attaqué au sein de l'IC, notamment par Palmiro Togliatti qui l'accuse d'avoir dissimulé au Bureau polititique les divergences à l'égard des prescriptions de l'IC. Lors du VIe congrès de l'IC, en août 1928, Semard intervient en séance plénière pour demander qu'on n'assimile pas social-démocratie et fascisme. Il accepte cependant d'être au sein du parti français le porte-parole de la ligne de l'IC à laquelle il s'est opposé.
L'affaiblissement du rôle de Semard est alors concrétisé par la décision de supprimer le poste de secrétaire général, en septembre 1928. Il est alors chargé de la région parisienne. Sa rétrogradation ne fut jamais justifiée officiellement par des raisons politiques.
C'est alors que la presse socialiste et celle du PUP fait état de policiers au sein du parti communiste et mettent en cause Pierre Semard qui doit vivre une période difficile, obligé de se défendre de ces rumeurs ; découragé et fatigué il réclame d'être, au moins temporairement, relevé de toutes ses fonctions.
Retour au syndicalisme [modifier]
De 1932 à 1939, on s'interroge sur la nature des responsabilités de Semard au sein du parti français, mais surtout au sein de l'Internationale. Il réside quelque temps à Moscou en tant que membre du secrétariat international du PCF, et il s'y occupe des questions paysannes.
À l'automne 1933 Semard renoue avec le syndicalisme : le bureau confédéral décide, en accord avec l'ISR, de l'affecter à la Fédération des cheminots qui l'élit secrétaire général le 26 juin 1934. Lors du congrès de fusion entre la CGT et la CGTU, le 24 novembre 1935, il est élu au secrétariat de la fédération réunifiée comme secrétaire général aux côtés de Jarrigion qui représente les ex-confédérés.
En juin 1936, alors que les cheminots n'étaient pas entrés dans la grève, il fait partie de la délégation syndicale qui rencontre Léon Blum et les ministres concernés. Le gouvernement promet d'intervenir auprès des compagnies pour l'octroi de 21 jours de congé, les 40 heures, les conventions collectives et la réintégration des révoqués de 1920. En contrepartie, la direction fédérale s'engage à éviter une occupation des chemins de fer.
Au nom de la CGT, Semard se prononce en faveur de la nationalisation. Lorsque la SNCF est créée, il est un des quatre administrateurs issus de la représentation syndicale. Malgré ses multiples responsabilités il se rend souvent sur la frontière espagnole pour s'occuper de l'acheminement de l'aide matérielle à la République espagnole. (Voir Gaston Cusin)
Il souhaite explicitement que la force syndicale puisse éviter d'en venir à la grève générale des chemins de fer dont il rappelle les risques qu'elle comportait. À ceux qui critiquent la participation des secrétaires fédéraux aux instances de la SNCF, Semard oppose la nécessité d'une représentation du personnel agissant sur mandat de l'organisation syndicale.
Au lendemain de la grève du 30 novembre 1938, il est révoqué du conseil d'administration pour avoir signé des tracts qui appelaient à la grève. Le conseil de discipline le rétrograde au rang d'employé aux écritures.
La Seconde Guerre mondiale [modifier]
À la suite du pacte germano-soviétique l'unité du Bureau fédéral de la CGT vole en éclats et les ex-confédérés (CGT) décident, le 25 septembre, d'exclure Semard et ses camarades des fonctions dirigeantes. Pierre Semard est, une fois encore, incarcéré à la Santé par le juge d'instruction militaire sous l'inculpation de détournement de fonds et d'infraction au décret du 26 septembre 1939 concernant la dissolution du PC. En dépit du témoignage favorable de M. Bloch, ingénieur en chef du matériel à la SNCF, il est condamné, à trois ans de prison. Le 20 mai, il est évacué et incarcéré à Bourges. Il met à profit son emprisonnement pour écrire et entretenir une correspondance abondante avec sa femme et ses enfants, notamment sa fille Yvette. Il reste très attentif aux problèmes de sa famille. Sa femme est arrêtée en août 1941, puis sa fille Yvette, au début de 1942.
Au début 1942 Semard est transféré de Bourges au camp d'internement de Gaillon où il se retrouve avec les détenus de droit commun. Le 6 mars, on l'envoie à la prison d'Évreux. Il est fusillé comme otage le lendemain à la demande des autorités allemandes.
Œuvres [modifier]
• Pour le Front unique des transports, 1923
• La Guerre du Rif, 1925.
• Histoire de la Fédération des cheminots, 1934.
• Transports en commun bon marché, 1936.
• « Entretien avec Lénine à l'occasion du IIe congrès du profintern », (retraduit du russe), Lénine tel qu'il fut, souvenirs de contemporains, t. 2, Moscou, 1959.
Voir aussi [modifier]
Sources [modifier]
• Article de Serge Wokilow in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, Éditions ouvrières.
• Philippe Robrieux, Histoire intérieure du parti communiste, Tome IV, Fayard, 1984.
SEMBAT (Marcel), 1862-1922 : Journaliste et homme politique. Né en octobre 1862 dans une famille aisée, Marcel Sembat fait des études de droit à Paris et devient avocat. Très vite cet intellectuel est séduit par les idées socialistes et il se lance alors dans le militarisme, se consacrant au journalisme comme meilleur moyen de les diffuser dans l’opinion. Il écrit d’abord dans la Revue socialiste avant d’entrer à La Petite République.
Tout naturellement, il entre dans la vie politique se faisant élire en 1893 à Paris député socialiste-indépendant. Il se rapproche alors des blanquistes d’Edouard Vaillant et adhère en 1895 à son Comité central révolutionnaire. Lorsqu’il se fait élire en 1898, c’est sur un programme révolutionnaire conforme à ses nouvelles opinions, dans lequel il préconise l’abolition du Sénat et de la présidence de la République, la nationalisation des mines et des monopoles, l’impôt sur le revenu et l’émancipation des femmes. Il adhère suivant les blanquistes au Parti socialiste de France que fondent en 1902 Guesde et Vaillant avec les tendances révolutionnaires du socialisme français et c’est à ce titre qu’il est réélu en 1902. Entre temps, Sembat a partagé les préventions de Vaillant sur un engagement des socialistes au sein du camp dreyfusard avant de le rejoindre lorsqu’il s’avère que l’antidreyfusisme sert de paravent aux adversaires de la République. En revanche, à la différence de Jaurès, il s’oppose vivement à l’entrée de Millerand dans le gouvernement Waldeck-Rousseau et sera un adversaire déterminé du « ministérialisme ». Il soutient clairement le ministère Combes, ce qui le rapproche de Jaurès, si bien qu’au moment du congrès d’unification socialiste, il fait figure de personnalité acceptable par les diverses tendances socialistes qui se rassemblent au sein de la SFIO. Désormais proche de Jaurès, il devient un de ses lieutenants au sein du groupe parlementaire socialiste et un collaborateur régulier de L’Humanité.
Les tensions internationales vont placer Sembat en position très difficile. Résolument attaché à la paix, il fait campagne contre la loi de trois ans en 1913 et, la même année, publie un ouvrage intitulé Faîtes la paix, sinon faîtes un roi dans lequel il entreprend de démontrer l’incompatibilité entre l’état de guerre et le régime républicain, ouvrage qui sera mal accueilli par les socialistes, mais applaudi par les nationalistes de l’action française qui y voient un appui à leut vues. Cependant, après la déclaration de guerre et l’assassinat de Jaurès, il épouse la thèse majoritaire au sein des mouvement socialiste et syndicaliste, selon laquelle la France ayant été injustement agressée, les socialistes doivent faire leur devoir et participer à la défense nationale au nom des idéaux républicains contre les souverains absolutistes. Si bien qu’en août 1914, il entre, aux cotés de Jules Guesde, dans le cabinet Viviani au poste de ministre des Travaux publics qu’il conserve dans le gouvernement Briand jusqu’en décembre 1916. Désormais Sembat devient une des bêtes noires de la minorité socialiste hostile à la guerre qui ne cesse de grossir jusqu’en 1918, tant il est l’une des illustrations de la tendance défense nationale qui domine le parti jusqu’à cette date. En 1919, vivement attaqué par la nouvelle majorité de la SFIO, il conduit néanmoins une liste socialiste dans la Seine et est brillamment réélu député. Il s’oppose à l’adhésion de la SFIO à la Troisième Internationale lors du congrès de Tours en 1920 et reste, aux cotés de Léon Blum, son ancien chef de cabinet, dans le « vieille maison », faisant partie de son Comité directeur. Son état de santé le contraint en 1922 à se retirer de la vie politique et il meurt peu après.
SÉNAT :
Après la chute du Second Empire et l’épisode de la Commune, c’est une Chambre des députés majoritairement monarchiste qui dote finalement la France d’une constitution républicaine promise à une longévité exceptionnelle : la IIIe République va durer soixante-cinq ans ! La Constitution de 1875 limite considérablement le pouvoir du président de la République. Celui-là n’est pas élu au suffrage universel direct mais par les deux Chambres réunies en congrès. Chacun de ses actes doit être contresigné par un ministre - et la Constitution prévoit que les ministres sont responsables devant les Chambres de la politique du gouvernement. Seule parade de l’exécutif contre une majorité hostile à sa politique : il a le droit de dissoudre la Chambre des députés. Mais cette dissolution doit être approuvée par le Sénat.
Pour la première fois, le nouveau Sénat dispose de pouvoirs identiques à ceux de la Chambre des députés. Il compte trois cents membres, qui doivent être âgés de plus de quarante ans : deux cent vingt-cinq d’entre eux sont élus par un collège restreint pour neuf ans et renouvelés par tiers tous les trois ans ; soixante-quinze sénateurs inamovibles sont désignés par la Chambre des députés et par le Sénat. Comme sous la première Restauration et la Monarchie de Juillet, le Sénat, constitué en Haute Cour de justice, a des compétences judiciaires. Il peut juger les crimes de haute trahison commis par le président de la République ou les ministres, ainsi que les attentats contre la sûreté de l’Etat.Conçu pour faire contrepoids à une Chambre des députés élue au suffrage universel direct, le Sénat est élu par les députés, les conseillers généraux et les délégués des conseils municipaux (un par commune, quelle que soit sa population, soit quarante-deux mille électeurs pour toute la France). Ce mode d’élection doit en faire le représentant privilégié des petites communes rurales et, espèrent les conservateurs, un bastion de la tradition.
Très vite, une première épreuve de force (A) s’engage entre le monarchiste Mac-Mahon, premier président de la nouvelle République, et les républicains. Ces derniers en sortent renforcés et cherchent, avec succès, à conquérir le bastion du Sénat. Au premier renouvellement par tiers, en janvier 1879, les républicains modérés obtiennent, avec soixante-six des quatre-vingt-deux sièges renouvelés, la prépondérance à la Chambre Haute. Les Chambres, désormais toutes deux acquises à la cause républicaine, consolident le régime par quelques mesures spectaculaires : adoption de la Marseillaise comme hymne national, fixation de la fête nationale au 14 juillet. Etablies à Versailles depuis que la Chambre des députés y avait pris ses quartiers pendant la Commune de Paris, elles décident aussi le 22 juillet 1879 de revenir siéger à Paris, malgré l’hostilité de nombre de sénateurs envers ce retour. “L’Assemblée à Paris, c’est Paris maître de la France, l’Assemblée à Versailles, c‘est la France maîtresse de ses destinées”, s’exclame le sénateur Laboulaye.
L’activité parlementaire prend peu à peu la physionomie qu’on lui connaît aujourd’hui. On voit apparaître des groupes parlementaires d’élus d’un même parti, avec leur bureau, leurs réunions et leurs consignes de vote. Les débats ont beaucoup de tenue : sénateurs et députés portent la redingote. Dans l’hémicycle, les injures sont rares, même dans les débats les plus houleux. L’activité des Chambres et les interventions des ténors sont largement relayées par la presse et, jusqu’en 1926 les Chambres peuvent même, lorsqu’elles le jugent opportun, faire imprimer et afficher dans toutes les mairies de France les discours les plus importants. Les débats sont suivis avec passion par l’opinion. “ L’article 7 est oublié, mais il fut célèbre, se souvient Léon Blum dans La Revue Blanche, à propos d’un article excluant de l’enseignement les congrégations non autorisées.
En 1880, Paris suivit avec une anxiété passionnée les accidents de la lutte ardente qu’il souleva. Voté par la Chambre, il échoua au Sénat, le 9 mars, après un long débat, violent et douteux. J’ai guetté dans la rue, une heure durant, le journal du soir qui devait apporter le vote et je me rappelle encore, devant les éventaires des marchandes, l’attente des groupes fiévreux …” C’est l’époque des grandes lois républicaines sur la liberté de la presse, la liberté d’association ou encore l’organisation municipale, qui institue l’élection des maires et des adjoints par les conseillers municipaux et prévoit que les séances du conseil municipal seront publiques. Le débat autour de l’école est également au premier plan dans les années 1881 et 1882, avec l’établissement de l’enseignement gratuit, laïc et obligatoire. En août 1884, une révision constitutionnelle tarit le recrutement des sénateurs inamovibles : tous les membres de la Chambre Haute seront désormais élus démocratiquement.
Pendant cette période, le Sénat affirme son pouvoir. Après le cabinet Tirard en 1890, c’est au tour de Léon Bourgeois de se retirer, à la session du printemps 1896, devant l’opposition des sénateurs (B). Mais le parlementarisme républicain n’a pas que des partisans et le pays est, pendant cette période, secoué par deux crises majeures - la menace boulangiste (C) et l’affaire Dreyfus (D).
Le président du Sénat, Loubet, est élu président de la République en 1899 dans un climat tendu, marqué par le déchaînement de l’opposition nationaliste. Il confie à un sénateur, le républicain modéré Waldeck-Rousseau, la formation d’un gouvernement de “défense républicaine” et le soin de ramener la stabilité dans le pays. Cet avocat nantais engage la lutte sur un double front. Il fait juger par le Sénat réuni en Haute Cour les chefs des ligues, Déroulède et Jules Guérin. Il affaiblit le pouvoir des congrégations religieuses en faisant voter le 2 juillet 1901 la loi sur les associations qui prévoit la liberté des associations laïques, mais limite et contrôle le droit d’association des congrégations. Son successeur, le “petit père Combes” poursuit et “radicalise” l’œuvre de laïcisation entreprise par Waldeck-Rousseau, en appliquant de façon restrictive la loi sur les associations (presque toutes les autorisations sollicitées par des congrégations religieuses sont refusées par la Chambre) et en faisant voter le 9 décembre1905 la loi sur la séparation de l’Église et de l’État. Mais le Bloc des gauches, vainqueur des élections de 1902 qui ont porté Combes à la présidence du Conseil, s’effrite peu à peu. Combes doit démissionner en 1905.
En janvier 1906, Armand Fallières, président du Sénat, succède à Émile Loubet à l’Élysée et charge Georges Clemenceau, sénateur et leader du parti radical, alors âgé de soixante-cinq ans, de former le gouvernement. Malgré la longévité de son ministère - il se maintient jusqu’en 1909 - le “Tigre” est loin de réaliser toutes les mesures radicales affichées à son programme. L’instauration de la journée de travail à huit heures pour les mineurs, du principe des habitations à bon marché ou des retraites ouvrières voient bien le jour, mais le projet d’un impôt sur le revenu, adopté par la Chambre, se heurte à l’opposition du Sénat. S’ouvrent alors six années d’instabilité ministérielle pendant lesquelles dix cabinets se succèdent à la tête du pays. L’antiparlementarisme progresse dans l’opinion. Pour l’enrayer, Briand, successeur de Clemenceau à la présidence du Conseil, préconise l’adoption de la représentation proportionnelle, ce qui permettrait aux électeurs de se prononcer sur des programmes d’intérêt général. Adopté à la Chambre, le projet est arrêté au Sénat, forteresse des nouveaux notables radicaux, principaux bénéficiaires du scrutin d’arrondissement. En 1913, un sénateur, Raymond Poincaré, qui a été président du Conseil en 1912, est élu président de la République à cinquante-deux ans.
La ratification du traité de Versailles, en 1919, donne lieu à un long débat parlementaire et constitue le dernier acte important de la Chambre élue en 1914. Les premières législatives de l’après-guerre, en novembre 1919, portent sur les bancs de la Chambre des députés une majorité “Bleu horizon”, comportant un grand nombre d’anciens combattants.
Au Palais-Bourbon, la majorité revient à une coalition des droites, le “bloc national”, tandis qu’au Sénat, les élections donnent la majorité aux radicaux. Soupçonné d’aspirer secrète-ment à la dictature, Clemenceau, le “Père la Victoire”, est écarté de la candidature à la présidence de République au profit de Paul Deschanel. Après Millerand, qui a succédé à Deschanel à peine élu, c’est à nouveau un président du Sénat, le radical modéré Gaston Doumergue, qui s’installe à l’Elysée en 1924. Il fait appel à Edouard Herriot, président du parti radical, pour constituer le gouvernement. Mais le pays est en proie à une grave crise financière. Pour faire face au déficit budgétaire, le gouvernement Herriot doit faire appel à des avances de la Banque de France, dépassant ainsi le plafond autorisé de circulation monétaire. Mis en minorité sur cette question devant le Sénat, Herriot démissionne le 10 avril 1925. L’instabilité ministérielle s’installe à nouveau, jusqu’au retour aux affaires de Raymond Poincaré en juillet 1926. Il parvient à se maintenir pendant trois ans avant de céder la place à plusieurs cabinets modérés.
Elu à la présidence de la République en mai 1931, Paul Doumer est assassiné un an plus tard par l’anarchiste Gorguloff. Albert Lebrun, comme Doumer ancien président du Sénat, lui succède. Sur fond de crise économique, les ministères de son septennat sont voués à l’éphémère : certains sont renversés le jour même de leur présentation devant la Chambre ! Depuis la crise du 16 mai 1877, aucun président de la République n’a osé recourir à nouveau à la dissolution de la Chambre. Résultat : l’exécutif est paralysé, les Chambres font et défont les cabinets.
Les chefs de gouvernement déplorent amèrement “la tyrannie de la séance”. Trois fois président du conseil entre 1925 et 1934, André Tardieu fait ses comptes : “Les interventions personnelles du chef de gouvernement étaient de douze par mois sous le ministère Méline de 1896,
de onze par mois sous le ministère Clemenceau de 1906. Vingt-quatre ans plus tard, je suis arrivé au taux de vingt-cinq par mois, soit deux fois plus que ce qu’avaient connu les plus attaqués de mes prédécesseurs. En 1930-1931, j’ai dû être présent en trois cent vingt-neuf séances, parler en de vrais discours cent soixante-douze fois, comparaître quatorze fois pendant des après-midi entiers devant les commissions des deux Chambres. ”L’antiparlementarisme connaît alors une nouvelle poussée de fièvre, alimentée par des scandales auxquels sont mêlées des personnalités politiques (affaire Hanau, scandale Oustric, affaire Stavisky).
La crise du régime culmine le 6 février 1934, quand des anciens combattants, des membres des ligues et les Croix-de-Feu du colonel de La Rocque marchent sur le Palais-Bourbon. Daladier résiste au coup de force, mais doit démissionner le lendemain. A nouveau, les ministères se succèdent, jusqu’aux élections de 1936 qui voient la victoire du Front Populaire. Devenu le parti le plus représenté à la Chambre après les législatives de mai 1936, le parti socialiste revendique et obtient la présidence du Conseil, confiée à Léon Blum. Mais ce dernier se heurte à des difficultés économiques et politiques considérables et lorsque, le 15 juin 1937, il demande les pleins pouvoirs financiers, la Chambre des députés les lui accorde, mais le Sénat les lui refuse. Blum démissionne le 21 juin. En avril de l’année suivante, il se heurtera à nouveau à l’opposition du Sénat, et notamment à celle de Joseph Caillaux, président de la commission des Finances.
Eté 1940. Les troupes allemandes sont entrées en France, le gouvernement s’est replié à Tours et à Bordeaux, un exode massif pousse les civils sur les routes. C’est la débâcle. Président du Conseil depuis mars 1940, Paul Reynaud démis-sionne le 16 juin et c’est le maréchal Pétain qui forme le nouveau ministère et signe l’armistice de Rethondes. En juillet le gouvernement s’installe à Vichy. Le 10, l’Assemblée nationale (qui réunit Chambre des députés et Sénat) vote une révision des lois constitutionnelles de 1875. Seuls quatre-vingts parlemen- taires votent contre cette révision, qui donne tout pouvoir au gouvernement de la République, sous l’autorité et la signature du maréchal Pétain. Ce dernier promulgue aussitôt trois actes constitutionnels, dont l’un dispose que la Chambre des députés et le Sénat subsistent “jusqu’à ce que soient formées les nouvelles Assemblées”, mais sont ajournés. C’est la fin de la Troisième République.
Les peines : Sous la IIIe République, se tiennent au Sénat six procès de la Haute Cour de justice. Deux d'entre eux, ceux de Marcel Cachin en 1923 et de Raoul Péret en 1931, n'emportent aucune peine : le premier aboutit à un dessaisissement et le second à un acquittement, assorti d'une condamnation morale pour les procédés employés par l'accusé. Dans les autres affaires (Boulanger, Déroulède, Malvy et Caillaux), les inculpés sont reconnus coupables à des degrés divers. La Haute Cour demeure souveraine quant à la fixation des sanctions. Les sénateurs-juges se prononcent sur les peines applicables, formulées par le Président, en commençant par la plus forte jusqu'à ce que l'une d'entre elles obtienne la majorité des voix. Lues en séance publique, notifiées aux accusés par le greffier de la Haute Cour, affichées à la porte du Sénat, les peines prononcées sont de deux natures : l'incarcération ou le bannissement. L'incarcération frappe essentiellement les accusés de trois procès. Le général Boulanger, tout d'abord, ainsi qu'Arthur Dillon et Henri Rochefort, tous contumax, sont reconnus coupables de complot et attentat contre le gouvernement ; ils sont condamnés à la détention dans une enceinte fortifiée. Joseph Caillaux, ensuite, accusé de correspondance avec l'ennemi, est frappé d'une peine de trois ans de prison couverts par la préventive. Dans l'affaire Déroulède, enfin, un seul accusé est incarcéré à l'issue du procès : Jules Guérin. Cette condamnation est due à sa vive résistance aux forces de police venues l'arrêter dans les locaux de la rue Chabrol, à Paris. Dans les autres cas, la Haute Cour prononce des peines de bannissement. André Buffet, Paul Déroulède, Marcel Habert et le comte de Lur-Saluces notamment, reconnus coupables de complot contre la sûreté de l'État, sont bannis pour cinq ou dix ans après avoir obtenu le bénéfice des circonstances atténuantes. Fait inhabituel, Lur-Saluces, bien que contumax, dispose de cette même mesure de clémence. Quant à Louis Malvy, il est frappé de bannissement, après que la Haute Cour a créé une nouvelle incrimination en l'accusant de forfaiture. Il revient en France, après avoir expurgé sa peine, et reçoit l'accueil de la population lotoise.
Les amnisties : Commentées par la presse et l'opinion publique, controversées par les juristes, les décisions de la Haute Cour ne sont susceptibles d'aucun recours. Le seul espoir des condamnés réside dans une amnistie ou une grâce présidentielle. Diverses propositions de loi d'amnistie sont déposées. En janvier 1895, celle émanant de Marcel Habert (qui sera jugé à son tour par la Haute Cour en 1899) est repoussée. Mais quelques jours plus tard, une amnistie générale est votée à l'occasion de l'élection de Félix Faure à la Présidence de la République. Bénéficiant de cette mesure, Arthur Dillon et Henri Rochefort peuvent rentrer en France. Ce dernier est accueilli à la gare du Nord par Jean Jaurès, René Viviani et des milliers de personnes. Le 13 juillet 1905, le Président de la République accorde remise du reste de leur peine à Buffet, Lur-Saluces, Guérin et Déroulède. Ce dernier refuse cette grâce et ne revient en France qu'à la faveur de la loi d'amnistie générale du 2 novembre 1905. Cependant cette remise de peine produit une conséquence administrative inattendue : son exécution requiert une inscription en marge des arrêts de la Haute Cour, par le greffier compétent. Or, cette dernière n'est pas une juridiction permanente. Quant au greffier, il ne fait plus partie du personnel du Sénat. Son successeur au secrétariat général de la Présidence, non assermenté, ne peut transcrire la décision présidentielle. Finalement, le Parquet de la Cour d'appel de Paris estime qu'en dehors de ce haut fonctionnaire, « personne... ne peut avoir qualité pour faire les mentions exigées par la loi puisque c'est lui qui a la garde des minutes » et pense qu'il appartient au Président du Sénat de dire le dernier mot sur cette question.
Duc d'AUDIFFRET-PASQUIER1823-1905 Présidence 1876-1879
Louis MARTEL1813-1892Présidence 1879-1880
Léon SAY1826-1896Présidence 1880-1882
Philippe LE ROYER1816-1897 Présidence 1882-1893
Jules FERRY,1832-1893 Présidence 1893
Paul CHALLEMEL-LACOUR, 1827-1896, Présidence 1893-1896
Emile LOUBET 1838-1929 Présidence 1896-1899,
Armand FALLIERES1841-1931 Présidence 1899-1906
Antonin DUBOST1844-1921 Présidence 1906-1920
Léon BOURGEOIS1851-1925 Présidence 1920-1923
Gaston DOUMERGUE1863-1937 Présidence 1923-1924
Justin de SELVES1848-1934 Présidence 1924-1927
Paul DOUMER1857-1932 Présidence 1927-1931
Albert LEBRUN1871-1950 Présidence 1931-1932
Jules JEANNENEY1864-1957 Présidence 1932-1942
SÉPARATION DE L’ÉGLISE ET DE L’ÉTAT (lois de) :
Les relations avec le Saint-Siège s’enveniment dans les premières années du XXe siècle du fait de la politique anticléricale du gouvernement d’Emile Combes et du remplacement en juillet 1903 de Léon XIII, pape diplomate, par Pie X, beaucoup plus intransigeant.
Trois incidents marquent la dégradation des relations de la France avec le Vatican. En 1902 éclate l'affaire du nobis nominavit, une chicane de chancellerie : le Saint-Siège prétend nommer les évêques en employant pour désigner le choix des autorités françaises la formule nobis nominavit (nommé par nous) dans les bulles épiscopales. Le Conseil d'Etat fait savoir qu'il n'enregistrera plus de bulles ainsi rédigées. Le pape finit par céder.
Deuxième affront, en avril 1904, quand le président de la République Emile Loubet se rend à Rome et rencontre le roi Victor-Emmanuel III. Le Saint-Siège, qui ne reconnaît pas Rome comme capitale de l'Italie, y voit une offense. Pie X proteste en envoyant une note secrète aux chancelleries européennes. Une provocation pour le gouvernement français. D'autant que le prince Albert de Monaco la communique à Jaurès qui la publie dans le premier numéro de son journal L'Humanité, le 18 avril 1904. L'opinion s'échauffe. La Chambre, enflammée par Jaurès, soutient le rappel de l'ambassadeur de France auprès du Saint-Siège. Troisième incident, au même moment éclate « l'affaire des citations ». Deux évêques républicains, celui de Laval et celui de Dijon, accusés par les catholiques de leur diocèse, l'un d'être amant de la supérieure du carmel, l'autre d'être franc-maçon, sont invités à venir se justifier à Rome en juillet 1904. Ils communiquent leurs convocations à la Direction des cultes. Le gouvernement s'indigne de ces citations faites à l'insu du gouvernement qui violent le droit concordataire et les articles organiques. Il interdit aux évêques d'aller à Rome. Le pape refuse de reculer. La Chambre vote la rupture des relations diplomatiques avec le Vatican : le 30 juillet 1904, est annoncé au secrétaire d'Etat, le cardinal Merry del Val, la décision du gouvernement de la République française de « mettre fin à des relations officielles qui par la volonté du Saint-Siège se trouvent être sans objet ». Combes déclare alors avoir voulu en finir « avec la fiction surannée d’un pouvoir temporel disparu depuis trente ans ». Mais il n’est nullement partisan de la séparation de l’Eglise et de l’Etat car il préfère, grâce au Concordat de 1801 et aux articles organisques qui y ont été annexés, continuer à maintenir le contrôle de l’Etat sur l’Eglise et, comme le faisait remarquer Clemenceau, son programme était destiné à inféoder l’Egle à’Etasionner en janvier 1905, c’est à son successeur, le gouvernement Rouvier qu’il appartient de régler le problème religieux. L'abolition du Concordat, c'est-à-dire la séparation de l'Eglise et l'Etat, est alors demandée par Jaurès. Combes et les radicaux se rallient à cette idée à l'automne. Combes est toutefois contesté dans sa majorité : le modéré Paul Doumer ou le socialiste Alexandre Millerand parlent de « bonapartisme » et « l'affaire des fiches » (le fichage des officiers pratiquants), qui éclate à la fin de l'année 1904, n'arrange rien. En outre, les socialistes ou les radicaux sociaux reprochent au gouvernement son immobilisme en matière sociale. Les défections se multiplient. Combes démissionne le 19 janvier 1905.
Maurice Rouvier le remplace jusqu'en mars 1906. Une commission nommée par la Chambre étudie le problème, et le rapporteur Aristide Briand, nommé rapporteur, veut faire une loi, franche, loyale, honnête « qui ne soit pas un pistolet braqué contre l’Eglise ». Les débats parlementaires comptent parmi les plus longs et les plus graves de toute la IIIe République. Arguant du fait qu'il y a collusion entre l'Eglise et les opposants de la République, les républicains considèrent que celle-ci doit cesser d'entretenir ses ennemis. Pour les plus extrémistes, libres-penseurs militants, la séparation doit conduire à la destruction de l'Eglise romaine. Les protestants font savoir qu'ils sont favorables à la laïcité mais qu'ils s'opposent à la confiscation des bâtiments du culte et des biens de l'Eglise, ce qui déclencherait une guerre civile souhaitée par Rome. La plupart des catholiques refusent la séparation parce que Rome n'en veut pas, qu'ils craignent pour les revenus et le recrutement du clergé, qu'ils y voient une mesure non de neutralité mais de persécution. En outre, certains catholiques, les démocrates chrétiens, redoutent que l'Eglise dépende plus encore qu'auparavant des élites sociales. La loi est finalement adoptée par la Chambre le 3 juillet 1905 et par le Sénat le 6 juillet. Elle est promulguée par le président Emile Loubet le 9 décembre. Le Concordat est abrogé, la liberté de conscience et de culte réaffirmée (article 1), mais l'Etat ne salarie ni ne subventionne plus aucun culte (article 2) : en conséquence, à partir du 1er janvier 1906 sont supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. En retour, l'Etat n'intervient plus dans les nominations d'évêques. L'article 4, largement inspiré par Jaurès, prévoit la création d'associations cultuelles auxquelles doit être faite, après inventaire, la dévolution des biens des établissements publics du culte, évalués à 400 millions de francs. Si cela ne pose aucun problème du côté des protestants et des juifs, dans le camp catholique l'application du texte législatif déchaîne les passions. Une minorité de fidèles l'accepte, dans le rêve d'une Eglise délivrée de tout lien avec la puissance séculière. Mais la majorité veut maintenir les relations séculaires de l'Eglise et de l'Etat ; ils refusent de voir « la fille aînée de l'Eglise » faire profession d'athéisme. La condamnation pontificale renforce les troubles. L'encyclique Vehementer Nos, du 11 février 1906, condamne la séparation en tant que violation unilatérale du Concordat ; les parlementaires français qui ont voté la loi sont excommuniés. Le 10 août, le pape réitérera sa condamnation par l'encyclique Gravissimo Officii : il interdit aux fidèles de former des associations cultuelles - qui sont laïques et pourraient devenir des structures concurrentes de la hiérarchie de l'Eglise. La nécessité d'inventorier les biens de l'Eglise, avant de les remettre aux associations cultuelles ou aux prêtres, est le point de départ de « la crise des inventaires » qui éclate en février-mars 1906. Une circulaire, publiée dans La Croix le 11 janvier, précise que les agents chargés des inventaires doivent demander l'ouverture des tabernacles. L'émotion est vive. Les catholiques parlent de profanation des hosties consacrées. Les évêques ordonnent aux prêtres de protester mais de rester passifs. Les fidèles, spontanément ou poussés par l'Action française, les débordent. On assiste à des scènes de violence. Début février, à Paris, les opposants aux inventaires se barricadent dans les églises et le préfet de police Lépine doit faire forcer les portes. A Sainte-Clotilde, gardiens de la paix et serruriers interviennent au milieu des fidèles agenouillés en prière, sous une pluie de cannes, de pierres, de chaises et de poivre ; à Saint-Pierre-du-Gros-Caillou, les pompiers utilisent la lance à incendie. Ces incidents font la une de L'Illustration du 10 février 1906. Dès la fin du mois, le mouvement de protestation gagne la province. Dans la Lozère, l'Ardèche, la Haute-Loire, le Pays basque, le Maine-et-Loire, la Vendée, le Morbihan, la Manche, la Flandre, les forces de l'ordre se heurtent à une forte résistance. Des officiers, pris entre le devoir d'obéissance et l'attachement à des traditions familiales, démissionnent. Les incidents se multiplient jusqu'au 6 mars. Ce jour-là, à Boeschèpe, un village du Nord près d'Hazebrouck, le fils du percepteur qui fait l'inventaire vient au secours de son père roué de coup, tire et tue un manifestant. Maurice Rouvier, le président du Conseil démissionne début mars 1906. Dans le gouvernement suivant, dirigé par Jean Sarrien, Clemenceau est ministre de l'Intérieur. Chef de file des radicaux, il estime qu'il n'y a pas lieu de « risquer une vie humaine pour compter les chandeliers d'une église » et fait surseoir à tout inventaire difficile. Le calme revient.Tout au long de l'année 1906, la question religieuse est donc au coeur de l'actualité politique française. La guerre livrée aux symboles religieux se prolonge jusqu'en 1907 : des lois et circulaires prescrivent de retirer les crucifix des tribunaux, interdisent les prières dans les locaux scolaires publics, exigent l'enlèvement des emblèmes religieux des écoles et transfèrent le monopole des enterrements aux municipalités.Toutefois les résultats déçoivent les anticléricaux acharnés. En 1910, un scandale éclate : le « milliard des congrégations » rapporte, en réalité, 35 millions à l'Etat. Les biens ecclésiastiques sont sous-évalués et les liquidations souvent accompagnées de pots-de-vin. Par ailleurs, les interdictions multiples ne peuvent empêcher les religieux et religieuses sécularisés de continuer à enseigner. En outre, dans les années qui suivent le vote de la loi, la majorité anticléricale née de l'affaire Dreyfus s'affaiblit : un autre clivage politique sur le thème militarisme/antimilitarisme ou nationalisme/internationalisme fait éclater l'alliance des républicains et des socialistes.Cependant 1905 reste une date capitale de l'histoire de la France contemporaine. La loi de séparation rompt le concordat napoléonien et marque la fin de l'union séculaire de l'Eglise de France et du pouvoir temporel, consacrant ainsi le mouvement de laïcisation et de sécularisation engagé en 1789. Cette rupture coûte cher aux catholiques. Les pertes matérielles sont énormes : le budget des cultes atteint 35 millions de francs en 1905 ; le patrimoine, églises exclues, à 411 millions. L'Eglise de France ne peut plus compter désormais que sur la générosité des fidèles. Ce problème de l'entretien des bâtiments cultuels est posé dès 1910 par Maurice Barrès dans La Grande Pitié des églises de France. Pour les catholiques, la perte symbolique est considérable : la religion étant devenue une affaire privée, la France n'est plus juridiquement liée au catholicisme.
Premier pays dont le droit soit officiellement indifférent aux questions religieuses, elle a, en matière de laïcité, le régime le plus radical du monde. Enfin, jusqu'au lendemain de la Première Guerre mondiale, elle n'a plus de relation diplomatique avec le Saint-Siège
CHOLVY (G.) et HILAIRE (Y.-M.) : Histoire de la France, t.2, Privat, 1986.
MAYEUR (Jean-Marie) : La Séparation de l’Eglise et de l’Etat, Paris, Julliard, 1966.
René Sergent
René Sergent est un architecte français né en 1865 et mort en 1927.
Biographie [modifier]
Inscrit à l'École spéciale d'architecture, Sergent y reçoit l'enseignement d'Émile Trélat et de Thierry-Ladrange. Reçu premier au diplôme, il a la possibilité d'entrer dans l'agence très réputée que dirige Ernest Sanson, où il reste plus de quinze ans. Il y étudie à fond les œuvres des architectes et ornementistes français du XVIIIe siècle, mais aussi de leurs contemporains anglais comme les frère Adam. Aux Salons de 1885 et 1887, il expose un "relevé d'une porte de l'hôtel Carnavalet" et "la façade et la coupe sur l'escalier de l'hôtel de Thorigny".
En 1902, Sergent prend son indépendance et entreprend de nombreux travaux de construction ou de restauration pour une riche clientèle aristocratique et bourgeoise. Il travaille successivement pour le prince de La Tour d'Auvergne, la comtesse de Maupeou, le comte Edmond de Fels,le comte Moïse de Camondo, les Duveen, les Seligmann, les Fabre-Luce, les Rothschild et les Wendel. Sa renommée ne cessant de grandir, il est sollicité aux États-Unis et en Argentine pour les Pierpont Morgan, Gould, Vanderbilt, Bosch, Alvear et Errázuriz.
Sergent sait faire montre d'une particulière habileté pour intégrer le confort moderne dans des bâtiments de proportions et de style classiques. Il montre aussi un goût prononcé pour la stéréotomie, accomplissant dans ce domaine de véritables prouesses. Son agence s'étend rapidement et il se fait seconder par René Bétourné et Léon Fagnen.
Sergent bâtit également plusieurs grands hôtels de voyageurs : le Trianon Palace à Versailles (1910), le Savoy et le Claridge à Londres, le Grand Hôtel de Rome, l'hôtel Stéphanie de Baden-Baden. Il édifie également le siège de la société Rolls-Royce. Pour les frères Duveen, célèbres antiquaires, il construit (1907-1908) le magasin parisien, un petit Trianon d'un élégant style Louis XVI édifié en fond de parcelle n° 20 place Vendôme (aujourd'hui siège d'une banque), et donne des dessins inspirés de Versailles et de Gabriel pour le vaste immeuble de New York, à l'angle de la 5e avenue et de la 56e rue (1909-1910, détruit en 1953), dont la réalisation est effectuée par un architecte local, Horace Trumbauer.
En 1911, Sergent reçut la grande médaille de l'architecture privée de la Société centrale des architectes.
Principales constructions privées [modifier]
1894 : Hôtel particulier à Paris, 9 rue Léo-Delibes, style néogothique et néorenaissance.
1903-1906 : Château de Voisins à Saint-Hilarion (Yvelines) pour le comte Edmond de Fels. Spectaculaire château inspiré du style de l'architecte du XVIIIe siècle Ange-Jacques Gabriel, plus particulièrement de l'École militaire à Paris.
1910 : Hôtel particulier à Paris, 9 avenue Charles Floquet (angle avec le 2 rue du général Lambert, aujourd'hui résidence de l'ambassadeur d'Inde) pour Jules Steinbach, de style néo-classique.
1911 à 1914 : Hôtel particulier à Paris, 63 rue de Monceau, pour le comte Moïse de Camondo (1860-1935), aujourd'hui Musée Nissim-de-Camondo de l'Union centrale des arts décoratifs. Dans l'esprit d'une demeure aristocratique du XVIIIe siècle, l'hôtel, sans doute l'une des plus grandes réussites de Sergent, est librement inspiré du Petit Trianon de Versailles.
1911 : Palais Ernesto Bosch à Buenos Aires (Argentine), aujourd'hui ambassade des États-Unis.
1911 : Palais Errazuriz à Buenos Aires (Argentine), pour Matias Errazuriz, aujourd'hui Musée des Arts Décoratifs.
1911 : Hôtel particulier à Buenos Aires (Argentine), pour María Unzue de Alvear
1912 : Palais “Sans Souci” à San Fernando (Argentine), pour Carlos María de Alvear
1913 : Hôtel particulier à Paris, 19 avenue d'Iéna, pour Alfred Heidelbach, de style néo-classique (abrite aujourd'hui les galeries du Panthéon bouddhique du Musée Guimet).
1914 : Hôtel particulier à Buenos Aires (Argentine), pour Atucha
1922 : Asilo Luis María Saavedra à Buenos Aires (Argentine) pour Mme Alvear de Bosch
Château de Voormezeele (Belgique), de style Louis XIV (détruit).
Hôtel particulier à Paris, sur le Champ-de-Mars, pour le couturier Jean-Philippe Worth, de style néo-classique.
SERVICE MILITAIRE :
Dès le lendemain de la guerre perdue de 1870-1871, les républicains avaient souhaité la restauration de la conscription symbole du retour à la République. L’instauration d’un service militaire universel, égale, de courte durée devait en outre fournir les effectifs indispensables à une guerre moderne. De plus, ils considéraient la conscription comme un corollaire de la démocratie, une garantie contre une armée encadrée par l’aristocratie, un moyen de compléter la formation civique des citoyens et d’assurer un brassage social. C’est la loi Thiers du 27 juillet 1872 qui pose les fondements de la conscription : l’universalité et l’obligation su service militaire. Celles-ci furent progressivement instaurées. Le rapporteur de la loi, le marquis de Chasseloup-Laubat, présente le service militaire comme une nécessité sociale qui s’imposerait à notre à notre pays alors même que la défense de notre sol ne le commanderait pas impérativement, car il est un lieu de création de lien social et contribue à l’unité nationale. Cette loi crée une obligation militaire s’étendant sur une période de 20 ans. Le tirage au sort est maintenu. Le remplacement est supprimé mais on peut-être dispensé pour diverses raisons dont le soutien familial. Il est établi un registre de matricules par département à partir des listes cantonales de recrutement. Ce dernier mentionnant l’incorporation et tous les changements (affectation, domicile, mariage…) jusqu’au passage dans l’armée territoriale. Le service se décompose comme suit : 5 ans dans l’armée active, 4 ans dans l’armée dans la réserve d’active, 5 ans dans l’armée territoriale, 6 ans dans la réserve territoriale.
La loi Freycinet du 15 juillet 1889 représentait une approche, encore imparfaite, de cet idéal. Elle soumettait tout français à trois ans d’obligation militaire : 3 mois dans l’armée active, 6 mois dans le territoire et 9 mois dans sa réserve. Mais les exemptions partielles étaient nombreuses : les soutiens de famille, les candidats à l’enseignement public et aux cultes, les élèves des grandes écoles et les membres des carrières libérales accomplissait un an de service seulement.
Au début du XXe siècle, « l’impôt du sang » était bien accepté par la société française. Le service militaire était perçu comme un rite marquant le passage à la vie adulte (être réformé n’était pas considéré comme une chance). Le taux d’insoumission était donc très faible.
La loi du 21 mars 1905 (loi Jourdan-Delbel), préparée par le général André, formula les caractéristiques de la conscription. Le service national, personnel (nul ne pouvait s’y faire remplacer et met fin au tirage au sort), obligatoire – tout le contingent est incorporé – et égal pour toute la durée (la réduction du service actif à deux ans permet de moins peser sur les besoins d’un économie en expansion). Le privilège des diplômés étant supprimé et remplacé par la possibilité pour ces derniers d’accomplir une partie de leur service militaire comme sous-officiers ou officier de réserve.
Cependant, la tension et le déséquilibre démographique croissant entre la France et l’Allemagne amenèrent en mars 1913 le commandement français à réclamer le rétablissement d’un service militaire de trois ans pour répondre aux nouvelles lois militaires allemandes et à l’aggravation de la situation internationale. Ainsi, avec une période de « classes » pendant six mois, l’Etat-Major pourrait disposer de deux classes d’âge) et demie contre une classe et demie avec un service de deux ans, ce qu’il jugeait indispensable étant donné qu’il n’envisageait pas d’employer ses unités de réserves en première ligne. Les débats furent passionnés dans la presse et au Parlement. Malgré l’opposition des socialistes, qui avec Jaurès proposait une armée de milice complétée par un cadre d’engagés spécialistes , la loi sur le service de trois ans fut adoptée le 7 août 1913 ; elle ne fut pas abrogée par la nouvelle majorité issue des élections de mai 1914. En août 1914, la France avait donc 760 000 hommes sous ses armes.
Après l’armistice du 11 novembre 1918, la disparition d’une menace allemande immédiate, les difficultés financières et le lassitude de la population amenèrent une réduction de la durée du service militaire. La classe 1919 fut libérée avant d’avoir accompli ses trois ans de service, comme celle de 1920 libérée dès mars 1922. L’adoption du service de dix-huit mois par la loi du 1er avril 1923 n’était qu’une mesure transitoire avant le service d’un an. Mais celui-ci ne put être établi que par la loi du 31 mars 1928, du fait de la difficulté de recrutement des militaires de carrière et des besoins du Maroc et d la Syrie. La loi de 1928 avait prévu, pour remédier à la chute des effectifs qu’elle allait entraîner, le recrutement de 100 000 militaires de carrière, la suppression des dispenses et des permissions, la création de centre de mobilisation, fonctionnant dès le temps de paix qui déchargeraient les unités d’active et la création d 15 000 gardes républicains mobiles pour renforcer la gendarmerie. Malgré cela, l’armée française n’avait plus de valeur opérationnelle en temps de paix, elle n’était plus qu’un cadre pour l’armée du temps de guerre, ce qui était certes conforme à l’idéal de la nation armée, mais imposait de recourir à un début de mobilisation avant d’entreprendre la moindre action militaire.
A partir de 1935, la menace allemande devait contraindre les responsables français à accroître les effectifs, et ce au moment de l’arrivée des classes dites « creuses », correspondant aux naissances pendant la Première Guerre mondiale, provoquait une baisse très sensible du contingent incorporable (120 000 hommes au lieu de 240 000). Le service actif fut ainsi porté à deux ans le 15 mars 1935, en vertu de l’article 40 de la loi de 1928, autorisant le maintien sous les drapeaux d’un contingent « si les circonstances l’exigent ». Cette décision fut appliquée à tous les contingents jusqu’au mois d’août 1939. Dès mars 1939, devant l’aggravation de la situation internationale, le contingent libéré en octobre 1938 fut rappelé. Puis les 21 et 27 août 1939, deux mesures de rappel réintégrèrent respectivement 848 000 et 725 000 hommes, faisant passer les effectifs de l’armée de terre de 875 000 hommes au mois de juillet à 2 448 000 hommes à la veille de la guerre. En septembre 1939, la mobilisation porta les effectifs à 5 millions d’hommes.
→BOËNE (Bernard), MARTIN (Michel) : Conscription et armée de métier, Séminaire Armée et société, Paris, Fondation pour les études de défenses nationale, 1991.
→CARLES (Pierre) : Des milliers de soldats inconnus, Paris-Limoges, Lavauzelles, 1982.
→CHAUVEAU (Guy-Michel) : Le service national, Paris, La Documentation française, février 1990.
→VAÏSSE (Maurice), DOISE (Jean), Diplomatie et outil militaire, 1871-1991, Paris, Le Seuil, 1992.
SEURAT (Georges), 1859-1891 :
Peintre. Né d’un père belge et d’une mère lorraine, tous deux musiciens, Maurice de Vlaminck alla vivre avec ses parents au Vésinet en 1879. Marié en 1894, il apprit le dessin avec les peintres Robichon et H. Rigal et travailla dans l’île de Chatou en étant surtout influencé par les Impressionnistes.
Après son service militaire entre 1896 et 1899, Vlaminck donna pour vivre des leçons de musique et joua comme violon au Théâtre du Château d’Eau. En 1900, il rencontra Monet et se lia d’amitié avec Derain avec lequel il loua un atelier dans l’île de Chatou.
Vlaminck éprouva comme une sorte de révélation en visitant en 1901 une exposition consacrée à Van Gogh. A partir de ce moment, il travailla en s’inspirant du principe de la couleur pure que le maître hollandais avait appliqué dans son œuvre pour se diriger tout naturellement vers le Fauvisme dont il devint un des représentants les plus importants.
Avec Derain, Matisse, Braque et d’autres artistes, Vlaminck fut un remarquable peintre fauve d’autant plus qu’il n’avait fréquenté aucune académie. Il fut donc un peintre travaillant à l’instinct qui parvint à produire des œuvres puissamment colorées durant près d’une dizaine d’années avant la disparition brutale du Fauvisme.
Bizarrement, la carrière de Vlaminck marqua brutalement le pas à l’orée de la Première Guerre Mondiale après avoir inexplicablement changé de style.
Il est vrai que réfractaire à l’idée de fréquenter une académie pour se perfectionner, il ne prit pas non plus la peine de devenir le porte-étendard du Fauvisme et qu’il n’envisagea pas une seconde d’avoir des élèves sous son aile en préférant mener sa barque à sa guise.
Longtemps peu concerné par le fait de savoir s’il pouvait vivre de sa peinture, Vlaminck ouvrit donc la voie à l’Expressionnisme en France mais son influence fut surtout manifeste parmi nombre de peintres étrangers venus s’établir à Paris alors que ce mode d’expression resta pratiquement ignoré par les artistes autochtones.
Entre 1903 et 1912, Vlaminck s’intéressa essentiellement aux paysages des environs de Chatou tout en s’attirant les faveurs d’Ambroise Vollard qui lui acheta son fond d’atelier en 1906 et ce, après qu’il eût fait sensation l’année précédente au Salon des Indépendants où un critique parla pour la première fois de la « cage aux fauves ».
Le Fauvisme représenta en lui-même une volonté de tout dévoiler et de tout unifier avec la rage de peindre en plus, cette rage qui habita Vlaminck d’emblée et qu’il conserva plus tard en peignant à la chaîne des paysages aux ciels torturés.
Anti académique par essence et d’un naturel frondeur, Vlaminck n’eut pas de difficulté à devenir révolutionnaire sans toutefois parvenir à le rester. La quarantaine venue, il finit par ressembler à ces sans-culottes dépassés par les événements après avoir fait la révolution. Ce personnage bourru ancré dans ses certitudes et peu enclin à admirer les maîtres qui avançaient tels Picasso ou Braque, poursuivit ainsi son chemin en produisant des œuvres, tourmentées certes, mais sombres et plutôt répétitives.
Encensé par de nombreux critiques, et surtout par André Salmon dont les commentaires dithyrambiques paraissent aujourd’hui quelque peu superfétatoires, Vlaminck n’eut pas à se remettre en question en continuant à produire à profusion des paysages, des natures mortes et quelques portraits qui furent à mille lieues de valoir ses magnifiques toiles de l’époque fauve.
Au mieux, on pourra dire de Vlaminck qu’il fut un tigre transformé en matou dès le début des années 1910. Au pire, on pourra avancer que le fauve perdit sa patte pour ne plus produire que des œuvres insipides et lassantes.
Il est vrai qu’il fut quelque peu conduit à abandonner le Fauvisme en suivant inconsciemment les conseils de Salmon et consorts qui prônèrent durant les années 1920 un retour aux racines de la peinture française pour remettre à l’honneur un art lisible, vivant et humain et se débarrasser des idées farfelues de certains intellectuels ou de spéculations maladives.
Pour Salmon, le Cubisme avait eu une influence néfaste au point d’exercer des ravages sur les esprits et d’étouffer dans l’œuf toute inspiration. On peut croire qu’en se dirigeant vers une peinture moins spectaculaire et moins agressive, Vlaminck trouva des appuis solides qui malheureusement lui firent perdre une grande partie de sa verve d’antan.
Il n’y a pas de comparaison possible avec « Le Quai Sengauzin à Bougival » de 1902 ou « La Seine à Bougival » de 1905 ou encore « La Seine à Chatou » de 1909 et les multiples monotones villages sous la neige peints à partir de la Première Guerre Mondiale tant les œuvres de la période fauve de Vlaminck écrasent ces dernières.
Il est non moins vrai qu’en restant à l’écart de la vie artistique parisienne et en vivant quelque peu retiré tout en étant le bon père d'une famille nombreuse, Vlaminck se transforma au fil des ans en artisan dénué d’inspiration en ayant peut-être acquis le sentiment d’être devenu le peintre de la France profonde. Ayant perdu ses repères, il eut la malencontreuse idée de faire partie de ce groupe d’artistes qui allèrent visiter Berlin à l’invitation des nazis durant l’occupation allemande, ce qui le rendit moins sympathique après la guerre mais ne l’empêcha nullement de continuer à peindre inlassablement des paysages qui furent loin de refléter sa gloire passée. Vlaminck renia le Fauvisme probablement parce que les Français restèrent rébarbatifs à ce mode d’expression qui perdura en Allemagne sous le label d’Expressionnisme allemand jusqu’à l’avènement du nazisme. Derain, qui préféra fréquenter une académie pour se perfectionner après s’être formé au contact de Vlaminck en abandonnant lui aussi les couleurs pures pour revenir à un académisme de bon aloi et à une palette plus sourde, eut ensuite une carrière semblable à celle de son ami alors que Braque et Matisse explorèrent des voies nettement plus fécondes. Spectaculaires en tant qu’artistes fauves, Vlaminck et Derain devinrent des peintres plutôt mièvres aidés en cela par des critiques devenus farouchement xénophobes après la Première Guerre Mondiale. On leur tiendra cependant rigueur de ne pas avoir conservé un esprit révolutionnaire ni d’avoir su sublimer leurs talents après avoir largement contribué à la gloire du Fauvisme qui, il est vrai, n’a été qu’un bref intermède dans l’histoire de l’art français.
SÉVÉRAC (Jean-Baptiste), 1879-1951 :
Professeur et journaliste. Né à Montpellier (Hérault), le 18 mai 1879, Jean-Baptiste Sévérac est licencié en philosophie et docteur ès-lettres. Étant étudiant à l’université de Montpellier, il milite dans le mouvement ouvrier et anime le groupe éstudiantin socialiste (1897). Puis, il appartient à la Fédération socialiste de l’Aisne et à celle de la Seine. Au printemps 1916, il participe à la création de L’Avenir, « revue française du socialisme ». Il est pendant la Première Guerre mondiale, rédacteur à L’Humanité jusqu’en 1918 puis entre au Populaire en 1920 et dirige l’École coopérative. Il appartient à la tendance pacifiste de la SFIO. Continuant sa carrière de journaliste après la guerre, il décède à Paris le 12 juin 1951.
SEVIN (Jacques), 1882-1951 :
Né à Lille (Nord), le 7 décembre 1882, Jacques Sevin entame une licence d’anglais et entre chez les jésuites en 1900. Avec l’interdiction des congrégations, il devient professeur d’anglais en Belgique puis en Hollande. C’est à partir de 1913 que Sevin va s’intéresser au scoutisme. Il se rend en Grande-Bratagne où il rencontre Baden-Powell, fondateur du scoutisme. Il expériment le scoutisme parmi les élèves de son collège de Mouscron et y fonde une première troupe de scouts catholiques le 13 février 1918. Dès 1919, il crée une troupe de scouts catholiques à Lille. Le 25 juillet 1920, il fonde avec le chanoine Cornette, les Scouts-de-France. En 1922, appuyé par l’Action populaire, il fait paraître son œuvre maîtresse Le Scoutisme. Il y présente en détail le scoutisme de Baden-Powell ainsi que son interprétation catholique tout en s’efforçant habilement de désalorcer les critiques virulentes des milieux conservateurs catholiques. La même année, il crée le journal Le Chef.
Commissaire à la formation à partir de 1924, il organise le camp-école de Chamarande. Des générations de hefs vont s’y former et permettront un développement rapide des Scouts-de-France. A partir de 1926, il développe le scoutisme pour les handicapés physiues. En mars 1933, il est démis de ses fonctions par le conseil national des Scouts-de-France vraisemblablement pour divergences de vues. Il fonde avec des cheftaines de louveteaux, un ordre religieux de spiritualité ignacienne, la Sainte-Croix de Jérusalem. La maison-mère venant s’installer à Boran-sur-Oise. Il y décèdera le 19 juillet 1951.
TISSERAND (G.) : Le père Sevin, Paris, Ed. Spes, 1965.
SFIO (Section française de l’Internationale Ouvrière) :
Le « Parti socialiste, Section française de l’Internationale ouvrière », fut constitué les 23-25 avril 1905, lors du Congrès d’unification de la salle du Globe à Paris. A la fin du XXe siècle, les forces du socialisme s’étaient développées en une série de chapelles antagoniques. L’affaire Dreyfus et le crise consécutive à la participation de Millerand au ministère de Défense républicaine de Waldeck-Rousseau provoquèrent la cristallisation de ces forces autour d’un pôle révolutionnaire et d’un pôle réformiste. Le premier était celui du Parti socialiste de France (PSDF), qui rassemblait les « marxistes » partisans de Jules Guesde et les « blanquistes » d’Edouard Vaillant. Le second, autour du Parti socialiste français (PSF), beaucoup plus souple, était animé par Jaurès et regroupait les réformistes partisans du soutien à la politique du Bloc des gauches. L’unité fut pratiquement imposée aux socialistes français par le Congrès de la IIe Internationale qui se tint à Amsterdam en août 1904. Une commission d’unification fut rapidement mise en place, et au cours des négociations, Jaurès se rallia à la plupart des positions du PSDF : le parti socialiste « ne serait pas un parti de réforme, mais un parti de lutte des classes et de révolution » ; ses parlementaires qui seraient soumis au parti, refuseraient au gouvernement « tous les moyens qui assurent la domination de l bourgeoisie », notamment les crédits militaires et le vote du budget.
A sa fondation, le « Parti socialiste, Section de l’Internationale ouvrière » - qu’on appellera ci-après SFIO, bien que son appellation populaire initiale fut celle du Parti socialiste unifié -disposait d’un effectif de quelques 33 000 adhérents (17 000 venant du PSDF, 16 000 du PSF et des groupements restés autonomes) et d’un groupe parlementaire de 30 députés. 21 députés élus sous une des étiquettes socialistes étaient restés rebelles à l’unité beaucoup parce qu’ils rejetaient la dérive révolutionnaire du nouveau parti ; ils formèrent un groupe de socialistes indépendants qui représentaient surtout une addition de clientèles électorales, mais leur nombre s’étoffa jusqu’en 1914. L’intransigeance doctrinale, la discipline rigide, le refus de toute politique de « Bloc des gauches » sur lesquels s’était fondé le parti unifié, firent taxer Jaurès de trahison par nombre de ses anciens compagnons réformistes. Aucun assouplissement n’intervient à cet égard avant 1911.
La SFIO était divisée en plusieurs tendances. La plus cohérente était cimentée par le vieux courant guesdiste qui, malgré l’émergence de nouveaux militants comme Compère-Morel, Marcel Cachin ou Pierre Brizon, restait fidèle à ses formules sclérosées. Autour de Gustave Hervé et de son hebdomadaire La Guerre sociale s’organisait la tendance insurrectionnelle et antimilitariste. A l’extrême droite, Albert Thomas, perdurait une fraction « blocarde ». Mais le parti se ralliait autour de Vaillant et de Jaurès qui s’étaient rapprochés dès la fin de 1905.
Dépourvue de théoriciens susceptibles de controverser avec les grands ténors de l’Internationale, la SFIO manifestait peu d’intérêts pour les questions idéologiques ou doctrinales. En revanche, des affrontements passionnés survenaient à propos du vieux dilemme réforme/révolution qui accapara notamment les débats du Congrès de Toulouse en 1908, où Jaurès parvint à faire voter à l’unanimité un texte de synthèse. La puissance d’un socialisme désormais unifié fit progresser la SFIO jusqu’à près de 90 000 adhérents en 1914, et aux élections de cette année-là elle obtint 17% des voix et 103 députés. Parti populaire de nature relativement hétérogène, elle était essentiellement dirigée par des bourgeois (avocats, professeurs, journalistes) et des membres de classes moyennes (instituteurs, employés). Son abondante presse lui permettait de rayonner de l’extérieur, en particulier son quotidien nationale L’Humanité, que Jaurès avait lancé en 1904 et qui était diffusé à près de 90 000 exemplaires. Un des problèmes majeurs restait cependant sa séparation radicale avec la CGT qui, en adoptant la Charte d’Amiens en 1906, avait réaffirmé son indépendance absolue vis-à-vis de tout mouvement politique.
Malgré les efforts de Jaurès et de Vaillant, la SFIO ne put empêcher le déclenchement de la guerre mondiale. Le 31 juillet 1914, Jaurès fut assassiné par un déséquilibré qu’avait déterminé la campagne de haine et d’appel au meurtre qui s’était déchaînée depuis plusieurs années contre le grand tribun. Mais, dès la déclaration de guerre, convaincus que la France républicaine était injustement agressée, les socialistes dans leur quasi-totalité, le vieux communard en tête Vaillant, se rallièrent à l’Union sacrée et jusqu’à l’automne 1917, déléguèrent certains des leurs au gouvernement comme Jules Guesde, Marcel Sambat, Albert Thomas. Les souffrances d’une guerre qui semblait ne pas devoir finir favorisèrent cependant l’éclosion de petits groupent qui mirent en cause les positions nationalistes de la majorité. A coté du groupuscule dit de Zimmerwald, il s’agissait surtout de la tendance plus modérée de Jean Longuet qui ne cessa de progresser et qui, alors que la victoire était en vue, finit par triompher à la fin de juillet 1918.
Partie volontairement seule au scrutin législatif de novembre 1919, la SFIO vit sa représentation parlementaire tomber à 68 députés. Mais, alors qu’elle se trouvait exsangue en novembre 1918 (moins de 20 000 membres), elle attira bientôt une masse de jeunes hommes réchappés du massacre, très sévères envers le « social-patriotisme », et fascinés par la mystique du bolchevisme naissant : lors du Congrès de Tours en 1920, elle comptait 180 000 adhérents. Ce congrès fut marqué par des débats passionnés où s’affrontèrent partisans et adversaires de l’adhésion à la IIIe Internationale, que Lénine avait fondé au début de 1919. Les premiers l’emportèrent à une majorité de plus des deux tiers et allèrent créer le Parti communiste-SFIC (Section française de l’Internationale communiste). Les seconds se répartissaient en deux tendances : a droite, le Comité de résistance socialiste animé par Léon Blum et Renaudel rassemblait les anciens majoritaire de guerre ; au centre, les partisans de Longuet (Paul Faure et Pressemane, notamment), soucieux de préserver avant tout l’unité socialiste, hostiles à l’adoption en France du modèle bolchevique, avaient été violemment récusés par l’Internationale communiste.
Dès la scission consommée, ces deux tendances décidèrent de rester unies pour reconstruire la « ville maison » (selon l’expression de Blum), désignèrent Paul Faure comme secrétaire général du parti et lancèrent un manifeste dans lequel ils revendiquèrent l’héritage de Jaurès, de Guesde et de Vaillant. D’abord très difficile, la « reconstruction » de la SFIO (période 1921-1924) s’effectua autour des cadres des fédérations, des responsables de presse, des élus locaux et nationaux restés majoritairement fidèles. Elle profita singulièrement des crises et épurations successives qui frappèrent le jeune parti communiste. En sorte que ses effectifs, évalués à quelques 30 000 membres au début de 1921 s’élevèrent à 72 000 en 1924 et 1327 000 en 1932. Malgré le postulat qu’elle constituait, au même titre que le PCF, un parti ouvrier, et malgré l’idéologie marxiste que partageaient toutes ces tendances, la SFIO était, peut-être plus encore qu’avant la guerre, un parti populaire et de classes moyennes. Comme pour le nombre de ses adhérents, son audience électorale surclassa dès 1924 celle du PCF : 19% des vois et 101 députés en 1924, 20, 5% des voix et 131 députés en 1932.
Au cours d cette période te même jusqu’en 1940, la SFIO dut faire face à un grave problème de fonctionnement, celui de la dyarchie installée à la tête du parti : l’appareil, en lequel se reconnaissaient les militants, dirigé par le secrétaire général Paul Faure ; le groupe parlementaire, sensible aux vues plus modérées des électeurs socialistes, animé par Léon Blum. Mais, comme ce dernier fit toujours passer la discipline de parti avant les dissentiments, mêmes fondés, des parlementaires, l’unité fut préservée. On le vit bien lors des débats récurrents sur l’éventuelle participation de la SFIO aux ministères dirigés par les radicaux : la majorité du groupe parlementaire s’y montrait favorable, la majorité des militants la rejetait. Pour résoudre le problème, Léon Blum, lors du Congrès de janvier 1926, développa la thèse de distinction entre l’exercice et la conquête du pouvoir – celle-ci consistant en la « prise totale du pouvoir politique » et préludant à la révolution. Cette doctrine, qui donnait une matière de satisfaction aux deux tendances, évitait qu’une participation minoritaire à un ministère hybride à dominante radicale ne se soldât par une déception des masses populaires et ne facilitât la tâche du PC.
Cependant, la bonne santé du parti et les offres réitérées des radicaux reposèrent périodiquement le problème de la participation. Dès janvier 1930, la droite du parti, conduite par Marcel Déat, rassemblait le tiers des mandats. En mai 1932, en adoptant les « cahiers de Huyghens », la SFIO mit des conditions pratiquement inacceptables à sa participation aux ministères radicaux. L’année suivante, l’effondrement de la social-démocratie allemande devant le nazisme joua un rôle d’accélération. Sur la question du soutien du ministère Daladier et du vote du budget, la majorité du groupe parlementaire entra en rébellion ouverte contre les organes dirigeants du parti. Le conflit déboucha sur une scission « néo-socialiste » et la création d’un « parti socialiste de France » qui, autour de Déat, Marquet, Montagnon et Renaudel, rassembla 20 000 adhérents et 30 députés, mais ne parvint pas à devenir un véritable parti. Bientôt, les évènements de février 1934 et le danger d’extrême droite ressoudèrent la SFIO, un moment affaiblie, autour de Blum et de sa direction.
La SFIO fut prise à contre-pied par le revirement spectaculaire du PCF en juin 1934, et si elle signa avec lui un pacte d’unité d’action le 27 juillet suivant, elle se montra d’abord réticente devant les tentatives effectuées par le PC pour élargir le pacte aux diverses organisations de la petite bourgeoisie et de la « société civile ». C’est que, soucieuse avant tout de l’unité ouvrière, elle restait fascinée par la perspective d’un retour à une unité organique qui aurait effacé Tours. Mais elle joua un rôle déterminant dans la constitution, la victoire électorale et la direction des gouvernements du Front populaire.
Chez les socialistes, la guerre d’Espagne aviva l’opposition entre les pacifistes et la tendance résolue à ne pas céder au fascisme international. Cette dernière était animée par Jean Zyromski et sa bataille socialiste. La sensibilité pacifiste se trouvait pour sa part représentée par de petits groupes, comme celui de la Gauche révolutionnaire de Marceau Pivert : elle était surtout incarnée par Paul Faure, qui considérait que tout risque de guerre devait être résolument évité et qu’il fallait distinguer la politique intérieure des régimes fascistes de leur attitude extérieure. Dès l’été 1938, la pacifisme fauriste divergea de plus en plus nettement de la position centriste de Blum. Ce dernier parvint encore, le 4 octobre lors du débat sur les accords de Munich, à préserver l’unité de façade du parti, au moyen d’un discours où il exprima contradictoirement sa « joie profonde » et sa « douleur profonde ». Mais au congrès de décembre 1938, pour la première fois depuis 1920, Léon Blum et Paul Faure s’opposèrent ouvertement, obtenant respectivement 60% et 30% des mandats. La SFIO se trouva bientôt dans un état de scission morale et de paralysie interne qui la privait de toute emprise réelle sur le pays, et à la veille de la guerre ses quelque 150 000 adhérents (en diminution par rapport aux 241 000 de 1937) étaient anxieux et désemparés.
Après l’effondrement de la France en mai 1940, la SFIO n’existait pratiquement plus, sa direction ayant décidé de mettre ses fédérations « en sommeil ».
→BERGOUNIOUX (Alain), GRUNBERG (Gérard) : Le Long remord du pouvoir. Le Parti socialiste français, 1905-1992, Paris, Fayard, 1992.
→BRUNET (Jean-Paul) : Histoire du socialisme en France, Paris, PUF, collection « Que sais-je ? », 1993.
→LEFRANC (Georges) : Le Mouvement socialiste sous la IIIe République (1875-1940), Paris, Payot, 1963.
→LIGOU (Daniel) : Histoire du socialisme en France (1871-1961), Paris, PUF, 1962.
SIEGFRIED (André), 1875-1959 :
Sociologue. Né au Havre, le 21 avril 1875. Issu d’une vieille famille protestante de souche alsacienne, André Siegfried était le fils de Jules Siegfried, maire du Havre, député de la Seine-Inférieure et ministre du Commerce dans le cabinet Ribot. Après une scolarité à Paris, au lycée Condorcet, puis à l’École libre des Sciences politiques — où lui-même devait enseigner à partir de 1911 — André Siegfried orientait ses études à la fois vers l’histoire et les lettres (il soutint une thèse de doctorat sur la démocratie en Nouvelle-Zélande) et vers le droit, discipline dans laquelle il obtenait un second doctorat.
Cet intellectuel était aussi un homme de terrain : sa jeunesse avait été marquée, dans les années 1900-1901 par un vaste tour du monde, qui l’avait conduit, entre autres destinations, aux États-Unis, au Mexique, en Australie, au Japon, en Chine et aux Indes. Par ailleurs, sur les traces de son père, il avait tenté de s’engager sur le terrain concret de l’action politique, mais ses trois tentatives pour se faire élire à la députation, en 1902, 1906 et 1910, s’étaient soldées par des échecs.
Quand éclata la Première Guerre mondiale, il servit comme interprète dans l’armée britannique, puis occupa de 1920 à 1922, un poste à la direction du service économique de la section française de la SDN. En réalité ce sont ses travaux de recherche qui lui valurent la célébrité, au premier rang desquels son magistral Tableau de la France de l’Ouest, publié dès avant la guerre, qui renouvelait profondément la science politique française. Collaborateur régulier au Figaro à partir de 1934, André Siegfried devait parallèlement produire une œuvre importante, dans laquelle on retiendra : L’Angleterre d’aujourd’hui, son évolution économique et politique, Les États-Unis d’aujourd’hui, Tableaux des partis en France, La Crise britannique au XXe siècle, Cours de géographie économique et politique, L’Amérique latine, Le Canada, puissance internationale, Qu’est-ce que l’Amérique ?, Suez, Panama et les routes maritimes mondiales, Mes souvenirs de la IIIIe République, Mon père et son temps, La Suisse, démocratie témoin, L’Âme des peuples, Aspects du XXe siècle.
André Siegfried fut élu en 1932 à l’Académie des Sciences morales et politiques, puis se vit attribuer l’année suivante une chaire de géographie économique et politique au Collège de France, en même temps qu’il continuait de dispenser son enseignement à l’École libre des Sciences politiques, dont il était la figure dominante. Il devenait en 1945 le premier président de la Fondation nationale des Sciences politiques. Son élection à l’Académie française eut lieu le 12 octobre 1944.
SIEGFRIED (Jules), 1837-1922:
Homme politique. Né à Mulhouse le 12 février 1837, Jukes Siegfried est issu d’une famille de négociants en coton, alsaciens et protestants. Les affaires de son père allant mal, il interrompt ses études à 12 ans pour travailler dans la maison de commerce familiale. Avec ce qu’il gagne, il voyage en Inde et en Amérique, et fonde en 1862, à Bombay la première maison française pour l’achat du coton. Il s’établit au Havre peu après. Avec son frère Jacques, il développe son entreprise par la création des comptoirs à Liverpool et à La-Nouvelle-Orléans. En 1866, avec son frère, il fait un don de 100 000 francs à la Société industrielle de Mulhouse pour la création d’une école supérieure de commerce. En 1869, il épouse Julie Puaux avec laquelle il partagera ses divers engagements. Dès 1868, il est président du groupe havrais de la Ligue de l’enseignement. Son action dans le domaine de l’enseignement populaire s’intensifie au début de la IIIe République. En 1871, il crée une Ecole spéciale de commerce (sur le modèle de l’Ecole de commerce de Mulhouse u’il a subventionnée en 1867), puis une Ecole pratique d’industrie pour les garçons, une Ecole professionnelle destinées aux apprentis mécaniciens de la marine, une Ecole pratique coloniale, une Ecole d’hydrographie et une Ecole industrielle de Maistrance. En 1880, il ouvre au Havre une école pratique de commerce et d’industrie. Il poursuit son œuvre scolaire et celle des cités ouvrières. Il crée le Cercle Franklin qui est, en fait, une Université populaire avant la lettre. Il est aussi membre du conseil d’administration de la société des bibliothèques communales du Haut-Rhin. En 1885, il organise au Havre le premier Congrès international d’instituteurs et d’institutrices. Il mène parrallèlement une carrière politique. En 1870, il est premier adjoint au maire du Havre. Maire du Havre de 1879 à 1886, il organise le premier bureau municipal d’hygiène. Elu député depuis 1885, il représente à la Chambre la Seine-Inférieure jusqu’en 1897. Il devient alors sénateur, puis de nouveau député en 1902 jusqu’à sa mort. Fondateur de la Société française des Habitations à bon marché en 1889, il traite des habitations ouvrières au congrès de l’Association protestante pour l’étude pratique des questions sociales en 1890 dont il est membre actif. Chrétien social, il est le promoteur de la loi de 1894 sur la création des Habitations à bon marché, responsable de la réglementation hygiéniste dans le logement (1902) : « La question du logement est la première question sociale ». Fondateur de la Société des crédits des habitations à bon marché en 1898, il participe à créer la Section nationale française de l’Alliance coopérative internationale en 1896 et la préside.
Fondateur avec le comte de Chambrun du Musée social en 1895, dont il sera président durant 28 ans. Il fait adopter au Musée social le principe d’une section d’études féminines en 1916. Il soumet une liste de personnalités à sa femme Julie Siegfried et à A. Avril de Sainte-Croix qui vont orienter le conseil national des femmes françaises vers l’étude des questions sociales. Il décède le 26 septembre 1922 au Havre.
SIEGFRIED (Julie), 1848-1922 : Féministe. Julie Puaux est née à Luneray (Seine Maritime), le 18 février 1848. Son père, notaire abandonne sa profession pour devenir pasteur à Leneray puis à Mulhouse et enfin à Alès. En 1869, elle épouse Jules Siegfried, alors industriel en Alsace. Tous deux font partie de la haute société protestante. Comme Elise de Pressensé qu’elle connaît, la guerre de 1870 lui fait prendre conscience de la nécessité des activités sociales et du rôle que les femmes y prendre. Activités sociales u’elle entreprendra au Havre à travers l’organisation d’écoles d’apprentissage, d’écoles et de lycées de jeunes filles et des peuvres d’assistance. En 1875, naît son fils André qui deviendra un des fondateurs de la sociologie religieuse. De retour à Paris en 1885, avec son frère le pasteur Puaux et sa belle-sœur, elle reprend l’œuvre de Chaissée du Maine qu’avait créée Elise de Pressensé. En 1884, elle prend en charge l’œuvre des demoiselles de magasin qui instaurera une bibliothèque, des cours d’anglais et de solfège. En 1889, avec Sarah Monod, elle participe à la fondation de la conférence de Versailles, œuvre qui fait se rencontrer des femmes de milieus et de confessions différentes et d’où devait sortir le conseil national des femmes. En 1906, elle préside un comité qui dirige l’Union parisienne des institutions féminines chrétiennes et le Cercle Amitia. Grâce à la fortune de son mari et à sa ténacité, l’activité philanthropique de Julie Siegfried est débordante. Son salon est accueillant aux femmes de la bonne société parmi lesquelles elle recrute des volontaires pour l’activité sociale auprès des autres femmes.
Acquise aux idées du Christianisme social comme la petite-fille de Guizot, de Witt-Schlumberger qui préside l’Union féminine civique et sociale (UFCS), Julie Siegfried est proche de Elie Gounelle. Elle est au comité directeur de l’Association protestante pour l’étude pratique des questions sociales de 1910 à 1914.
En 1913, elle succède à Sarah Monod à la présidence du Conseil nationale des Femmes de France. En 1916, elle préside, l’Office de renseignements ausx familles dispercées par la guerre. La même année, elle constitue avecA. Avril de Sainte-Croix, le section d’études féminines (SEF) du Musée social dont son mari Jules Siegfried est alors président.La SEF est composée de femmes actives dans les associations sociales féminines et représente, à cette époque, la pointe avancée du féminisme réformiste. On y trouve aussi bien Maria Vérone, Andrée Butillard, Léonie Chaptal que Cécile Brunschicg. En 1917, Julie Siegfried présente à la SEF un rapport à propos d’une entente entre l’Assistance publique et la bienfaisance privée, réclamant dans chaque commune une union des œuvres privées. En 1919, elle est décorée de la Légion d’honneur. Elle décède à Paris le 28 mai 1922.
BLUM (F.), HORNE (J.) : Féminisme et Musée social (1916-1939), Paris, Vie sociale, 1988.
SIEGRIST (Georgette), 1887-1981 :
Georgette Siegrist est née à Meaux (Seine-et-Marne), le 16 février 1887, son père est protestant et sa mère avait été élevée chez des religieuses. Une monitrice de l’école biblique lui laisse une empreinte profonde. A six ans, elle veut être missionnaire. A treize ans, ses parenst viennent habiter à Paris, dans le XVIIIe arrondissement. Instruction religieuse à l’acole luthérienne Saint-Paul où elle sera minitrice à l’école du Dimanche en 1912. En 1915, elle suit le cours complémentaire manuel et ménager et passe son brevet élémentaire.
Les difficultés financières de ses parents l’obligent à travailler comme secrétaire à la SNCF tout en continuant son action éducatrice auprès des fillettes du quartier et ayant de lourdes charges familiales du fait de la santé de sa mère. Elle a cependant l’attention de passer le brevet supérieur pour être institutrice missionnaire et travaille souvent la nuit.
En 1917, elle lance la section des Eclaireuses unionistes de Paris-Villette au recrutement très populaire. Elle rencontre Antoinette Butte et Violette Mouchon. « Antoinette Butte admire chez elle sa sagesse précoce, son autorité naturelle, l’ordre et la méthode qui régnaient à la Villette. Elle admire l’aisance, les qualités intellectuelles, l’imagination d’Antoinette Butte. Un peu effrayée par le désordre et l’anarchie de la Maison verte… » (témoignage de J. Basdevant). En 1919, elle tombe malade ce ui met fin à son espoir de partir en mission. Elle donne alors la plus grande partie de son temps aux Eclaireuses. En 1921, Georgette Siegrist est élue commissaire nationale lors d’une d’une rencontre de cheftaines à Epinal. C’est à cette époque que l’équipe de responsables nationales appelées « La Main », se forme avec Violette Mouchon, Marguerite Walther et Renée Sainte-Pierre Deville, M. Beley et elle-même. Les qualités de cette dernière en font la véritable réalisatrice. Elle met sur pied l’administration de la Fédération française des éclaireuses (FFE). A la mort de sa mère en 1923, elle s’y consacre à plein temps. En 1931, son état de santé l’oblige à renoncer à ce mode de vie trop fatiguant. Marguerite Walther lui succède. Pendant son immobilité forcée, elle crée le mouvement des Eclaireuses disséminées (malades).
De 11937 à 1939, elle dirigeun centre professinionnel de jeunes chômeuses à la demande du ministère du Travail et par délégation de la FFE.
En 1940, Suzanne de Dietrich, représentant le Conseil protestant de la jeunesse fait appel à elle pour créer des équipes chargées de s’occuper des alsaciens-lorrains évacués en Périgord et en Limousin. Elle s’y emploie avec quelques responsables des mouvements de jeunesse protestants. Ce sont les débuts de la Cimade. Obligée de se retirer de c type d’activité en 1943, elle se retire dans la Drôme où elle rend des services orientés vers la formation de la jeunesse, mettant ses dons variés et sa force de persuasion dans ce que sa santé lui permettait encore de réaliser. Elle décède le 31 mars 1981 dans la Drôme.
SIGNAC (Paul), 1863-1935 : Peintre. Né à Paris le 11 novembre 1863 - id., 15 août 1935) est un peintre français paysagiste qui donne naissance au pointillisme avec le peintre Seurat. Il a aussi mis au point la technique du Divisionnisme.
Signac était fils de commerçants à Paris mais son arrière-grand-père, officier de la marine à la révolution, est mort en captivité sur les pontons anglais. Enfant unique, il est très gâté par sa mère et son grand-père.
Il commence la peinture en 1882 à Montmartre, et se forme seul sous l'influence des impressionnistes. C'est en voyant une reproduction de Monet, qu'il se met sérieusement à s'intéresser à la peinture. Il écrira d'ailleurs à Monet dans sa jeunesse, dans le but d'obtenir quelques conseils de sa part.
En 1880, il interrompt ses études peu avant d'obtenir son baccalauréat. Il adhère alors à un groupuscule, "Les harengs saurs épileptiques baudelairiens et anti-philistin", résolument anticonformiste. Il entre ensuite dans l'atelier libre d'un peintre à Montmartre, Emile Bin.
À ses début, Signac peint surtout des vues d'Asnières, où réside sa famille et où il remise un bateau. Signac a deux passions, la peinture et la navigation. Il peint également des vues de Montmartre et fait des études de femmes. Sa peinture est très influencée par Monet, il peint par touches distinctes, très colorées.
En 1884, Signac expose sa première œuvre au "Salon des artistes indépendants", où il rencontre Georges Seurat, avec qui il va se lier d'amitié.
Le 30 juin 1884 est fondée la Société des artistes indépendants. Au printemps 1886 sont exposées à New York des œuvres de Signac et de Seurat.
Signac travaille avec Seurat, avec Pissarro, avec qui il va former le groupe des "impressionnistes dits scientifiques".
Signac peint par petites touches, par pointillés, par juxtaposition des couleurs pures. Le mélange ne se fait pas sur la palette mais dans l'œil du regardeur.
En peignant sur les quais de Seine, vers Asnières, il rencontre Van Gogh. D'août à octobre 1887, Signac s'installe dans le midi. Il achete un nouveau bateau et passe l'été 1888 sur la côte nord de la bretagne, puis l'année suivante sur la côte méditerranéenne où il visite Cassis et rend visite à Van Gogh qui est interné à Arles.
Le 29 mars 1891, Seurat meurt à trente et un ans. Signac est sous le choc, il quitte donc Paris pour aller naviguer sur les côtes bretonnes.
Il quitte la Bretagne pour Saint-Tropez en 1892 où il s'installe une partie de l'année, avec son épouse et sa mère dont il fera le portrait. Il peint également de nombreux paysages.
Signac se caractérise par le parallélisme qu'il fait entre la musique et la peinture allant jusqu'à nommer ses toiles « La rentrée des chalutiers ...Larghetto, etc. » . Ses tableaux étaient numérotés en Opus !
Dans l'année 1893, Delacroix publie son journal. Cela pousse Signac à se mettre à l'écriture. Dès 1896, il se met alors à rédiger une étude intitulée D'Eugène Delacroix au néo-impressionnisme qui paraît en 1899.
En 1908, il devient président des indépendants, il consacre beaucoup de temps et d'énergie à cette fonction.
Paul Signac - Arles, la Maison Jaune où résida van Gogh en 1888-1889. Aquarelle de 1933
Signac retournera en bretagne entre 1923 et 1929 lors de sa période aquarelles.
Œuvres [modifier]
• Les Andelys (1886)
• Femme lisant (1887), Musée d'Orsay, Paris : huile sur bois
• Château de Comblat (1887), Musée de Liège, Belgique : HST (cf. http://pluvinel.site.voila.fr)
• La bouée rouge (1895) Musée d'Orsay, Paris : Dimensions : 81 cm x 65 cm Paysage de Saint-Tropez.
• L'orage, (1895) Musée de l'Annonciade, Saint-Tropez : Paysage de Saint-Tropez
• Le phare d'Antibes, (1909) Musée des Beaux arts, Nantes : Huile sur toile
• Le château des Papes à Avignon, (1900) Musée d'Orsay, Paris : Dimensions : 73,5 cm x 92,5 cm.
• Le combattant (1893) 12,3cm x 20,3 cm.
• le déjeuner peint de 1885 à 1886 111.8cmx1886 à l'huile
SILVER (Charles), 1868-1949 : Compositeur. Né le 16 avril 1868 à Paris, Charles Silver fréquente très tôt le Conservatoire de Paris, notamment les classes de Théodore Dubois et de Jules Massenet. En 1890 il se présentait au Concours de Rome avec sa cantate Cléopâtre et obtenait un deuxième Second Grand Prix. L’année suivante c’est le premier Grand Prix qui couronnait son drame lyrique L’Interdit. Après le traditionnel séjour passé à la Villa Médicis de janvier 1892 à décembre 1895, il regagnait la capitale et se lançait dans la composition avec des mélodies et autres chants, dont ce chant patriotique En avant !, écrit sur un texte de Paul Déroulède et ces Chants Slaves (Heugel) ; de nombreuses œuvres symphoniques éditées chez Choudens et Heugel, comme ce Poème carnavalesque donné en première audition à Monaco le 1er mars 1906 sous la direction de Léon Jehin, dont la presse souligna un manque d’originalité tout en reconnaissant certaines qualités mélodiques ; et des opéras. Parmi ceux-ci, notons La Belle au bois dormant, conte lyrique écrit à Rome en 1895 et créé à Marseille en 1902, Le Clos, Myriane (drame lyrique, Nice, 1913), la Grand-Mère (1930) et Quatre-Vingt-Treize (Paris, 1936). Assurément son plus grand succès fut sa comédie lyrique en 4 actes La Mégère apprivoisée (Au Ménestrel, Heugel), d’après Taming of the Shrew de Shakespeare, adaptée par Paul Delair, avec des paroles de Henri Cain et Edouard Adenis, qui a figuré quelque temps au répertoire de l’Opéra. Cette pièce raconte l’histoire d’une mégère, Catharina, qui a voué aux hommes une haine implacable. Petruccio, un gentilhomme de Vérone, réussit cependant à la séduire, au point qu’elle devient finalement une épouse tendre et fidèle. Il ne faut pas oublier également un ballet mêlé de chant Néigilde (Choudens), dont la première eut lieu à Monte-Carlo le 13 avril 1909 et un oratorio Tobia, donné à Marseille en 1902. Il s’est voué aussi à l’enseignement de l’harmonie au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, où il eut notamment pour élève Amédée Borsari, l’un des quatre compositeurs du Groupe Eurythmie.
Charles Silver avait épousé le 3 septembre 1900 la cantatrice Bréjean-Gravière, de son vrai nom Georgette Sixtout. Née à Paris le 22 septembre 1870, élève du Conservatoire de Paris, cette soprano débuta en 1890 à l'Opéra de Bordeaux dont elle épousa le directeur M. Gravière, avant de devenir plus tard Mme Silver. En septembre 1893 à l'Opéra-Comique de Paris, elle chanta dans Manon de Massenet et participa sur cette même scène à la création, le 24 mai 1899, d’une autre œuvre majeure de ce compositeur : Cendrillon, dans laquelle elle tenait le rôle de la Fée. Elle a interprété avec succès de nombreux autres rôles, notamment Rosine dans le Barbier de Séville (Rossini), Philine dans Mignon (Ambroise Thomas), Eurydice dans Orphée (Monterverdi), Leila dans Les Pêcheurs de perles (Bizet) et Rosenn dans Le Roi d’Ys (Lalo)... Elle est morte en août 1951 à la maison de retraite des artistes de Neuillys-sur-Seine, où elle s'était retirée. Charles Silver s’est éteint le 10 octobre 1949 à Paris.
SIMON (Alfred), 1866-1946 :
Ancien combattant de la Première Guerre mondiale, dont il revient mutilé, il est un intégriste militant et le commanditaire de divers organismes de droite, par exemple de Vérités, brochures de propagande publiées entre 1927 et 1939 et signées Luc Vérus ; mais il n’en était pas le rédacteur. Il était le bailleur de fonds des entreprises de l’abbé Boulin et de Henri Merlier.
SIMON (Suisse Jules, dit Jules), 1814-1896 :
Ecrivain et homme politique. Jules Simon est né le 17 décembre 1814 à Lorient (Morbihan). Fils d’un drapier, il devient agrégé en 1836 et docteur en philosophie en 1839 où il enseigne à la Sorbonne et fait paraître divers ouvrages philosophiques. Il représente les Côtes du Nord en 1848 à la Constituante comme député ; il siège avec les républicains modérés puis est nommé au conseil d'Etat en 1849 et reprend ses enseignements. Condamnant le coup d'état du 2 décembre 1851, il est suspendu de ses fonctions. Il consacre son temps à l'écriture. Les élections de 1863 le ramènent à la politique et s’opposant à l’Empire, il est l’un des élus républicains au Corps législatif qui constituent le « groupe des cinq ».
Très populaire, il devient ministre de l’Instruction publique du gouvernement de Défense nationale en 1870, puis du gouvernement Thiers jusqu’en mai 1871, mais l’opposition des catholiques l’oblige à démissionner. Député de 1871à 1875, directeur du journal Le Siècle en 1875, il est désigné par l’Assemblée nationale comme sénateur innamovible et siège au Sénat jusqu’à sa mort en 1896. Il représente l’aile modérée du parti républicain et devient l’adversaire de Gambetta. En janvier 1871, c’est lui que le gouvernement de défense nationale charge de casser les décrets de Gambetta interdisant aux anciens serviteurs de l’Empire de se représenter aux élections et autorisant les préfets en fonction à se présenter aux suffrages dans leur département d’exercice. Les deux hommes s’opposent encore sur les pouvoirs financiers à accorder aux Sénat, et Jules Simon l’emporte en faisant admettre que le Sénat, s’il discute le budget à la Chambre, a les mêmes droits qu’elle. Quand Jules Simon accède à la présidence du conseil en 1876, il procède à une vaste épuration parmi les préfets et les magistrats, afin d’installer des Républicains. Cette pratique lui vaut l’hostilité de Mac-Mahon, président de la République. Dans le conflit qui s’esquisse aussitôt entre les partisans de la primauté présidentielle, c'est-à-dire les monarchistes, et les tenants de la prépondérance au Parlement, c'est-à-dire les Républicains, Jules Simon ne peut dégager de compromis et il est tenu de s’appuyer sur les Républicains. Il lui faut, de mauvais gré, suivre Gambetta qui fait alors figure de chef de file du parti républicain et il finit par accepter un ordre du jour invitant le gouvernement à réprimer les manifestations ultra-montaines, ce qui décide définitement Mac-Mahon à se séparer de lui. Ecarté du pouvoir par la crise du 16 mai 1877, Jules Simon ne participe plus au gouvernement. Il consacre alors son énergie à défendre au Sénat un certain nombre de lois sociales destinées à protéger les femmes et les enfants au travail. Il se consacre égelement aux problèmes de l’éducation se montrant favorable à la liberté de l’enseignement. Il décède à Paris le 8 juin 1896.
DE BROGLIE (G) : Mac-Mahon, Paris, Perrin, 2000.
MADELIN (L) : « Les mémoires de Jules Simon », in Revue des Deux-Mondes (janvier 1910).
MAYEUR (Jean Marie) : La vie politique sous la Troisième République, Paris, Editions du Seuil, 1984.
PICOT (G) : Notices historiques, Paris, Hachatte, 1907.
SIX FÉVRIER 1934 : Le 6 février 1934 est souvent cité comme un exemple de tentative avortée d’insurrection fasciste ou réactionnaire. Le 6 février 1934 trouve d’abord ses origines dans la situation de dépression économique et de trouble politique qui atteint la Frane au début des années 1930.
Dans le domaine économique, la France est entrée dans la crise dès l’automne 1931. Celle-ci se manifeste par les difficultés sociales considérables, atteignant en premier lieu le monde des classes moyennes (commerçants, artisans, industriels, petits et moyens proriétaire, exploitants ruraux) dont les revenus chutent de façon vertigineuse, et un monde ouvrier plus touché par la diminution des heures de travail que par le chômage total (450 000 chômeurs déclarés au plus fort de la crise, ce qui, compte tenu des difficultés d’évaluation, conduit sans doute à environ 900 000 chômeurs réels). Devant les difficultés économiques qui les assaillent, les Français se tournent vers le gouvernement dont ils attendent en ces circonstances difficiles une action énergique capable de mettre fin au marasme économique. Or, c’est à ce niveau que la crise économique se conjugue avec la crise politique que la France subit depuis 1926-1927, c'est-à-dire à partir du moment où les Français s’étant aperçus que les conséquences de la guerre étaient irréversibles, les igéologies politiques traditionnelles sont apparues inadéquates pour appréhender et traiter les problèmes de la France nouvelle. De cette inadéquation des forces politiques à résoudre les problèmes de la France d’après-guerre, le parti radical-socialiste, porté au pouvoir par les élections de 1932, offre le meilleur exemple. En vertu de ses conceptions nées au début du XXe siècle, il se considère comme un parti de gauche pratiquant avec les socialistes le « discipline républicaine » dans les élections et constituant avec eux une majorité de gauche à la Chambre des députés ; mais cette fonction de sa vision d’une société envisagée dans un cadre libéral, il entend pratiquer une politique économique et financière fondée sur la loi du marché et exigeant impérativement la confiance des milieux d’affaires, ce qui impose qu’il pratique pour lutter contre cette crise cette déflation en quoi l’orthodoxie voit la seule pratique licite qui permette de sortir le pays du marasme. Or, en 1932-1933, les conséquences de cette déflation n’ont pour effet que d’enfoncer encore plus le pays dans la crise, augmentant son mécontentement. L’idée s’impose dès 1933, dans les milieux de droite et d’extrême-droite que, comme en 1926 pour chasser le cartel, un mouvement de rue qu’il suffira d’encourager, doit inévitablement débarrasser le pays de la majorité de gauche.
L’émeute parisienne du 6 février, qui mit en danger la IIIe République avait été précédée de manifestations répétées des ligues d’extrême droite. Dès le 9 janvier, l’Action française s’empare de l’affaire Stavisky et invit les Parisiens à descendre dans la rue tous les jours, à venir crier leur dégoût place de la Conconcorde, au cri de « A bas les voleurs ! », pour stigmatiser le gouvernement et les parlementaires. La plupart des autres ligues avaient suivi. Epuisé par ces troubles incessants, ébranlé par un nouveau scandale où son Garde des Sceaux Raynaldy était impliqué, le président du Conseil Chautemps démissionna le 28 janvier. Son ministère, le cinquième depuis les élections de mai 1932 gagnées par les gauches avait duré deux mois.
Devant la gravité de la crise, le président de la République Albert Lebrun s’efforça de mettre sur pied une sorte de gouvernement de salut public qui, à l’instar de la formule d’ « Union nationale » de juillet 1926, aurait associé les radicaux au centre et à la droite modérée. Cependant, l’ancien président de la République Gaston Doumergue, dont on prononçait de plus en plus le nom, se récusa. Lebrun appela alors le radical Edouard Daladier, réputé intègre et énergique, qui le 30 janvier réussit à former un gouvernement à ossature radicale élargit vers le centre. Mais le 3 février, Daladier limogea le préfet de police Chiappe (en fait, ce dernier refusa d’être promu Résident général au Maroc) sous le motif avéré qu’il avait fait preuve de négligence coupable dans l’affaire Stavisky ; il est probable aussi que les socialistes avaient exigé son renvoi en échange de leurs voix. La décision de Daladier provoqua la démission des ministres centristes et surtout la colère des ligues, envers lesquelles Chiappe avait toujours montré de la complaisance. Elles appelèrent aussitôt leurs adhérents à une grende manifestation, le 6 février à Paris, jour où le ministre allait se présenter devant les Chambres.
Commencée vers 17 heures sur les Champs-Elysées, la manifestation dégénéra très vite en de vifs avec les forces de l’ordre qui barraient le pont de la Concorde et défendaient l’accès au Palais Bourbon. C’est vers 19h30, que ces dernières, sur le point d’être débordées, ouvrirent le feu – spontanément semble-t-il – sur les assaillants. Dans ce climat d’émeute, l’arrivée de la colonne des anciens combattants, qui s’était formée au rond point des Champs-Elysées, apporta, vers 20h45, une petite accalmie. La colonne repartit vers les grands boulevards, pour revenir vers 22h00 grossie d’une foule de manifestants agressifs. Le barrage du pont de la concorde fut de nouveau attaqué, avec échanges de coups de feu, vers le pont, sur la place et sur le cours la Reine. Un autobus fut alors incendié, des arbres abattus et des bancs arrachés. Le bilan fut très lourd : 15 morts dont 14 parmi les manifestants, 328 blessés hospitalisés dont 236 parmi les manifestants.
Dès le lendemain, cette émeute sanglante donna lieu à des interprétations opposées : pour la gauche, il s’agissait d’un coup de force fasciste qui avait échoué et pour la droite et l’extrême droite, il s’agissait d’un massacre d’honnêtes citoyens ordonné par un pouvoir corrompu. Pour y voir clair, il faut distinguer l’action de cinq groupes ou mouvements aux intentions fort différentes.
- On peut mettre à part les quelques milliers de manifestants communistes convoqués par leur association d’anciens combattants, l’ARAC, au rond point des Champs-Elysées ; bien que devant en principe remonter l’avenue vers l’arc de Triomphe, nombre d’entre eux se retrouvèrent à côté des manifestants d’extrême droite dans les barrages contre les forces de l’ordre.
- Les Croix-de-feu entendaient non pas investir le Palais Bourbon, mais procéder à une nouvelle démonstration de force. Lorsque leur groupe principal, qui s’était concentré devant le Petit-Palais, arriva par la rive gauche aux abords de la Chambre, vers 20h45, le colonel de La Rocque apprit qu’on tirait place de la Concorde. Il donna l’ordre à ses troupes de se disloquer. A l’extrême droite, on devait le lui rapprocher vertement.
- Le rôle des anciens combattants fut plus complexe qu’on ne l’a dit. Dans l’émeute, fut seulement impliquée la branche parisienne de l’UNC, que dirigeait Lebecq ; mais la direction de l’UNC – l’une des plus grandes fédérations d’anciens combattants – affirma son loyalisme républicain et repoussa toute compromission dans les troubles. Lebecq avait convoqué ses troupes à 20h00 au Grand-Palais dans le but théorique d’aller porter une pétition à l’Elysée. Malgré les heurts violents avec le service de l’ordre, il réussit à tenir en main sa manifestation. Cette dernière était officiellement distincte de celle des ligues, mais leur proximité était plus qu’ambiguë. Après leur dislocation, les anciens combattants se mêlèrent d’ailleurs aux autres manifestants.
- Les troupes de l’émeute, chez qui on dénombra la majeure partie des victimes, étaient celles de trois ligues : l’Action française, qui entendait déstabiliser le régime dans l’espoir de restaurer la monarchie ; la Solidarité française, aux troupes plus réduites et aux analyses sommaires, qui espérait aussi le renversement du régime ; les Jeunesses patriotes de Pierre Taittinger, qui tendaient seulement à faire tomber le gouvernement et à mettre fin aux combinaisons néo-cartellistes pour permettre à la droite de revenir au pouvoir.
- Telle était bien l’intention profonde de la cinquantaine de conseillers municipaux de la Seine qui, à la tête du cortège des Jeunesses patriotes constitué à l’Hôtel de Ville, se dirigèrent vers le Palais-Bourbon où, reçus par Daladier, ils exigèrent son retrait. La « conjuration de l’Hôtel de Ville », selon l’expression pertinente de De La Roque, utilisa les ligues comme outil et, aidée des troupes de Lebecq, elle s’employa non pas à tenter de prendre le pouvoir, mais à faire démissionner Daladier pour faire place nette à une majorité d’Union nationale.
Dans un premier temps, l’opération ainsi projetée parut échouer, car, fort de la confiance que, par 360 voix contre 220, lui avait votée la Chambre dans la soirée du 6 février, Daladier avait décidé à se maintenir au pouvoir et à prendre des mesures énergiques contre les émeutiers. Mais dans la nuit, tous les appuis qu’il sollicitait en ce sens se dérobèrent : la justice, l’armée, la police traînant les pieds, craignait d’avoir à réprimer de nouvelles émeutes sanglantes. Au matin du 7, le président de la République, les présidents des deux Chambres, presque tout le personnel politique lui conseillèrent la démission : le président du Parti radical Herriot, le ministre de l’Intérieur Eugène Frot, et jusqu’à plus ministres radicaux les plus proches de lui. Daladier se retira donc, ouvrant la voie à la combinaison d’Union nationale sous l’égide de Doumergue que la droite avait imaginée. En fin de compte, l’émeute du 6 février avait réussi et révélé la grande faiblesse des institutions et des dirigeants politiques.
BERNSTEIN (S.) : Le 6 février 1934, Paris, Gallimard-Julliard, coll. « Archives », 1975.
BERNSTEIN (S.) : La France des années 30, Paris, A. Colin, 1988.
BERNSTEIN (S.), MILZA (P.) : Histoire de la France au XXe Siècle, t. 3, 1930-1945, Bruxelles, Ed. Complexe, 1991.
PELISSIER (P.) : 6 février 1934, Paris, Perrin, 2000.
PROST (A.) : Les Anciens combattants et la société française, 1914-1939, Paris, Presses de la FNSP, 1977.
SOCIALISME :
Né dans la première moitié du XIXe siècle comme volonté d’organisation de la société industrielle qui est en train de naître, de manière à y faire règner la justice, le socialisme a été avant tout exprimé par les multiples doctrines qui naissent et se développent autour d’un très grand nombre de théoriciens, de Saint-Simon à Fourier, de Cabet à Louis Blanc, de Buchez à Prudhon. Après l’écrasement de la Commune, le socialisme est hors-la-loi dans la République naissante, ses chefs fusillés, déportés ou en exil, ses organisations bannies, son nom même interdit comme synonyme de subversion et de désordre social. Ce n’est qu’après l’amnistie de la Commune et avec les débuts de la République des républicains que le socialisme peut renaître, sous forme d’organisations qui tentent de rassembler les tenants des multiples doctrines par lesquelles il s’exprime. La renaissance du socialisme révèle donc tout à la fois la puissance de l’aspiration qu’il représente et la diversité des formes qu’il peut revêtir. C’est autour du marxisme, encore peu connu en France, que Jules Guesde et Paul Lafargue, gendre de Marx, fondent en 1882 au congrès de Roanne, le parti ouvrier qui se veut prolétarien et révolutionnaire, de stricte orthodoxie marxiste et qui oscille entre la conception d’une petite secte attachée à la propagation de la doctrine du maître et celle d’un grand parti ouvrier intervenant dans le débat politique et acceptant les arbitrages politiques nationaux. Contrastant avec ce parti prolétarien, de vision moderne dans les années 1880, les blanquistes fidèles au souvenir du maître (qui meurt en 1881) et aux grands jours de la Commune, aspirent toujours la « journée » qui fera naître la nouvelle révolution et refusent la coexistence avec les marxistes du Parti ouvrier en formant en juillet 1881 le Comité révolutionnaire central. Mais en son sein, les « orthodoxes » comme Eudes ou Granger, adeptes de l’action directe, s’opposent bientôt à Edouard Vaillant qui s’efforce de réaliser une synthèse entre blanquisme et marxisme et de trouver de à l’existence d’une République libérale et d’inspiration démocratique. C’est aussi la conscience de l’inadaptation du programme révolutionnaire marxiste à leur vision de la société française qui conduit les réformistes du Parti ouvrier, rassemblés autour de Paul Brousse, à faire scission en septembre 1882 au congrès de Saint-Etienne pour former la Fédération des Travailleurs socialistes qui préconise un « socialisme du possible » reposant sur la théorie des services publics dans un cadre municipal, conduisant au triomphe du socialisme par contagion et par des moyens de propagation pacifique. C’est parce qu’il juge ce socialisme réformiste trop électoraliste et trop proche du radicalisme que Jean Allemane s’en détahe en 1890 pour former le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire dont l’inspiration est proudhonienne, qui rejette l’intellectualisme au profit d’un respect quasi-sacré de la spontanéité ouvrière, qui professe un antimilitarisme militant, un antiparlementarisme virulent et place ses espoirs dans un réformisme anarchisant. S’exerçant dans le cadre de communes libres. A côté de ces multiples organisations qui traduisent la diversité doctrinale du socialisme français, rien n’indique mieux l’aspiration profonde à un changement social dans le sens de la justice qui caractérise le fond du socialisme, que l’importance du groupe des « socialistes indépendants » dont l’apparence doctrinale est incertaine et les rapports avec les différentes organisations assez flous. Ainsi en va-t-il des anciens communards, directeurs de journaux socialistes, qui ne rejoignent aucune des organisations existantes, Jules Vallès, directeur du Cri du Peuple, Lissagaray, créateur de La Bataille et surtout Benoît Malon, ancien dirigeant de la section française de la Ie Internationale qui développe ses idées dans La Revue socialiste. Après les élections de 1893, une relève s’opère au sein du socialisme indépendant avec le passage au socialisme de brillants intellectuels qui vont exercer une profonde influence sur l’opinion à travers la presse, le parlement, l’édition, Alexandre Millerand, Jean Jaurès, René Viviani, Aristide Briand. A partir des années 1890, de fortes pressions s’exercent pour aboutir à l’unification de divers groupes et courants du socialisme au sein du parti unifié. En 1893, un groupe parlementaire unique est créé à la Chambre. En 1896, par son discours de Saint-Mandé, Millerand propose une plate-forme commune sur la base du réformisme. L’unification des organisations semble progresser lorsque l’affaire Dreyfus et surtout les conséquences de l’entrée de Millerand dans le gouvernement Waldeck-Rousseau la font voler n éclat en révélant le fossé apparemment insurmontable qui sépare les réformistes, prêts à s’associer au pouvoir pour obtenir les avantages immédiats, et les révolutionnaires qui refusent toute entente avec la bourgeoisie. Malgré une ultime tentative unitaire au congrès de la salle Japy en décembre 1899, on s’achemine en fait vers la constitution de deux partis qui voient le jour en 1901 : le Parti socialiste de France (PSDF) rassemblant les groupes révolutionnaires (guesdistes et blanquistes) et le Parti socialiste français (PSF) rassemblant autour de Jaurès les réformistes, possibilistes et indépendants, le POSR et quelques fédérations des autres groupes demeurant autonomes. Après des débats et des polémiues entre les deux partis, le congrès de l’Internationale socialiste, réuni à Amsterdam en 1904, préconise pour tous les partis adhérents la condamnation de la participation aux gouvernements bourgeois et l’adoption de la doctrine marxiste de la lutte des classes. C’est sur ces bases que les deux partis socialistes envisagent leur unification qui a lieu les 23-25 avril à la salle du Globe à Paris et dont le sort le ¨Parti socialiste unifié, section française de l’Internationale ouvrière (SFIO), cependant qu’un certain nombre d’élus décident, comme Millerand ou Viviani, de demeurer socialistes indépendants.
WINOCK (M.) : Le socialisme en France et en Europe XIXe et XXe siècles, Paris, Seuil, 1992.
LEFRANC (G.) : Le mouvement socialiste sous le IIIe République, Paris, Colin, 1976.
LIGOU (D.) : Histoire du socialisme en France, 1871-1961, Paris, PUF, 1967.
WILLARD (C.) : Socialisme et communisme français, Paris, Colin, 1967.
DREYFUS (M.) : L’Europe des socialistes, Bruxelles, E. Complexe, 1991.
SOLDAT INCONNU :
Un des premiers gestes d’un présidant de la République nouvellement élu, d’un chef d’état en visite en Paris, est d’aller déposer une gerbe sur la tombe du Soldat inconnu. Ce rituel immuable est en fait relativement récent puisqu’il date des lendemains de la Grande Guerre. Il fut le résultat de deux idées.
Première idée : faire passer sous l’arc de Triomphe de l’Etoile le grand défilé de la victoire du 14 juillet 1919. Achevé sous Louis-Philippe en 1836, cet arc de Triomphe dont la construction avait été décidée en 1806 par Napoléon Ier n’avait guère servi, le Second Empire lui préférant la place Vendôme pour le déroulement de ses cérémonies militaires. En 1871, lors de leur entrée dans Paris, les troupes allemandes avaient gagné les Champs-Elysées en longeant l’arc de Triomphe. Par la suite, il n’avait été utilisé que pour les obsèques de Victor Hugo jusqu’au défilé triomphal de 1919 qui, en quelque sorte, comme l’avait dit Poincaré, effaçait le passage en ces lieux des soldats allemands, quarante-huit ans plus tôt. Lors du défilé, les drapeaux s’inclinaient devant un cénotaphe érigé en souvenir des morts en haut de l’avenue des Champs-Elysées.
La deuxième idée fut de donner une tombe à un soldat inconnu qui représenterait tous les soldats enterrés sans avoir pu être identifiés. Jamais une telle guerre n’avait provoqué un tel nombre de soldats inconnus, « connus seulement de Dieu », comme il est gravé sur leurs tombes dans les cimetières britanniques. Le fantastique duel d’artillerie que fut la guerre 1914-1918 l’explique.
Si l’idée d’honorer à travers l’un d’entre eux tous les soldats inconnus prit naissance en France, elle fut reprise dans de nombreux pays. Le même jour qu’en France, le 11 novembre 1920, un soldat inconnu était réinhumé dans l’abbaye de Westminster. Un américain fut inhumé dans le cimetière national d’Arlington et un italien dans l’autel de la Patrie construit place de Venise à Rome. La Belgique, le Canada… ont également leurs « soldats inconnus ».
Pour la France, le transfert d’un Soldat inconnu sous l’arc de Triomphe eut lieu le 11 novembre 1920. Le choix du Soldat inconnu avait eu lieu la veille, le 10 novembre, dans le lieu symbolique qu’était la citadelle de Verdun. Huit soldats avaient été exhumés de huit endroits différents du Front pour y être transférés. André Maginot, grand blessé de guerre, sous secrétaire d’Etat à la Guerre, présida une cérémonie au cours de laquelle un soldat, fils de tué, engagé volontaire lui-même, désigna parmi les huit cercueils celui qui deviendra le « Soldat inconnu ». Dans la nuit du 10 au 11 novembre, le cercueil était transféré à Paris.
Le 11 novembre, dans une même cérémonie, le cœur de Gambetta était transféré au Panthéon et le soldat inconnu sous l’arc de Triomphe, accompagné d’un cortège d’anciens combattants. La foule défila alors longuement devant le mausolée. Sur la dalle, une simple inscription : « Ici repose un soldat français mort pour la Patrie (1914-1918) ». Le « culte de la flamme » ranimée chaque jour a été organisé par Jacques Péricard en 1923.
Le tombeau du Soldat inconnu est devenu le centre des cérémonies nationales et il tient lieu de monument aux morts pour Paris. Le « Soldat inconnu » est inséparable de l’immense parure de pierres qui, à la suite de la guerre de 1914, a couvert toute l’Europe et particulièrement la France, où, entre 1920 et 1925, trente mille monuments aux morts ont été construits, chacun d’entre eux devenant le centre du culte civique dans la commune.
Les cérémonies devant le tombeau du Soldat inconnu et devant les monuments aux morts témoignent combien le souvenir de la Grande Guerre est consubstantiel de la vie française. L’arc de Triomphe est le haut lieu du civisme officiel, le centre obligé de toute cérémonie publique.
WEYGAND (Général): Le 11 novembre, Paris, Flammarion, 1932
SOLIDARISME :
Le solidarisme est une doctrine sociale dont le premier théoricien est le radical Léon Bourgeois, président du Conseil en 1895-1896 qui, après son expérience gouvernementale, publie en 1895, Solidarité. Il y exprime des idées qui seront dévelopées et affinées par un certain nombre de théoriciens et de praticiens dans les années qui suivent, en particulier par le sociologue Célestin Bouglé, professeur à la Sorbonne, dans un ouvrage pulié en 1913, Le solidarisme. Il s’agit en fait de formuler en termes théoriques la doctrine sociale du radicalisme pour résister à l’attrait qu’exercent sur l’opinion les idées socialistes. A la différence du marxisme qui est une réflexion philosophique originale, le solidarisme n’est rien d’autre qu’un effort de théoricien du consensus qui, selon Bourgeois, tend à s’établir au niveau du sens commun pour réaliser une synthèse entre libéralisme et socialisme, deux doctrines inconciliables entre elles, mais dont chacune contient une part de vérité scientifique et de valeur morale. La solidarité permet de réaliser cette synthèse, selon ses promotteurs. Le solidarisme constate que l’homme ne peut-être sans l’espèce humaine, pas plus que l’espèce humaine ne peut espérer durer sans l’individu. De cette constatation naît un double refus, celui de l’Etat divinisé, entité supérieure aux individus qui le composent, celui de l’individulisme forcené niant les obligations de l’individu envers ses semblables. A cette première constatation de la solidarité qui unit l’individu s’en ajoute une seconde, celle qui unit l’homme à la chaîne des générations qui l’ont précédé, envers laquelle il naît débiteur et vis-à-vis de laquelle il doit acquitter sa dette en transmettant et en accroissant l’héritage au bénéfice des générations suivantes. La double dette de l’individu envers l’espèce et envers la succession des générations fonde en droit ce que Léon Bourgeois appelle le « quasi-contrat », base des obligations réciproques de l’individu et de la société. Cette notion juridique du quasi-contrat fait du devoir social une obligation à laquelle l’homme ne peut se soustraire et qui justifie évenruellement que la collectivité prenne contre lui des sanctions, s’il tente de le faire. Le solidarisme est-il donc un socialisme, puisque la collectivité est en droit de limiter la liberté de l’individu ? Certains de ses promotteurs comme Bouglé l’admettront, à condition de noter qu’il s’agit d‘un socialisme réformiste, fort éloigné du collectivisme, car entre solidarisme et collectivisme se dressent des barrières infranchissables, celles de notion de lutte des classes, de l’Etat omnipotent que les solidaristes rejettent, celles surtout de la liberté individuelle et de la propriété dont ils sont au contraire les défenseurs. Cette doctrine solidariste, même si elle ne bénéficie guère du prestige théorique du marxisme, revêt probablement une importance supérieure à celui-ci dans la France des années 1900-1914. Bouglé peut écrire qu’elle fait figure de doctrine sociale officielle de la IIIe République. Elle impègne la pensée de l’économiste Charles Gide dont les Principes d’économie politique proposent de remédier aux inhumanités de la libre concurrence sans abandonner le libéralisme. On en retrouve les principes dans les travaux du philosophe Fouillée qui fait paraître en 1885 la Science morale contemporaine qui exprime pour la première fois la notion de « quasi-contrat ». Elle transparaît à travers les théories de Durkheim sur la division du travail. En bref, le solidarisme formule les principes sur lesquels les hommes de la IIIe République, ont souhaité organiser la société dans les premières années du XXe siècle.
Largement éclipsé après le Première Guerre mondiale par la vague de marxisme qui apparaît comme la seule forme véritablement efficace de théorie sociale, le solidarisme tombe dans l’oubli. De fait, on ne voit plus guère de théoricien ou d’homme politique s’en réclamer. Mais, dans la pratique, l’ « Etat providence » qui se mettra en place après 1945 sera très largement une concrétisation des principes solidaristes, mais sul ne se réclamera de cette référence.
RUBY (M.) : Le solidarisme, Paris, Gedalge, s.d.
SOLIDARITÉ FRANÇAISE :
La Solidarité française est une ligue d’extrême-droite, fondée en 1933 par le richissime parfumeur François Coty qui en est le président assisté du commandant d’infanterie coloniale en retraine Jean Renaud. Son statut est extrèmement vague puisque ses statuts précisent que « cette association a pour objet l’étude et la solution des problèmes se rattachant à toutes questions économiques, financières, politiques et sociales ». Au service de ces objectifs flous, François Coty a monté une structure de type para-militaire. La solidarité française est organisée en régions, brigades…, dotée d’un uniforme, béret, chemise bleue et culotte grise, d’un insigne (un écusson de drap rouge figurant le coq galois). Des équipes d’estafettes à motocyclette complètent le dispositif. Une des originalités de la Solidarité française est le recrutement d’une section nord-africaine, qui a fait surnommer la ligue par Le Canard enchaîné « La Sidilaratité française ». Que veut exactement cette ligue ? Au service des vues du mégalomane François Coty, elle entend « abattre la puissance politicienne », c'est-à-dire celle du Parlement, pour lui substituer une République plébiscitaire de type bonapartiste dont Coty se varrait bien le Premier consul. En attendant, elle participe avec ardeur à toutes les manifestations qu’elle juge susceptible de déstabiliser le régime et c’est à ce titre que la Solidarité française joue un rôle de premier plan, aux côtés des Jeunesses patriotes et de l’Action française dans la phase la plus aigüe des évènements du 6 février. Au demeurant la Solidartié française n’a jamais été qu’un groupuscule de quelques milliers d’adhérents, recrutant surtout parmi les chômeurs, attirée par l’indemnité versée à ceux qui participent aux manifestations du mouvement. La disparition de François Coty entraîne le déclin de l’organisation.
BERNSTEIN (Serge) : Le 6 février 1934, Paris, Gallimard-Julliard, 1975.
MACHEFER (Ph.) : Ligues et fascisme en France, 1919-1939, Paris, PUF, 1974.
SOREL (Georges), 1847-1922 :
Philosophe et sociologue. Georges Sorel nait le 2 novembre 1847 à Cherbourg, d'un père négociant de vin ruiné et d'une mère très pieuse. Il entre à l'École polytechnique, puis devient Ingénieur en chef de 1ère classe des Ponts et Chaussées. A 45 ans, il démissionne, et s'intalle à Boulogne-sur-Seine avec Marie David, fille de paysans catholiques, qu'il n'épousera jamais à cause de l'opposition de sa famille. Morte en 1897, il lui dédie ses Réflexions, "ce livre tout inspiré de son esprit".
A partir de la fin des années 1880, il se consacre à la réflexion philosophique, politique, économique et sociale. Il s'appuie sur ses lectures de Karl Marx, Proudhon et Nietzsche, et est influencé par Henri Bergson, dont il suit les cours au Collège de France. Il participe dans les années 1890 à l'emmergence du courant du syndicalisme-révolutionnaire, en prônant la prise de pouvoir de la classe ouvrière par la violence.
Mais déçu par ce courant à partir de 1908, il participe à la création du Cercle Proudhon avec son disciple Georges Valois et flirte avec les milieux traditionnalistes de l'Action Française de Charles Maurras et d'"Indépendance" de Jean Variot.
Entre temps, il prendra également partie en faveur de la révision du procès de Dreyfus. Il méprisera l'Union sacrée de 1914, et saluera la Révolution russe, en jugeant Lénine comme "le plus grand théoricien que le socialisme ait eu depuis Marx".
A la fois antidémocrate et révolutionnaire, la pensée de Sorel a influencé de nombreux penseurs politiques du XXe siècle, comme Lénine ou Mussolini. Reconnu, surtout à l'étranger, pour son interprétation du marxisme, qu'il rejette, lui préférant l'action directe, comme la grève, le sabotage ou le boycott, afin d'arriver au contrôle par le prolétariat des moyens de production.
SOURIGUES (Benoit, Martin) - Bayonne, 11 février 1820 - Anglet, Pyrénées-Atlantiques, 2 septembre 1891.
Homme politique et journaliste
Fils d'un menuisier de Bayonne descendant d'une famille de marins ; sa mère Marie Sanguinet appartenait à une famille d'ouvriers. Il fit des études grâce à une bourse à l'école des arts et métiers d'Angers et à l'école des Beaux-Arts pour l'architecture. Il fut commis chez un agent de change, et rédacteur de journaux financiers. Il fut en 1858 condamné à 3 ans de prison et 3 000 F d'amende pour escroquerie et abus de confiance mais il gagna son procès en appel (juillet 1858). Sa carrière politique commença lors des élections du 13 mai 1849 à Bayonne où il fut battu. Candidat républicain, il connut deux échecs en février 1876 et octobre 1877. Porté en octobre 1885 sur la liste républicaine, il ne fut pas élu mais revint en février 1886 à la Chambre des députés. Enfin il fut élu en 1889 dans l'arrondissement de Saint-Sever contre Gavardie : 10 903 voix contre 9 537. A la Chambre, inscrit au groupe de l'Union républicaine, il s'occupa de la conversion de la rente et demanda l'impôt direct sur la propriété non bâtie. Son journal, Le Progrès de la Chalosse, mena d'ardentes polémiques contre les autres chefs républicains landais réunis autour du Républicain landais. Sourigues représentait l'esprit républicain de 1848, très idéaliste et utopique ; lui-même mena de nombreuses opérations philanthropiques, grâce à une fortune considérable malgré des spéculations malheureuses. Dans les années 1860, il publia de nombreuses petites brochures sur les problèmes financiers des compagnies des chemins de fer françaises et espagnoles et des sociétés financières (Crédit mobilier, Crédit foncier). Jusqu'à la fin de sa vie, il s'intéressa à ces problèmes ; un de ses discours, prononcé le 1er février 1881 et publié, s'intitule : " Vérité que chacun pense et que nul n'ose dire. La presse et les financiers au parlement ". Catholique, il avait épuisé Anne Clothilde Pau-Marsals, fille d'un propriétaire de Saint-Sever. Lui-même possédait un domaine à Anglet et il estimait sa fortune à 10 millions.
SOUS-PRÉFETS :
SOUVARINE (Lifschitz, dit Boris), 1895-1984 : Ouvrier puis journaliste, historien et essayiste. Né à Kiev (Russie), en 1893, Boris Souvarine vient en France au début du siècle où il est naturalisé. Militant socialiste, Membre de la Fdération de la Seine et rédacteur au Populaire, il critique sévèrement l’action pacifiste de Zimmerwald où il manifeste la crainte de voir Lénine et ses camarades établir la dictature du prolétariat au seul profit des chefs bolchevicks. Par la suite, il paraît changer d’avis puisqu’il fait parti de ceux qui poussent syndicalistes, socialistes et anarchistes à rallier le Komintern. Il est, avec Pierre Monatte, et Fernand Loriot l’un des dirigeants du Comité de la IIIème Internationale qui remplace le Comité pour la rprise des relations internationales (pacifiste) et il appartient au premier Comité directeur du Parti communiste (SFIC). Il dirige le Bulletin communiste, organe du Comité de la IIIème Internationale qui est, jusqu’en 1924, l’une des publications doctrinales du parti communiste. Mais souvarine se sert du Bulletin communiste comme l’aurait fait le directeur d’une publication « bourgeoise » : il y développe ses idées propres et se trouve bientôt en conflit ouvert avec la direction de son parti. Celle-ci veut le déposséder de la revue et une enquête est ouverte à la demande du Vème Congrès de l’Internationale (juillet 1924). Il défend son point de vue avec habileté, accusant certains de ses camarades de vouloir créer une « atmosphère de pogrom ». Dénoncé par Ziniviev, il est exclu et L’Humanité (19 juillet 1924), reproduit le texte de la décision du secrétariat du parti communiste français dénonçant l’orgueil et le caractère autoritaire de Souvarine. Finalement le Bulletin communiste reste aux mains de son directeur qui le fait reparaître en 1925 tandis que le parti communiste crée une nouvelle publication, Les cahiers du Bochevisme. Le Bulletin communiste devient amors l’organe de l’oposition au sein du mouvement communiste. Il soutient notamment Trotsky, reproduit ses articles sur la Chine, attaque avec vigueur Staline et se rallie finalement à Kamenev et à Zinoviev qui l’avait pourtant condamné quelques années plus tôt, ce qui fait dire à certains que sa démonciation de l’ « atmosphère du pogrom » correspond déjà à une triste réalité : Trotsky, Kamenev et Zinoviev les coreligionnaires de Souvarine sont bien des victimes de « l’antisémitisme stalinien ». Son évolution le conduit cependant bien au-delà du trotskysme puisqu’il finit par s’en prendre à Trotsky lui-même dans le Bulletin communiste en 1933. Il a écrit quelques ouvrages, notamment Staline, aperçu historique du bolchevisme, paru en 1935., Cauchemar en URSS, 1937, Ouvriers et paysans en URSS, Librairie du travail, 1937.
PANNÉ (Jean-Louis) : Boris Souvarine, Paris, Laffont, 1993. ROCHE (A.) : Boris Souvarine et la critique sociale, La Découverte, 1990.
Jean-Louis Panné, Boris Souvarine, Robert Laffont, 1993.
Philippe ROBRIEUX (P.) : Histoire intérieure du parti communiste, Tome I et IV, Fayard, 1984.
JACQUIER (C.) : Boris Souvarine, un intellectuel antistalinien de l'entre-deux-guerres (1924-1940), thèse de sociologie politique, Université Paris 10, 1994.
SOVIET (Le) : Titre d’un journal éphémère fondé en mars 1920 et s’intitulant organe de la Fédération communiste des Soviets. Son principal animateur, Marius Hanot, est le secrétaire de ce groupement. Contrairement aux communistes russes, les dirigeants du groupe sont opposés au « parti centralisateur constituant l’armature de la dictature du prolétariat ».
SPINASSE (Charles), 1893-1979 :
Né à Egletons, dans la Corrèze, le 22 octobre 1893, Charles Spinasse devint polytechnicien et professeur au Conservatoire national des arts et métiers. Il adhéra à la SFIO au lendemain de la Grande Guerre, en technicien, parce qu’il jugeait le socialisme seul capable d’organiser l’économie dans un cadre démocratique.
Il se fit d’abord connaître comme journaliste puis rédacteur en chef du quotidien socialiste Le Populaire du Centre. Il se tailla rapidement un fief en Corrèze, en enlevant les mandats de conseiller municipal et de conseiller général d’Egletons dès 1919, de député dès 1924 et de maire d’Egletons en 1929, mandats qu’il conserva jusqu’en 1940. A la Chambre, il fut membre puis secrétaire de la commission des Finances puis rapporteur du budget de l’enseignement technique. Il se plaçait parmi les intellectuels réformistes qui cherchaient à ouvrir à la SFIO à une réflexion sur les réformes nouvelles du capitalisme, qu’il avait personnellement étudiées lors d’un séjour aux Etats-Unis. Il était également favorable à la participation des socialistes à un gouvernement radical, mais pas au point de se lier à la tendance « participationniste ». Il s’intéressa aussi à l’idée de plan à partir de 1934.
Dans le premier gouvernement Blum (juin 1936-juin 1937), il reçut la charge d’un ministère de l’Economie nationale inhabituel, avec la mission de coordonner l’action interministérielle pour favoriser la reprise de l’activité économique. Aidé par des experts novateurs comme Courtot, Sauvy et Branger, il tenta de faire prévaloir l’idée d’une planification, et soumit un projet dans ce sens à Léon Blum, à l’automne 1936. Faute d’obtenir l’acquiescement de ce dernier, il dut se contenter d’agir par des moyens empiriques. Dans l’esprit du New Deal, dont il avait été un observateur attentif, il fit fond sur le relèvement du pouvoir d’achat des masses, le programmes de grands travaux et la dévaluation pour réunir les conditions d’une relance de la demande. Il fut cependant pris à contre-pied par l’effet économiquement pernicieux des mesures sociales. S’il réussit à soulager les petites et moyennes entreprises que l’alourdissement des charges mettaient en péril, en leur accordant une aide sous forme de crédits publics, par la loi du 19 août 1936, communément appelée la « loi Spinasse », il ne put empêcher la loi des quarante heures de ralentir la production, de nourrir la hausse des prix, et donc de compromettre le redressement dans les premiers mois. Les pressions qu’il exerça sur le patronat et les syndicats ouvriers pour qu’ils appliquent la loi d’une manière moins rigide fut sans résultat. Cet échec contribua à celui de la première expérience Blum. Spinasse ne retira un ressentiment contre l’irréalisme de la classe ouvrière et la « déloyauté » communiste qui compta dans sa propre évolution. En mars-avril 1938, nommé ministre du Budget dans le second cabinet Blum, il put prendre part à l’élaboration d’une politique cette fois résolument dirigiste et modernisatrice. Mais le Sénat rejeta ses projets financiers, trop novateurs, et fit tomber le cabinet.
A partir de l’été 1938, Spinasse concentra son attention sur les problèmes internationaux. Depuis longtemps, il prêchait une réorganisation de l’espace économique européen. En 1935, il n’avait pas accueilli favorablement le pacte franco-soviétique. En 1936, il s’était prononcé contre les livraisons d’armes en Espagne républicaine. C’est donc dans le prolongement de ses engagements antérieurs qu’il fut, dans les débats entre socialistes sur la politique à mener à l’égard de l’Allemagne, l’un des animateurs du courant pacifique qui entendait éviter la guerre par des concessions.
En juin 1940, il se dressa contre l’idée d’une résistance à l’envahisseur. En juillet 1940, il prit la tête des parlementaires socialistes partisans d’une rupture avec la IIIe République, et vota l’octroi des pouvoirs constituants au maréchal Pétain. Après la guerre, il continue sa carrière politique et redevient conseiller général d’Egletons en 1961 puis maire en 1964. Il y décéde en 1979.
STACKELBERG (Frédéric), 1852-1934 :
Écrivain. D’origine estonienne, Frédéric Stackelberg quitte l’empire des Tsars à 17 ans et termine ses études en Allemagne. Il se lie avec avec August Bebel et le père de Karl Liebknecht et milite avec ces socialistes. Il est arrêté puis expulsé par la police du Kaiser. De là, il vient en France, où il demeure pour quelques temps puis voyage en Suisse, en Espagne, en Amérique latine, en Belgique où il collabore aux Temps Nouveaux, ainsi qu’à l’Almanch illustré de la Révolution. Ayant obtenu sa naturalisation, il se fixe en France France et adhère au parti socialiste pacifiste. Il approuve le manifeste « La paix parmi les peuples » lancé lors de la Première Guerre mondiale et s’enthousiasme pour la Révoltion russe bien que les bochevick aient confisqué ses biens en Russie. Pendant la guerre, il a participé à Ce qu’il faut dire. La paix revenue, il devient Franc-macon et collabore L’Encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure, au Semeur et à La Voix libertaire.
STAVISKY (affaire) :
Né en 1886 à Slobodka près de Kiev au sein d’une famille juive, Serge Alexandre Stavisky est arrivé en France après son père en 1898 et a obtenu sa naturalisation en 1910. Auteur de nombreuses escroqueries, il FETest plusieurs fois condamné et, en 1926-1927, passe dix sept mois en prison. En 1928, il fonde à Paris les établissements Alex dont la spécialisation en bijoux et objets d’art couvre une entreprise de prêts sur gages, et qui noue des liens étroits avec les Crédits municipaux de plusieurs villes. Particulièrement habile, Stavisky entretenait des relations avec de nombreux hommes politiques, parmi lesquels il choisissait ses avocats, et se servait de leur nom pour monter de nouvelles escroqueries. Ainsi, est-ce par l’intermédiaire d’un de ses avocats, le député radical Paris Bonnaure, qu’il entra en contact avec le député maire d Bayonne Garat et l’incita à créer dans sa ville un Crédit municipal en 1931. A Bayonne, comme à Orléans, sur une moindre échelle, le mécanisme de l’escroquerie portait sur la falsification massive des bons de caisse émit par les Crédits municipaux et sur l’estimation fallacieuse de bijoux de bijoux. Confiants dans la caution des villes, les prêteurs ne se méfiaient pas , en sorte qu’à la fin de 1933, le montant des sommes manipulées par Stavisky, dépassait les 258 millions de francs.
Le scandale éclata lorsqu’à la suite d’un contrôle du ministère des Finances le directeur du Crédit municipal de Bayonne, Tissier, fut arrêté, le 24 décembre 1933, pour émission de faux bons et détournement de deniers publics. Mis en cause par Tissier Garat fut arrêté à son tour le 7 janvier 1934, et le lendemain on apprenait le suicide de Stavisky, en fuite depuis plusieurs jours, dans une villa de Chamonix. La rumeur courut bientôt qu’on l’avait assassiné pour l’empêcher de parler et de compromettre ses complices.
On découvrit alors l’étendue de son réseau d’appuis. Outre Bonnaure, le sénateur René Renoult, personnalité en vue du parti radical, avait été son conseiller juridique. Le ministre des Colonies Albert Dalimier, l’année précédente, quand il était ministre du Travail et de la Prévoyance au sein du cabinet Paul-Boncour, avait signé une circulaire recommandant aux compagnies d’assurance de souscrire aux bons émis par le Crédit municipal de Bayonne. Des directeurs de journaux s’étaient laissé acheter : Dubarry à La Volonté (radicalisante), Camille Aymard à La Liberté (modérée). Bien plus, le parquet de Paris, dirigé par le procureur Pressard qui se trouvait le beau frère du président du Conseil Chautemps, avait laissé Stavisky bénéficier de dix-neuf renvois successifs de son procès. Dès le 9 janvier, à l’instigation des jeunes ministres radicaux Pierre Cot et Jean Mistler, Dalimier démissionna.
L’importance de l’affaire Stavisky ne tient à l’importance des sommes escroquées, nettement moindres que celles des scandales des années précédentes, ni à la personnalité des victimes qui étaient moins de petits épargnants que des compagnies d’assurance ou des organismes publics ou para-publics, pas davantage au nombre des parlementaires compromis (au maximum une demi douzaine – deux seulement, Garat et Bonnaure, devaient être condamnés, le 17 janvier 1936), mais à « la volonté de la droite de l’exploiter politiquement contre les hommes qui exerçaient le pouvoir depuis 1932 ». A cet égard, Tardieu se distingua en publiant des listes fantaisistes de parlementaires prétendument compromis. Quant à l’extrême droite, la campagne de presse qu’elle déclancha cherchait à saper les fondements du régime. Dès le 10 janvier, Léon Daudet intitulait son éditorial de L’Action française : « Camille Chautemps, chef d’une bande de voleurs et d’assassins » et insinuait que le Président du Conseil avait fait assassiner Stavisky par la Police.
Cette campagne déstabilisa le ministère Chautemps, qui fut acculé à la démission le 28 janvier, et le slogan « A bas les voleurs ! », qui se répandit dans les manifestations d’extrême droite, fut l’un des maître mots de l’émeute du 6 février 1934. La constitution du gouvernement Doumergue (9 février 1934) ramena le calme, mais l’affaire rebondit le 24 février lorsque fut retrouvé mort sur une voie ferrée, près de Dijon, le conseiller Prince qui, chargé des affaires financières au parquet, avait eu traiter du dossier sous l’égide du procureur Pressard : suicide ou assassinat ? Pas plus que la mort de Stavisky, l’enquête judiciaire ni la Commission parlementaire constituée à cet effet ne purent conclure.
BERNSTEIN (S.) : Le 6 février 1934, Paris, Gallimard-Julliard, coll « Archives », 1975.
DEBAL (J.) : « L’affaire Stavisky à Orléans (1928-1934) », Bulletin de la Société historique et archéologique de l’Orléanais, 1981.
STEEG (Théodore), 1868-1950 :
Professeur et homme politique. Né à Libourne (Gironde), le 19 décembre 1868, Théodore Steeg est le fils d’un pasteur protestant d’origine prussienne. Son père était député de la Gironde de 1881 jusqu’à sa mort en 1889 avant de devenir inspecteur ingénéral de l’Instruction publique, puis directeur de l’Ecole normale primaire supérieure de Fontenay-aux-Roses. Théodore Steeg fait de brillantes études de philosophie et de droit. Professeur agrégé de philosophie, il enseigne jusqu’en 1904, s’intéressant particulièrement à l’éducation populaire. Ce protestant de vieille souche, ardemment républicain, passionné par des problèmes d’éducation est alors très proche de Ferdinand Buisson avec qui il ne cessera de collaborer. En 1904, lors d’une élection partielle dans le XIVe arrondissement de Paris, il est élu député de la Seine sous l’étiquette radicale-socialiste et sera constamment réelu jusqu’en 1914 où il entre au Sénat.
A cette date, Steeg a d’ores et déjà commencé une brillante carrière ministérielle. De mars 1911 à janvier 1912, il devient ministre de l’Instruction publique des cabinets Monis et Caillaux. Avec l’arrivée au gouvernement de Poincaré, il prend en janvier 1912 le ministère de l’Inrérieur, avant de retrouver le portefeuille de l’Instruction publique dans le gouvernement Briand de janvier-mars 1913. Durant la guerre, le gouvernement Ribot la ramène au même poste de mars à septembre 1917. Il fait adopter à cette occasion une loi sur l’éducation des orphelins de guerre, déclarés de la nation.
Après un bref passage au ministère de l’Intérieur dans le gouvernement Painlevé de septembre à novembre 1917, Steeg se consacre à son activité parlementaire durant le gouvernement Clemenceau. Mais l’après-guerre réserve à ce radical modéré, plus épris de réalisations concrètes que d’idéologie, une grande carrière politique. Après la victoire électorale du Bloc national, Millerand, peu soucieux de devenir le prisonnier de l’aile droite de sa majorité représentée par le groupe de l’Entete démocratique, tente d’élargir celle-ci aux radicaux et fait de Steeg son ministre de l’Intérieur, au grand scandale des hommes du Bloc national, poste qu’il conserve dans le cabinet Leygues lorsque Millerand entre à l’Elysée. En juillet 1921, alors que l’Algérie est en proie à une vive agitation à la suite du vote des lois permettant l’affranchissement d’un certain nombre d’indigènes, Steeg y est nommé Gouverneur général jusqu’en 1925, apaisant les passions et s’efforçant de promouvoir le développement économique de la colonie. Ses liens de confiance avec le président de la République ne vont pas toutefois jusqu’à lui faire abandonner ses convictions politiques. Après la victoire électorale du Cartel des gauches et la campagne lancée par les vainqueurs pour obtenir la démission du chef de l’Etat, Steeg décline la proposition de Millerand de devenir président du Conseil et il reste en Algérie.
Il la quitte en avril 1925 pour prendre le ministère de la Justice au sein du gouvernement cartelliste formé par Painlevé. Pour peu de temps, la révolte d’Abd-el-Krim au Maroc, la nomination de Pétain à la tête des armées qui combattent la révolte et la démission de Lyautey font de Steeg, qui a montré en Algérie ses qualités d’administrateur et de conciliateur, l’homme de la situation. Nommé en octobre Résident général au Maroc, Steeg y demeure jusquà la fin de 1928 réunissant, après la victoire militaire des Français, à pacifier le pays par une habile politique de concessions et de division du nationalisme marocain. Mais le vote de la loi sur les incompatibiltés l’oblige à renoncer à ses fonctions s’il entend demeurer sénateur.
A son retour en France, il préside la commissions des colonies. Excellent administrateur dans les départements ministériels dont il a la charge, Steeg n’apparaît cependant pas comme un homme politique de premier plan. De tempéramment modéré, peu idéologue, il ne figure pas parmi les dirigeants importants du parti radical et on pense surtout à lui comme un homme du centre capable d’élargir une majorité vers les radicaux ou de désarmer l’hostilté des modérés. C’est dans ces circonstances que Steeg devient le 13 décembre 1930 président du Conseil pour l’unique fois de sa carrière politique. C’est que la droite a remporté les élections législatives de 1928 et domine la Chambre. Mais le Sénat reste d’inspiration radicale et rejette toute politique de bloc. Ainsi la majorité sénatoriale a-t-elle renversé le gouvernement Tardieu, trop clairement marqué à droite. Dès lors Steeg, sénateur radical, éloigné de toute position extrême, paraît avoir quelque chance de constituer un gouvernement viable. Le ministère qu’il forme apparaît de fait comme un ministère de concentration formé d’hommes du centre-gauche et du centre-droit. Mais les ministres modérés quittent le gouvernement lorsqu’il s’avère que les socialistes sont décidés à la soutenir. Trois semaines après sa formation, le gouvernement est renversé après une interpellation sur les prix agricoles, révélant qu’il n’existe pas dans cette législature de majorité pour un gouvernement de gauche fût-il modéré.
S’il reste à l’écart du pouvoir durant le le premier gouvernement Blum qui ne correspond guère à ses choix politiques, il revient au gouvernement comme ministre des Colonies dans le cabinet Chautemps de janvier-mars 1938, puis très brièvement comme ministre d’Etat du second gouvernement Blum de mars-avril 1938.
La 10 juillet 1940, lors du vote à Pétain des pouvoirs constitutionnels, Steeg s’abstient volontairement, suivant en cela la position d’Herriot et de Queuille. Républicain intransigeant, il se tient à l’écart de Vichy qu’il désapprouve. Continuant sa carrière après la guerre, il décède à Paris le 19 décembre 1950.
BERSTEIN (Serge) : Histoire du parti radical, 2 vol., Paris, Presses de la FNSP, 1980-1982.
SUARÈS (André), -1904 :
Ecrivain.
SURRÉALISME :
Le surréalisme est un mouvement de révolte qui caractérise les lendemains de la Première Guerre mondiale et se prolonge dans un courant de pensée qui concerne toutes les années de l’entre-deux-guerres. Il intéresse toutes les formes de l’expression artistique, littéraire, musicale (avec Eric Satie), picturale (Ernest et Picasso), et même le cinéma qui vient de naître (Marcel L’Herbier, René Clair, Bunuel) et se présente comme libérateur de l’art en ce qui concerne le fond, la forme et même sa signification. Le surréalisme est d’ailleurs étroitement lié au courant pacifiste au lendemain de la guerre et professe comme lui que la guerre fratricide qui a épuisé l’Europe doit être la « der des der ». Il est donc tout à la fois en révolte contre les valeurs admises et miroir de son époque. Mouvement de rupture, il n’est ni seul dans son cas, ni même le plus radical car, dès 1918, le dadaïsme va jusqu’à la révolte complète et totale aboutissant à la désagrégation du langage et de la vie de l’esprit. Par ailleurs, tout en se voulant en rupture totale le surréalisme plonge ses racines au cœur même du romantisme. Il est à la pointe extrême de ce « néo-romantisme » dont la recherche a tourmenté la poésie française jusqu’à Baudelaire. Enfin, il tire profit de toutes les tentatives de novation, techniques ou intellectuelles qui ont abondé au déut du siècle dans les milieux littéraires où Apollimaire est considéré comme le « miroir de concentration », dans le monde de la painture avec le cubisme…
Le surréalisme s’inspire aussi et principalement de Freud lorsqu’il considère l’art comme une technique d’exploration de l’Inconnu et de tous les « ailleurs ». L’insolite détrône le réalisme, l’exotisme et le rêve sont rois. Le surréalisme prétend pousser l’expérience de la liberté jusquà ses extrêmes limites et comme son but est de transformer en art la pratique individuelle du « défoulement freudien » il ne peut être une école. En effet, si ses principaux représentants se sont associés pour mettre en commun leurs expériences techniques et leur révolte, chacun s’est affirmé progressivement dans ce qu’il avait de singulier et leurs évolutions sont souvent divergentes.
Le groupe surréaliste commence à se constituer en 1919 autour de Breton, Aragon et Soupault. Viennent s’y rejoindre ensuite les poètes Crevel, Desnos, Eluard, Péret et les peintres Ernst et Picabia. Le groupe exprime ses vues dans le Manifeste du surréalisme (1924) où est donnée la définition du terme surréalisme : automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. La dernière phrase définit le procédé de l’écriture automatique qui, avec le compte rendu de rêves, est l’organe essentiel de l’expérimentation surréaliste. Le groupe ouvre à Paris un « Bureau de recherches surréalistes » et donne à sa revue le titre de La Révolution surréaliste. Le surréalisme dans sa recherche de la liberté et sa révolte contre les valeurs admises se trouve naturellement amené à s’interroger sur la révoltion bolchevique. Au départ, les membres du groupe surréaliste sont tentés par un rapprochement avec les communistes (comme en témoignent en 1930 le second manifeste du Surréalisme et le nouveau titre de la revue Le surréalisme au service de la révolution). Mais ils évoluent ensuite vers des positions différentes. Certains comme Aragon et Eluard, se rallient à la Troisième Internationale et resteront fidèles aux consignes de Moscou. D’autres prendront leurs distances et iront mêmes jusqu’à la critique systématique du système politique de Staline, tel Breton qui se consacre au maintien de l’intégrité surréaliste. Le surréalisme a exercé une influence importante dans la décennie 1920-1930, et, depuis, il n’a cessé d’imprégner les œuvres artistiques les plus diverses. Nombre d’artistes qui ne se sont pas intégrés au groupe surréaliste ont souvent poursuivi des expériences parallèles et ont contribué à influencer la génération postérieure.
CORTANZE (G. de) : Le surréalisme, M.A. Editions, 1985.
SYLVA (Berthe Faquet, dite Berthe), 1885-1941 : Chanteuse. Née selon les sources, à Saint-Brieuc vers 1886 ou à Brest le 7 février 1885, Berthe Sylva aurait passé son enfance à Brest avant de se faire employer comme femme de chambre. En 1928, Berthe Sylva est employée au caveau de la République. L'accordéoniste et compositeur Léon Raiter la remarque et lui propose de passer à l'antenne de Radio Tour Eiffel. Elle devient rapidement une vedette avec Les Roses blanches (1926), On n'a pas tous les jours vingt ans (1934) ou Du gris (1931). Le succès est foudroyant. Son premier disque, Le Raccommodeur de Faïence et de porcelaine, enregistré en 1929, est un record de vente. Les tournées en province se multiplient. Fleur de misère (1930), Rôdeuse de barrière (1930), Frou-Frou. C'est mon gigolo. Le tango des fauvettes. En 1931 : Si l'on ne s'était pas connu ; Sous les toits de Paris ; Amoureuse de la tête aux pieds ; Tu ne sais pas aimer
À Paris, on l'entend à Pacra, à l'Européen, au Bataclan, à la gaieté Montparnasse, mais les salles les plus prestigieuses la boudent. Elle partage un moment l'affiche avec Fred Gouin, chanteur très prolixe en enregistrements Leur relation est passionnelle. Avec sa voix chaude, sa réputation de bonne vivante et son répertoire de chansons mélodramatiques ("Le P'tit bosco", "La Légende des flots bleus", "Rendez-moi mon papa", "Mon vieux Pataud"...) elle conquiert un large public populaire. Ses prestations à l'Olympia ou à l'Alcazar de Marseille en 1935 provoquent presque des émeutes. Berthe Sylva se fixe à Marseille au moment de l'Armistice de 1940 où elle décède le 26 mai 1941.
1932
o La voix de maman (C. Fortin/R. de Buxeuil)
o Mousmé d'amour (avec Fred Gouin)
o Ferme tes jolis yeux (avec Fred Gouin)
• 1933
o Un soir à la Havane (avec Fred Gouin)
o Le clown et l'enfant
o Lilas-blanc
o Les mômes de la cloche
o Viens danser quand même
• 1934
o Mon vieux pataud
o Toute pâle
• 1935
o Le p'tit Boscot
o On n'a pas tous les jours vingt ans
o Comme un moineau
• 1937
o Arrêter les aiguilles (Si l'on pouvait arrêter les aiguilles)
o Si tu reviens
o Du soleil dans ses yeux
SYMBOLISME :
Le terme est ambigu car il peut désigner soit un courant d’idéalisme poétique qui s’étenddans la seconde moitié du XIXe siècle, soit une école littéraire qui tromphe dans les années 1885-1890. Il faut cependant noter que les plus grands poètes symbolistes, de Nerval à Mallarmé, ont vécu avany la constitution de l’école symboliste.
Le symbolisme, qui est à l’opposé de la conception parnasienne, du positivisme et du réalisme, repose sur le sens du mystère, un mystère qui est en nous et autour de nous et constitue l’essence même de la réalité. Aussi la poésie ne peut être descriptive. Elle ne peut être qu’une évocation et pour cela user de symboles, d’une correspondance entre deux objets dont l’un est matériel et l’autre moral. Comme la musique, son objet est de rendre les sentiments et les émotions par les rythmes et les sons. En ce qui concerne la forme, les symbolistes réclament de grandes libertés avec la syntaxe, le vocabulaire, la rime et la métrique.
Les origines du symbolisme sont lointaines. On pourrait remonter jusqu’à la théorie platonocienne des idées, mais sans rechercher aussi loin, on peut voir en Nerval et Baudelaire les véritables initiateurs du courant. Verlaine joue aussi un rôle important, avec sa poésie évoquant des rêves, des nostalgies et sa recherche des sons évoquant une musique suggestive. Lautréamont dans les Chants de Maldoror apparaît également mmun précurseur qui contribue à la libération de la forme poétique et traduit de façon symbolique ses angoisses et sa hantise du mal. Enfin, Arthur Rimbaud est considéré comme un maître du symbolisme dont il accepte l’aspect « surréél » en cherchant à créer un « langage accessible à tous les sens ». Le plus grand des symbolistes grâce à sa haute conception de l’idéal et à ses dons exceptionnels est Stéphane Mallarmé, de sorte que la jeune école symboliste le considère comme son chef de file, mais Mallarmé refuse de se laisser enfermer dans une école et il pousse plus avant sur la voie de l’hermétisme, la poésie qui est pour lui une religion, exigeant, estime-t-il, un don de soi total.
En septembre 1885, Jean Moréas donne dans Le Figaro le « Manifeste du symbolisme ». Pour le rythme, il recommande l’alexandrin à césures multiples et mobiles et certains mètres impairs. Une des principales innovations du symbolisme est le vers libre ; la rime peut même disparaître et le rythme se modèle sur celui du rêve ou des émotions, de sorte que s’atténue la distinction entre prose rythmée et vers. Moréas va pourtant bientôt rompre avec les symboles pour revenir à une technique classique, cependant que le courant symboliste se poursuit jusqu’au début du XXe siècle. On peut y voir la forme revêtue dans le monde littéraire par le vaste mouvement de remise en question des certitudes scientifiques, de l’optimisme positiviste dans les années 1880 au profit d’une restauration de la connaissance intuitive, de la mystique, de l’introspection, de l’ésotérisme, qui contrebat le primat de la raison, invaincu depuis 1870.
LETHÈVE (J.) : Impressionnistes et symbolistes devant la presse, Paris, A. Collin, 1959.
SYNDICATS :
Au début de la IIIe République, il existe en France un mouvement syndical né à l’époque du Second Empire qui, depuis 1868, tolère les Chambres syndicales. Toutefois, la répression de la Commune démantèle ce mouvement syndical et la surveillance policière qui s’exerce dans les milieux ouvriers au début de la IIIe République interdit en fait, sinon en droit, l’existence des syndicats. Il faut attendre 1876 et le congrès qui réunit à Paris les délégués des Chambres syndicales de Paris et de province pour que le mouvement syndical cimmence à s’organiser sous la IIIe République, sur la base d’un prudent réalisme, davantage tourné vers les réalisations pratiques que vers l’idéologie. Mais, dès 1879, les luttes idéologiques reprennent dans le mouvement syndical opposant, pour l’essentiel, les collectivités d’inspiration marxiste aux proudhoniens et aux partisan d’un sundicalisme apolitique et autonome. En 1884, sous le second ministère Ferry, est votée la loi Waldeck-Rousseau qui donne aux syndicats une existence légale, loi d’inspiration libérale, mais considérée avec méfiance par les syndicats qui y voient une mesure de contrôle puisqu’en échange de leur légalisation, ils doivent s’engager à ne s’occuper que d’objectifs économiques et à déposer leurs statuts et les noms de leurs administrateurs. A partir de la loi de 1884, le syndicalisme se développe dans une double direction. D’une part, à partir de 1886, naît le mouvement original des « Bourses de Travail » dont la première s’ouvre à Paris, à l’initiative du Conseil municipal. Mais ce qui devait être à l’origine un marché de la main-d’œuvre où on pourrait comptabiliser demande et offre de travail devient rapidement le centre où se retrouvent les dirigeants syndicaux d’une même région, représentant les diverses corporations ouvrières et jouant le rôle d’un centre de placement, d’un centre de secours aux victimes d’accidents du travail et plus encore d’un centre nerveux de l’action syndicale, animant la résistance au patronat et à l’Etat. La Fédération des Bourses du Traveil, créée en 1892, devient ainsi le lieu d’élection d’un syndicalisme qui se veut spécifiquement ouvrier et totalement indépendant de l’administration comme des partis politiques. Autre orientation, celle qui tend à rassembler les syndicats d’une même profession sur le plan local, régional ou national, avec, dans ce dernier cas, une volonté d’action au niveau de l’Etat, très différente de la visée ouvriétiste des Bourses du Travail, qui prétend ignorer l’Etat. C’est dans le cadre de cette structure que se crée la Fédération des Syndicats, de tendance guesdiste. Entre ces deux types d’organisations va bientôt naître une querelle tactique et idéologique autour du thème de la grèvr générale. L’idée, déjà émise sous la Seconde République, est reprise à partir de 1886 et soulève l’anthousiasme des anarchistes, des allemanistes, des blanquistes et l’opposition des guesdiste. Mais au congrès de 1894 de la Fédération nationale des Syndicats, Fernad Pelloutier fait adopter l’idée de grève générale commez moyen d’action spécifiquement ouvrier par les deux tiers des congressistes. C’est la marque du déclin de l’influence guesdiste sur les syndicats et le début de la prépondérance des groupes d’anarchistes qui y sont entrés depuis 1892. En 1895, c’est dans le cadre de cette nouvelle prépondérance des idées anarchisantes qu’est créée au congrès de Limoges la Confédération générale du Travail avec encores des tructures très floues et des vues tactiques et idéologiques incertaines.
Lefranc (G.) : Le Syndicalisme en France, Paris, PUF, 1964.
SYNDICALISME AGRICOLE :
La crise agricole qui ébranle au début de la « Grande Dépression » le monde rural français à partir de 1875 et la loi Waldeck-Rousseau de 1884 autorisant la création de syndicats vont avoir pour conséquence le développement de syndicats agricoles dans les dernières années du XIXe siècle et les débuts du XXe siècle.
Crée le 7 juillet 1883, dans le Loir-et-Cher, par un professeur d’agriculture nommé Jules Tanviray, le premier syndicat agricole avait pour but, selon ses statuts : « l’achat en commun des engrais, des semences et toutes les et objets fréquemment utilisés en agriculture, afin de la obtenir à meilleur marché (…), se prpose aussi de réprimer la fraude dans le commerce des engrais et des graines de semence ». La loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884 sera très largement utilisée pour créer un peu partout des syndicats agricoles.
Deux grandes traditions dominent l’organisation du monde agricole. D’une part, le syndicalisme des marquis et d’autre part, les organisations républicaines.
L’aristocratie terrienne, rassemblée dans la Société des agriculteurs de France (fondée en 1867), présidée notamment par le marquis de Dampierre et de Voguë, créa en 1886 l’Union centrale des syndicats agricoles pour coordonner l’action des syndicats. Cette union, dont le siège fut établi à Paris, 8, rue d’Athènes, connut un vrai succès. Elle aurait rassemblé un million d’adhérents, c'est-à-dire près d’un chef d’exploitation sur quatre, au début du XXe siècle.
Les républicains, de leur côté, sous la houlette de Léon Gambetta avaient crée la Société nationale d’encouragement de l’agriculture afin de « grouper toutes les bonnes volontés dans une même pensée » : le progrès de l’agriculture et l’amélioration du sort des travailleurs du sol ». En 1881, Gambetta fonda le ministère de l’Agriculture. Les républicains développèrent l’action économique à travers les coopératives, les caisses de crédit, les mutuelles d’assurance. On vota la loi sur les caisses de crédit agricole mutuel en 1894, la loi sur les assurances mutuelles en 1901. Ce courant se rassembla au sein de la Fédération nationale de la mutualité et de la coopération agricoles dont le siège fut fixé à Paris, 129, boulevard Saint Germain. La situation se caractérise essentiellement par l’opposition entre le syndicalisme des marquis et les organisations républicaines qui se sont peu à peu teintées de radicalisme. Ainsi, pour certains, la forteresse de la rue d’Athènes s’oppose à Paris, à celle du boulevard Saint Germain comme s’opposent au village « les blancs » du château et d la sacristie aux « bleus » de l’école et de l’administration. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, une première tentative d’union des courants voit le jour : les dirigeants professionnels des deux courants affirment la nécessité de rassembler toutes les énergies. Le 30 juin 1919, s’ouvre à Paris sous la présidence d’Emile Loubet, le Congrès de l’agriculture française qui propose la création de la Confédération nationale des associations agricoles (CNAA). Mais, dès 1925, les organisations du Boulevard Saint-Germain se retirèrent de la Confédération qui tint son dernier congrès en 1936.
L’entre-deux-guerres voit le développement des syndicats par produits : à l’instar de la Confédération générale des vignerons, créée en 1907 dans la foulée de la crise du Phylloxéra, se créent en 1921, La Confédération générale des planteurs de betteraves, puis, en 1924, l’Association générale des producteurs de blé… L’Etat cherche à institutionnaliser la représentation du monde agricole : la loi du 3 janvier 1924 institue des « établissements publics professionnels » départementaux, les chambres d’agriculture, lieux de représentation du monde agricole et de conseils auprès des pouvoirs publics. Les présidents des chambres d’agriculture se rassemblent en une assemblée permanente, érigée en établissement public par décret-loi du 30 octobre 1935. De nombreuses initiatives tendent à organiser les agriculteurs à côté du schéma binaire opposant laïcs et conservateurs.
Dans l’Ouest, le fondateur de l’Ouest-Eclair (1899), l’abbé Félix Trochu, fonde des mutuelles, des caisses de crédit, des syndicats. L’abbé Mancel, à partir de 1920 ; incite les agriculteurs à créer leurs propres organisations. Ce syndicalisme des « cultivateurs-cultivants » aura une influence durable sur le fort taux de syndicalisation caractéristique de l’Ouest. En 1928, deux cents syndicats et quinze mille adhérents sont rassemblés dans la Fédération des syndicats paysans de l’Ouest. Les évêques rappellent que « ce que veut l’Eglise, c’est la doctrine de Jésus Christ, qui recommande l’union des classes ». Le mouvement disparaît en 1934.
Les partis de gauche tentent également de créer des syndicats. Le parti communiste fonde le Conseil paysan français qui devient en 1929 la Confédération générale des paysans travailleurs. Les socialistes (SFIO) créent quelques syndicats locaux et fondent le 12 février 1933 à Limoges la Confédération nationale paysanne. La crise de 1929 et ses conséquences sur l’effondrement des prix agricoles provoquent l’apparition d’une nouvelle forme d’action professionnelle, le dorgérisme, qui marquera durablement le syndicalisme agricole. Henri d’Halluin, dit Dorgères tribun fameux, développe, à l’endroit de la paysannerie, « seule force saine du pays » selon lui, les thèmes de la lutte nécessaire contre l’Etat pourri, les fonctionnaires incapables, la pègre, « Léon Blum et sa clique ». Dorgères réalise l’alliance parti-syndicat dans le parti agraire et paysan français, fondé en 1928, qu’il organise en « faisceaux » en 1934 avec quelques associations spécialisées et l’ancienne Union centrale devenue, la même année, Union nationale des syndicats agricoles. Un Front paysan émerge à son initiative en 1935. L’unité paysanne est enfin réalisée par la corporation paysanne. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, le syndicalisme agricole sous la IIIe République épouse étroitement les diverses opinions politiques qui luttent à l’intérieur du régime.
BARRAL (P.) : Les agrariens français de Méline à Pisani, Paris, Presses de la FNSP., 1968.
BOUSSARD (J.) : La Corporation paysanne, Paris, Presses de la FNSP., 1981.
SYNDICALISME RÉVOLUTIONNAIRE :
Le syndicalisme révolutionnaire résulte de la fusion au sein du mouvement syndical des idées anarchistes et de la pratique syndicale. Entrés dans les syndicats à partir de 1892 pour échapper à la répression qui les frappe et pour toucher les masses ouvrières qui échappent à leur influence, les anarchistes vont être conquis par le syndicalisme qui leur apparaît comme le moyen le plus propre à réaliser la société de leurs rêves. C’est la raison pour laquelle ils vont proposer au syndicalisme des méthodes d’action susceptibles de hâter le « grand soir » de la révolution. Le syndicalisme révolutionnaire se propose en effet de mettre fin au capitalisme et, sur ce point, son but n’est guère différent de celui des marxistes. Mais là où les voies divergent, c’est sur le choix des moyens comme sur la société à substituer au capitalisme vaincu. Pour abattre le capitalisme, le syndicalisme révolutionnaire ne fait en effet nulle confiance à l’Etat et ne s’intéresse donc pas à sa conquête. Son but est de l’abattre par l’action directe. Celle-ci peut être diverse : boycott des entreprises jugées hostiles, label des produits de celles qui acceptent le dialogue avec les syndicats, sabotage de la production, pour aboutir à la grève générale révolutionnaire qui représentera l’assaut ultime contre le monde capitaliste. Quant à la société future, elle est déjà vivante dans les syndicats, aujourd’hui groupements de lutte, demain groupements de production, cellules de base de la société future, dont les Bourses du Travail répartiront les produits. Ce sont ces idées du syndicalisme révolutionnaire qui, à la fin du XIXe siècle, dominent dans le mouvement social, sans en exclure toutefois celles du syndicalisme réformiste, ni celles des guesdistes. Ce sont elles qu’adoptera la CGT naissante et qu’elle consignera solennellement en 1906 dans la Charte d’Amiens.
DUBIEF (H.) : Le syndicalisme révolutionnaire, Paris, A. Colin, 1969.
SYNDICATS :
Journal hebdomadaire crée fin 1936 pour contrecarrer la propagande le La vie Ouvrière, du communiste Monmousseau, au sein de la CGT. Animé par René Belin et Raymond Froideval, administrateur, il est nettement opposé au courant « belliciste ». Son opposition au communiste apparaît clairement dans un éditorial écrit par René Belin en date du 15 septembre 1939 : « Il n’y a qu’une façon de sauver ce qui reste du syndicalisme, c’est de marquer avec force que la CGT n’a rien de commun avec le communisme, c’est d’informer l’opinion que le mouvement syndical s’est radicalement débarrassé de m’emprise moscoutaire ».
SYSLEY Paris, 30 octobre 1839 Moret-sur-Loing (Seine-et-Marne), 29 janvier 1899. Avec Monet, c’est Sisley qui a cherché et réussi à exprimer les nuances les plus subtiles de la nature dans les paysages impressionnistes. Alfred Sisley, né à Paris en 1839, mais de nationalité anglaise, était le fils d’un négociant britannique aisé. Après avoir visité les musées en Angleterre, le jeune Sisley préféra se destiner à la peinture plutôt qu’au commerce : il entra en 1862 à l’atelier de Gleyre où il fit la connaissance de Renoir, Monet et Bazille. Les quatre amis quittèrent l’atelier du maître dès mars 1863 pour travailler en plein air et planter leur chevalet dans la forêt de Fontainebleau.Sisley avait probablement hérité cette sensibilité de sa mère qui appartenait à une famille londonienne cultivée et musicienne.
Ses premiers envois au Salon trahissent l’influence de Courbet, Daubigny, et surtout de Corot. L’année 1870 mit fin à la jeunesse insouciante de l’artiste qui exposa pour la dernière fois au Salon dont il se détourna ensuite. En 1874, après avoir fait figurer cinq œuvres à la première exposition dite « impressionniste », Sisley séjourna durant l’été en Angleterre : il y exécuta plusieurs paysages au bord de la Tamise, à Hampton Court, ainsi que Les régates à Molesey, tandis qu’en France, Monet représentait Les régates à Argenteuil. Sisley choisit inlassablement pour sujet de ses toiles le ciel et l’eau animés par les reflets changeants de la lumière et, par ses paysages, il s’inscrit dans la lignée de Constable, Bonington et Turner. S’il subit l’influence de Monet, il s’éloigne de son ami par sa volonté de construction qui lui fait respecter la structure des formes.
Afin d’assurer l’existence de sa famille, Sisley s’attacha à représenter les environs de Paris, la région de Louveciennes et de Marly-le-Roi : il devint ainsi le peintre de l’Ile-de-France, sans jamais obtenir la nationalité de son pays d’adoption. Se montrant sensible à l’écoulement des saisons, il aimait à traduire le printemps avec les vergers en fleurs ; mais ce fut la campagne hivernale et enneigée qui attira particulièrement Sisley dont le tempérament éservé préférait le mystère et le silence à l’éclat des paysages ensoleillés de Renoir.
Également à la différence de Renoir, peintre de figures et auteur notamment, en 1874, d’un très beau Portrait d’Alfred Sisley (Art Institute of Chicago), ce dernier, peut-être en raison de sa nature discrète et timide, ne s’essaya jamais véritablement au portrait. Sisley a excellé dans la représentation du paysage, méritant d’être ainsi qualifié en 1906 par le critique Duret : « un délicat que la nature enchante ... ».
En 1879, Sisley tenta de nouveau l’admission au Salon où son envoi fut refusé. Il participa à la septième exposition des impressionnistes en 1882 - il avait figuré à celles de 1876 et 1877 -. Puis il s’établit à Moret-sur-Loing en 1882-1883 avant de s’y retirer définitivement en 1889. « Le pays n’est pas mal, un peu paysage dessus-de-tabatière […], église fort jolie, vues assez pittoresques » : c’était ainsi que le peintre décrivait dans une lettre adressée le 31 août 1881 à son ami Monet l’endroit qu’il allait immortaliser par son pinceau dans ses nombreuses vues des rives du Loing et de la petite ville au riche passé moyenâgeux. Sisley s’y est éteint le 29 janvier 1899. Avec lui disparaissait le seul des impressionnistes à n’avoir pas connu le succès, malgréle soutien moral et financier manifesté par les marchands Paul Durand-Ruel et Georges Petit, et leurs efforts pour faire découvrir son œuvre à Paris comme à l’étranger. Cette même année, Monet regroupa les amis de Sisley pour donner une toile de l’artiste au musée du Luxembourg (Le Canal du Loing).
Dans la lettre qu’il écrivait à son fils Lucien le 22 janvier 1899, Pissarro pressentait la place qui allait revenir au peintre : « Sisley, dit-on, est fort gravement malade. Celui-là est un bel et grand artiste. Je suis d’avis que c’est un maître égal aux plus grands. J’ai revu des œuvres de lui d’une ampleur et d’une beauté rare, entre autres une Inondation qui est un chef-d’œuvre ». Et, en effet, à la vente Tavernier du 6 mars 1900, L’ Inondation à Port-Marly (aujourd’hui conservée au musée d’Orsay) atteignait une enchère élevée en étant adjugée au comte Isaac de Camondo. Le succès, qui avait été refusé à Sisley de son vivant, s’attacha ainsi à son nom dès l’année suivant sa disparition.
Un hommage a été rendu au talent du peintre par la récente exposition internationale « Sisley » organisée en 1992-1993 (Londres, Royal Academy of Arts - Paris, musée d’Orsay - Baltimore, Walters Art Gallery) : y étaient retracées les différentes phases de sa carrière jusqu’à l’étape ultime de Moret-sur-Loing. Et le grand intérêt manifesté alors par le public exprimait et confirmait la faveur dont jouit désormais l’artiste.
Moret-sur-Loing demeure comme le lieu d’un pèlerinage accompli avec ferveur par les amateurs de Sisley qui viennent sur les pas du peintre disparu, sans oublier de se rendre sur sa tombe. En 1989, à l’occasion du cent-cinquantième anniversaire de la naissance du peintre, et du centenaire de son installation à Moret-sur-Loing, a été créée l’association « Les Amis d’Alfred Sisley » avec un double objectif : elle aide à une meilleure connaissance de Sisley, l’homme et l’artiste, autant que de son œuvre, et elle souhaite faire découvrir ce village d’Ile-de-France où il avait choisi de vivre et de travailler ; l’association contribue au respect des lieux ayant inspiré le peintre afin que l’environnement demeure dans un esprit de fidélité à Sisley, permettant ainsi de retrouver les sites où il a planté son chevalet.
Depuis une trentaine d’années, chaque samedi d’été se déroule le festival de Moret-sur-Loing : ce spectacle nocturne « son et lumière » évoquant l’histoire de la cité fait apparaître le peintre Sisley. Et la ville de Moret-sur-Loing conçoit plusieurs manifestations s’échelonnant au long de l’année 1999 afin de commémorer le centenaire de la mort d’Alfred Sisley.
F. DAULTE, Catalogue raisonné de l'œuvre de Sisley, Lausanne, Éd. Durand-Ruel, 1959.
F. DAULTE, Sisley, les saisons, Paris, La Bibliothèque des arts, 1992.
S. PATIN, Impression ... impressionnisme, Paris, Gallimard-Jeunesse, 1998, coll. "Découvertes texto", n° 4.
Ch. LLOYD, S. PATIN, M.-A. STEVENS, Sisley, cat. de l'expo. Londres, Royal Academy of Arts, 3 juil.-8 oct. 1992, Paris, Musée d'Orsay, 28 oct. 1992-31 janv. 1993, Baltimore, Walters art Gallery, 14 mars-13 juin 1993.
SYVETON (Gabriel), 1864-1964 :
Homme politique. Agrégé de l’université, il enseigne l’histoire en province et s elance dans la politique. Il fonde avec d’autres universitaires, écrivains, journalistes et militants politiques, La Ligue de la Patrie française en 1898. Élu député de la Seine sous l’étiquette nationaliste en 1902, il est invalidé l’année suivante et doit se représenter. Ses électeurs lui renouvèlent leur confiance en 1903. Survient ensuite la fameuse « Affaire des fiches » : la droite produisant à la Chambre divers documents, accuse la Franc-maçonnerie de fournir des fiches de renseignement au ministère de la Guerre sur les officiers d’active. Au cours des incidents tumultueux qui s’ensuivent, le 4 novembre 1904, Syveton giffle le ministre de la Guerre, le général André. En raison de cette voie de fait, Syveton est renvoyé devant la cour d’assise de la Seine. Mais la veille de sa comparution, le 8 décembre 1904, on le trouve asphyxié dans son cabinet. Accident, suicide ou crime ? Sa mort provoque la consternation dans les rangs nationalistes. Tandis qu’une partie de la presse tente de déconsidérer le défunt, dont la vie privée n’est pas, assure-t-elle, au dessus de tout reproche, d’autres journaux soulignent ce que cette mort a de singulier : « Comme la mort de Félix Faure, écrit Drumont dans La Libre Parole, la disparition d Syveton, cette disparition si soudaine, si inexplicable, si inattendue, et si imopportune aussi, demeure entourée de circonstances mystérieuses qui ne seront probablement jamais éclaircies. » Au lendemain de cette mort mystérieuse, La Petite République, journal socialiste, notait un fait curieux : « On sait qu’au procès de M. Syveton, une cinquantaine de témoins avaient été cités, la plupart à la requête du député nationaliste. Il était matériellement impossible à la Cour d’Assise d’entendre ces témoignagnes, ces plaidoieries et le réquisitoire. […] En une seule audiance, trois auraient tout juste suffi. Or, on se rappelle que l’affaire Syveton, en dépit de cette corconstances, n’était inscrire au rôle que pour une petite audiance ». Personne ne réplique à La Petite République et il faut attendre 1924 pour avoir
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